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Le transfert d’entreprise

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Le transfert d’activité vers un nouvel employeur a des effets sur les contrats de travail des salariés mais également sur les mandats des représentants du personnel en cours. Présentation du transfert d’entreprise qui obéit à un cadre juridique strict.

La reconnaissance des conditions du transfert d’entreprise obéit à un cadre juridique strict qui sera abordé dans un premier temps (I). En pratique, la qualification du transfert légal aura des effets sur les contrats de travail des salariés (II) mais également sur les mandats des représentants du personnel en cours (III). Enfin, un focus devra être réservé aux problématiques soulevées par l’existence de conventions et accords collectifs différents au sein des structures cédante et cessionnaire et leurs modalités de mise en cause après les réformes législatives successives (IV).

I. Reconnaissance des conditions du transfert d’entreprise : rappel du cadre juridique

L’article L. 1224-1 du code du travail précise à ce titre les circonstances dans lesquelles un transfert d’entreprise doit être caractérisé : « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. »

Dès lors que la situation juridique répond aux conditions précitées, un transfert légal d’entreprise est caractérisé, engendrant des conséquences juridiques tant sur les relations individuelles que collectives du travail.

A noter : Les conditions fixées par le code du travail sont applicables tant aux entreprises qu’aux associations.

Les notions juridiques relatives au transfert légal sont par ailleurs applicables dès lors qu’une entité juridique est caractérisée. Ainsi, la Cour de cassation précise que l’article L. 1224-1 s’applique de plein droit en cas de transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise (Cass. ass. plèn., 16 mars 1990, n° 89-45730).

L’entité économique autonome est définie par la jurisprudence comme un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité qui poursuit un objectif propre (Cass. soc., 7 juillet 1998, n° 96-21-451 ; Cass. soc., 27 février 2013, n° 12-12305).

L’activité économique est définie comme pouvant relever d’une activité de production ou d’une activité de services. De surcroît, il importe peu qu’il s’agisse de l’activité principale de la structure et il pourra être question d’une activité principale, secondaire ou même accessoire. En cas de transfert partiel d’activité, il conviendra de vérifier que l’activité transférée est une activité économique en elle-même mais ne constitue pas une tâche isolée par rapport à l’activité économique exercée par la société ou l’association. Il s’agit là de caractériser une entité totalement autonome, c’est-à-dire distincte et détachable des autres activités exercées par le cédant. On pourra alors rechercher si l’entité bénéficie d’une autonomie de gestion ou encore d’une autonomie budgétaire et comptable suffisante. La recherche de l’autonomie dans l’organisation du travail constituera également un indice pour caractériser l’entité distincte et détachable.

A ce titre, il sera nécessaire de vérifier si l’entité économique dispose d’un personnel propre et de moyens corporels et/ou incorporels.

On pourra considérer qu’il existe un personnel propre spécifiquement affecté à l’activité de l’entité lorsqu’une partie des salariés est employée afin de travailler dans l’activité cédée.

Quid du salarié affecté en partie à l’activité transférée et l’activité conservée ?

Il est possible qu’un salarié soit affecté en fonction de son poste de travail à plusieurs activités de l’entreprise ou de l’association. On considérera qu’il faut rechercher si le salarié exerce bien deux activités distinctes pour décider qu’il existe effectivement un personnel spécialement affecté à l’entité économique autonome.

Quant aux moyens corporels et/ou incorporels, il s’agira de vérifier leur affectation spécifique à l’entité économique. Pour précision, les moyens corporels pourront être à titre d’exemple des équipements, outillages, stocks, matériels, bâtiments ou terrains et les moyens incorporels sont essentiellement constitutifs d’une clientèle, un bail ou une marque.

Lorsque sont réunies les conditions précitées, l’entité économique autonome est caractérisée. Il est maintenant nécessaire de déterminer si l’on peut caractériser un maintien de l’identité de cette dernière. En pratique, la Cour de cassation considère que ce maintien résultera de la poursuite ou de la reprise par le repreneur de l’activité avec les moyens d’exploitation précités.

