Laurent Grandguillaume, président de l’association Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD), et Michel de Virville, représentant du Fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée (ETCLD), ont rencontré, le 22 octobre, Muriel Pénicaud, ministre du Travail. Au cours de ces échanges, la ministre a confirmé que le prolongement de l’expérimentation TZCLD et son extension à de nouveaux territoires « auraient bien lieu ». Prévue pour cinq ans depuis la loi de février 2016, le projet reste dans l’attente d’une seconde loi actant son prolongement. « Aujourd’hui, plus de 100 territoires sont désireux d’entrer dans le projet : c’est un défi », avait fait valoir Antonin Gregorio, nouveau directeur général de l’association, lors du congrès de l’Union nationale des centres communaux d’action sociale, début octobre.
L’exécutif a fini par confirmer son orientation, bien qu’aucun calendrier précis ne soit encore donné. Le ministère, l’association TZCLD et le Fonds ETCLD se sont entendu sur une méthode de collaboration. Un « diagnostic partagé » doit être établi sur la base des rapports de la mission de l’inspection générale des affaires sociales-inspection générale des finances (Igas-Igf), et du comité scientifique d’évaluation. Ceux-ci doivent être rendus publics dans les prochaines semaines. Ensuite, un « comité de pilotage commun » aura la charge de « coconstruire » la seconde phase d’expérimentation. Le soutien financier de l’exécutif, passé de 9 à 22 millions d’euros en 2019, sera de 28 millions d’euros en 2020.
Ces précisions interviennent après une longue attente des porteurs du projet, qui pointent une série de freins. La mission spéciale Igas-Igf devait initialement être rendue avant l’été 2019. « Cette mission est devenue un argument pour repousser l’extension », estime Laurent Grandguillaume sur son blog personnel. Le contexte s’est également tendu avec la parution, le 18 octobre, d’un article de Pierre Cahuc, économiste membre du comité d’évaluation scientifique. Ce dernier y fustige le coût du projet pour les collectivités, qu’il estime supérieur à ce qui est annoncé. Dans un courrier au président de la République co-écrit avec Louis Gallois, président du fonds d’expérimentation, Laurent Grandguillaume considère qu’il est « profondément anormal qu’un membre du conseil scientifique d’évaluation s’exprime publiquement avant que le conseil auquel il appartient ait donné ses conclusions ».
En attendant, Territoires zéro chômeur de longue durée renforce ses missions avec la signature, le 24 octobre, d’un partenariat avec l’Agefiph. Une enquête diffusée à cette occasion révèle qu’en juin 2019, sur les 744 salariés de 11 entreprises à but d’emploi (EBE), 158 étaient en situation de handicap : soit 21,24 % des effectifs. La proportion varie d’un territoire à l’autre : à Pipriac/Saint-Ganton (Ille-et-Vilaine), elle atteint 43,28 % – près d’un salarié sur deux. « Dans l’EBE, il y a beaucoup de personnes en situation de handicap, les gens sont compréhensifs, on se remplace, on s’aide », témoigne dans l’étude Eric Touzé, ancien chauffeur routier rendu hémiplégique par un accident, devenu salarié à mi-temps puis à 75 % pour assurer des transports internes.
Pour autant, seuls 40 % des comités locaux pour l’emploi, porteurs des projets, intègrent en leur sein des institutions spécialisées sur le handicap ; et seuls 50 % d’entre eux ont mis en place une méthode d’identification spécifique. Ce décalage s’explique en partie, selon l’association, par la « logique déclarative » qui prévaut à l’embauche. Par crainte de la stigmatisation, certains salariés ne déclarent pas leur handicap, révélé a posteriori à l’employeur. La plupart ont des « handicaps physiques au niveau du dos ou des jambes, empêchant de rester debout longtemps ou de porter des charges lourdes », explique Denis Prost, membre de l’équipe projet à Pipriac/Saint-Ganton. A la faveur d’un recensement plus précis ayant mis en lumière l’enjeu au sein de leur entreprise à but d’emploi, la question est désormais posée « plus formellement » à l’embauche.
Les territoires sont les premiers à manifester leur volonté d’organiser des « collectifs de travail inclusifs ». Les équipes aident souvent les personnes sans reconnaissance de leur handicap à monter leurs dossiers ; et au niveau local, des partenariats avec l’Agefiph sont déjà tissés. En Bretagne, celle-ci contribue au financement de la formation préalable à l’embauche, signale des aides existantes, finance du matériel adapté, fait venir un ergonome… Certaines entreprises à but d’emploi travaillent aussi avec des référents handicap formés par l’Agefiph. « L’idéal serait que l’EBE se dote en interne de cette compétence de suivi des salariés et des postes en adaptation », note Serge Marhic, directeur de l’EBE Tezea à Pipriac/Saint-Ganton. Reste le handicap psychique, moins visible, donc « complexe à appréhender en EBE » selon l’étude. L’équipe de Pipriac/Saint-Ganton a établi un partenariat avec le groupement d’associations Fil Rouge 35, spécialisé dans l’insertion socioprofessionnelle des personnes présentant des troubles psychiques.
Le partenariat implique de créer davantage ce type de liens avec des acteurs locaux experts, pour une meilleure identification des personnes. Il vise aussi à maximiser la constitution de dossiers de demande d’aide. Par ailleurs, à l’heure où 21 adaptations matérielles de postes de travail ont été réalisées depuis le début de l’expérimentation, d’autres devraient être développées. Enfin, l’accent est mis sur les échanges de pratiques entre territoires pilotes. Quant au Fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, il développera une mission spécifique d’appui pour la mise en place d’un « management inclusif ».
Le 7 novembre se tiendra, pour sa 4e édition, la « Grève du chômage », à l’initiative de l’association Territoires zéro chômeur de longue durée. Dans une cinquantaine de collectivités, les chômeurs grévistes effectueront des tâches utiles mais non prises en charge telles que du « ramassage de déchets », de la « confection d’éponges ou de coussins en tissus recyclés », une « sortie avec les résidents d’un Ehpad »… L’idée de ce mouvement de grève est avant tout d’« alerter contre la privation d’emploi », mais aussi de « revendiquer le droit d’obtenir un emploi inscrit dans la Constitution française ». L’occasion, aussi, d’appeler à un vote rapide de l’extension du projet « Territoires zéro chômeur de longue durée » à de nouveaux territoires.