Dans l’hypothèse où les conditions d’application de l’article L. 1224-1 du Code du travail sont remplies, les conséquences sont impérativement celles du transfert légal d’entreprise.

II. Conséquences du transfert sur les contrats de travail des salariés

Dès lors que les conditions d’application de l’article L. 1224-1 sont réunies, les contrats de travail sont transférés de plein droit au nouvel employeur qui doit en poursuivre l’exécution. Il n’y a donc aucune formalité prescrite en dehors de l’obligation faite au cédant et au cessionnaire d’informer et de consulter leur comité social et économique sur l’opération projetée.

Ainsi, en principe, les salariés n’ont pas à être informés préalablement de l’opération qui s’impose à eux (Cass. soc., 27 juin 2002, n° 00-44006).

Attention : Cela signifie par ailleurs que si les conditions relatives au transfert d’entreprise ou d’une entité économique autonome sont remplies, une clause entre le repreneur et le cédant prévoyant une reprise partielle des salariés par le nouvel employeur ne peut être envisagée et sera réputée non écrite (Cass. ch. mixte, 7 juillet 2006, n° 04-14788).

Exception au transfert automatique des contrats de travail

Si, en principe, le transfert d’entreprise ou d’une entité économique autonome entraîne de plein droit le maintien des contrats de travail avec le nouvel employeur, des exceptions ont été fixées par le code du travail.

En effet, la loi prévoit que les plans de sauvegarde de l’emploi peuvent dorénavant comprendre des actions favorisant la reprise de tout ou partie des activités en vue d’éviter la fermeture d’un ou plusieurs établissements (code du travail [C. trav.], art. L. 1233-62). Dès lors, il s’agit d’une autorisation de procéder à des licenciements avant le transfert d’entreprise mais l’employeur aura alors l’obligation de démontrer qu’en l’absence de transfert, de nombreux licenciements auraient été plus importants. Deux conditions cumulatives doivent donc être remplies : il conviendra de prévoir dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi et donc d’un licenciement pour motif économique des mesures en vue d’éviter la fermeture d’un ou plusieurs établissements intégrant le transfert d’une ou plusieurs entités économiques autonomes afin de sauvegarder une partie des emplois de la structure et de justifier que l’entreprise soit obligée d’accepter une offre de reprise. Cette situation correspond donc à l’hypothèse de la cession d’une entreprise ou d’une association dans le cadre d’une procédure collective lorsque l’employeur envisage la fermeture d’un établissement qui aurait pour conséquence le licenciement de l’ensemble des salariés attachés à ce dernier (C. trav., art. L. 1233-57-9 et suivants).

Licenciements prononcés par le cessionnaire

Si le transfert des contrats de travail doit être automatique, aucune disposition n’est prévue par le code du travail empêchant le cessionnaire de recourir à des licenciements notamment pour motif économique ou pour motif personnel après le transfert d’entreprise. Ainsi, ce dernier pourra notamment envisager des licenciements fondés sur une réorganisation de l’entreprise dans le cadre du motif économique.

S’agissant du licenciement pour motif personnel se pose la question des faits fautifs qui ont pu être commis par le salarié avant la date du transfert. Ainsi, comment gérer la faute du salarié réalisée avant le changement d’employeur ? Le nouvel employeur peut valablement évoquer à l’appui du licenciement une faute commise par le salarié alors qu’il était sous l’autorité de son ancien employeur. Cependant, il conviendra de respecter le délai de prescription des faits fautifs fixé à 2 mois comme le rappelle la jurisprudence (Cass. soc., 4 février 2014, n° 12-27900).

Attention : Le transfert d’entreprise ne permet pas d’ouvrir un nouveau délai de prescription et la sanction doit intervenir dans le délai de 2 mois à compter de la connaissance des faits par l’ancien employeur ou seulement, si ce dernier n’en a pas eu connaissance, dans les 2 mois de la connaissance des faits par le nouvel employeur.

Le licenciement pour motif personnel pourra valablement être prononcé pour insuffisance de résultat ou professionnelle par le nouvel employeur en évoquant, à l’appui de la lettre de licenciement, les résultats du salarié avant la date du transfert.

Cette possibilité devra cependant être maniée avec prudence dans la mesure où les juges vérifient que le recours au licenciement ne constitue pas un détournement de procédure destiné à faire échec au transfert automatique des contrats de travail des salariés. Dans cette hypothèse, les licenciements prononcés seraient dépourvus de cause réelle et sérieuse. De même, le licenciement ne doit pas intervenir du fait des exigences du cessionnaire ou du transfert. Le salarié victime d’un tel licenciement aura la faculté de solliciter la poursuite du contrat du travail avec le cessionnaire ou, en cas de refus de ce dernier, une indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dans les conditions classiques du code du travail (C. trav., art. L. 1235-3). Le salarié aura également la possibilité de demander au cédant qui aurait procédé au licenciement de réparer le préjudice résultant de la rupture intervenue en raison du transfert d’entreprise. Il est à noter également que le cédant a la faculté d’appeler en garantie le repreneur si ce dernier a refusé de poursuivre le contrat de travail du salarié aux mêmes conditions que celles fixées au contrat de travail, contribuant ainsi au préjudice subi par le salarié.

Quid de la modification du contrat de travail après la cession ?

Dans la mesure où les contrats de travail subsistent avec le nouvel employeur dans les mêmes conditions que celles fixées avec l’ancien employeur, la modification du contrat envisagée doit être proposée dans les conditions classiques du droit du travail. Ainsi, le cessionnaire qui envisage une modification d’un élément essentiel du contrat de travail (ex. : durée du travail, secteur géographique, rémunération…) a l’obligation de proposer la modification au salarié. La Cour de cassation précise en effet que toute mesure affectant un élément essentiel du contrat de travail doit faire l’objet d’une procédure intégrant une proposition au salarié et l’obligation de laisser un délai suffisant à ce dernier pour faire connaître son acceptation ou son refus. En pratique, un délai de 15 jours est préconisé par l’administration. La Cour de cassation rappelle que l’accord du salarié doit être exprès (voir notamment, Cass. soc. 29 novembre 2011). Ainsi, la seule poursuite du contrat de travail aux nouvelles conditions ne permettra à l’employeur de garantir l’accord du salarié et l’intéressé aurait donc la faculté de contester la modification imposée.

Attention : En cas de modification pour un motif d’ordre économique, la proposition au salarié doit être effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception et intégrer un délai de réflexion de 1 mois à compter de la réception pour faire connaître son éventuel refus (C. trav., art. L. 1222-6). L’absence de réponse du salarié dans le délai vaut alors acceptation, contrairement à la proposition de modification de droit commun.

En cas de refus d’accepter la modification du contrat proposée par le nouvel employeur, un licenciement pourrait être envisagé dès lors que le cessionnaire est en mesure de rapporter la preuve que la modification du contrat relevait d’une nécessité pour le bon fonctionnement de l’entreprise. De nouveau, la motivation d’un tel licenciement devra être très étayée et les juges vérifieront que la proposition ne relève pas d’une fraude ou d’une collusion entre les employeurs successifs (voir notamment, Cass. soc. 27 novembre 2013, n° 12-18470).

Impact du transfert sur la poursuite des contrats des membres des institutions représentatives du personnel

Lorsque le transfert d’entreprise est un transfert partiel, le passage du contrat de travail d’un salarié représentant du personnel de la structure cédante à la structure cessionnaire doit faire l’objet d’une procédure particulière. A ce titre, l’autorisation préalable de l’inspection du travail est indispensable. Celle-ci aura pour mission de s’assurer que le transfert du contrat de travail du représentant du personnel n’a pas fait l’objet d’une mesure discriminatoire et que le salarié était bien affecté à l’entité transférée. Il n’est en pratique pas question de procéder au transfert de contrats de travail de salariés qui ne sont pas, préalablement au transfert, spécifiquement affectés à l’activité que l’entreprise ou l’association envisage de céder.

La demande d’autorisation auprès de l’inspection du travail doit être effectuée 15 jours avant la date fixée pour le transfert d’entreprise et devra s’effectuer par voie électronique ou par lettre recommandée avec accusé de réception en deux exemplaires. L’inspection du travail proposera alors au salarié concerné de fournir ses observations écrites et, à sa demande, orales.

A noter : Une enquête contradictoire peut être menée par l’inspecteur du travail.

La décision d’autorisation ou de refus du transfert du contrat de travail sera prise par l’inspection du travail dans un délai maximal de 2 mois courant à compter de la réception de la demande d’autorisation. Attention : l’absence de réponse au-delà du délai précité vaut décision implicite de rejet et l’employeur ne pourra pas procéder au transfert (C. trav., art. R. 2421-17).

L’article L. 2414-1 du code du travail prévoit expressément la liste des salariés dont le transfert ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspection du travail :

• délégué syndical et ancien délégué syndical ;

• membre élu et ancien membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique (CSE) ou candidat à ces fonctions ;

• représentant syndical et ancien représentant syndical au CSE ;

• représentant de proximité et ancien représentant de proximité ou candidat à ces fonctions ;

• membre et ancien membre de la délégation du personnel du CSE interentreprises ou candidat à ces fonctions ;

• membre du groupe spécial de négociation et membre du comité d’entreprise européen ;

• membre du groupe spécial de négociation et représentant au comité de la société européenne ;

• membre du groupe spécial de négociation et représentant au comité de la société coopérative européenne ;

• membre du groupe spécial de négociation et représentant au comité de la société issue de la fusion transfrontalière ;

• représentant du personnel d’une entreprise extérieure, désigné à la commission santé, sécurité et conditions de travail d’un établissement comprenant au moins une installation classée figurant sur la liste prévue à l’article L. 515-36 du code de l’environnement ou mentionnée à l’article L. 211-2 du code minier ;

• membre d’une commission paritaire d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en agriculture prévue à l’article L. 717-7 du code rural et de la pêche maritime ;

• représentant des salariés dans une chambre d’agriculture mentionné à l’article L. 515-1 du code rural et de la pêche maritime ;

• salarié mandaté dans les conditions prévues aux articles L. 2232-23-1 et L. 2232-26, dès que l’employeur a connaissance de l’imminence de sa désignation, ou ancien salarié mandaté, durant les 6 mois suivant la date à laquelle son mandat a pris fin. Lorsque aucun accord n’a été conclu à l’issue de la négociation au titre de laquelle le salarié a été mandaté, le délai de protection court à compter de la date de fin de cette négociation matérialisée par un procès-verbal de désaccord ;

• assesseur maritime mentionné à l’article 7 de la loi du 17 décembre 1926 relative à la répression en matière maritime ;

• défenseur syndical mentionné à l’article L. 1453-4.

En cas de transfert sans autorisation administrative, le salarié aura la faculté de solliciter sa réintégration dans l’entreprise d’origine et de percevoir le versement des salaires perdus. La Cour de cassation a cependant récemment rappelé que le salarié n’aura pas la faculté de cumuler sa demande de versement des salaires perdus avec les salaires perçus chez le repreneur (Cass. soc., 28 mai 2003, n° 01-40512). Le transfert opéré est affecté d’une nullité. De même, en cas d’annulation de transfert, le représentant du personnel devra être réintégré dans la structure d’origine à sa demande et reprendra le cours de son mandat si l’institution est toujours en place. A défaut, il bénéficiera de la protection prévue par le code du travail pour les anciens représentants du personnel.

III. Impact du transfert sur les mandats des représentants du personnel

Le transfert d’entreprise ne permet pas au cessionnaire de considérer que les mandats des membres des institutions représentatives du personnel en cours dans la structure du cédant prennent fin automatiquement. Le salarié représentant du personnel bénéficiera en principe du transfert du mandat en cours. Juridiquement, le code du travail subordonne la poursuite des mandats au maintien de l’autonomie juridique de l’entité transférée.

Quelle définition de l’autonomie juridique ?

Au regard de la jurisprudence rendue au niveau national comme européen, l’entreprise est réputée conserver son autonomie dès lors que l’entité économique transférée correspond au cadre au sein duquel les représentants du personnel concernés par l’opération ont été élus (membres du CSE, délégués du personnel, membres du comité d’entreprise ou du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) ou désignés (délégués syndicaux) et que ce cadre persiste. Il s’agit en fait de déterminer s’il existe ou non déjà dans la structure cessionnaire une représentation de la collectivité des travailleurs.

Attention : La définition du caractère d’autonomie très extensive de la Cour de cassation conduit à écarter la simple appréciation juridique commerciale de l’autonomie.

Il en sera ainsi en cas de transfert complet de l’entreprise conservant son autonomie matérielle, comme en cas de cession d’un fonds de commerce ou de fusion. De même, si le transfert d’une entité économique autonome devient un établissement autonome au sein de l’entreprise d’accueil, l’intégralité des mandats en cours sera poursuivie. En effet, dans les deux hypothèses précitées, la communauté des salariés nouvellement intégrés ne bénéficierait pas, en cas de cessation des mandats en cours, d’une défense de ses intérêts.

A noter : Le terme des mandats pourra toutefois être aménagé, c’est-à-dire subir une prorogation ou une réduction afin de tenir compte de la date habituelle des élections au sein de la structure cessionnaire. Cette possibilité doit permettre à l’entreprise d’accueil une gestion pratique des calendriers des élections.

A l’inverse, dès lors que l’entreprise cédée s’intègre au sein de l’entreprise d’accueil sans cadre distinct spécifique ou que l’entité économique autonome est absorbée, les mandats des représentants du personnel ont vocation à prendre fin au jour du transfert (voir notamment Conseil d’Etat, 8 janvier 1997, n° 154728).

Le mandat des représentants du personnel doit alors prendre fin de manière automatique à la date du transfert d’entreprise. Ainsi, à titre d’exemple, le délégué du personnel affecté à l’activité cédée qui ne constitue pas un établissement distinct dans l’entreprise d’accueil verra son mandat prendre fin sauf accord conclu entre l’employeur et les organisations syndicales intéressées.

Attention : L’employeur doit tout de même solliciter l’autorisation de l’inspection du travail pour valider le transfert du contrat de travail du salarié hors hypothèse du transfert total d’entreprise. On notera également que ce dernier bénéficiera alors, dès le terme anticipé du mandat, de la protection dévolue aux anciens représentants du personnel.

Quid du procès-verbal de carence aux dernières élections professionnelles de l’entreprise cédée ?

La Cour de cassation a eu l’occasion de trancher cette problématique et considère qu’il faut vérifier si la structure cédée conserve ou non son autonomie juridique. Dans l’hypothèse où une carence aux élections des représentants du personnel a été constatée avant la cession et que l’autonomie de la structure persiste après le transfert, le procès-verbal continue à produire effet pendant la durée correspondant à la durée légale des mandats. La jurisprudence a récemment admis à ce titre que le nouvel employeur pouvait se prévaloir du procès-verbal de carence de la structure cédante afin de justifier l’absence de nécessité de consultation des représentants du personnel (Cass. soc., 6 mars 2019, n° 17-28478).

Attention : Le procès-verbal de carence n’est cependant valable qu’en l’absence de demande d’organisation d’élections professionnelles formée par un salarié ou une organisation syndicale représentative.

IV. Conséquences du transfert sur les conventions et accords collectifs

Les dispositions législatives relatives à la mise en cause des conventions et accords collectifs ont fait l’objet de modifications suite à la réforme de la loi « travail » du 8 août 2016 (C. trav., art. L. 2261-14 et s.).

La négociation aura lieu dans les conditions fixées par les articles L. 2232-12 et suivants du code du travail.

Attention : Les dispositions du code du travail relatives à la mise en cause des conventions et accords collectifs en cas de changement dans la situation juridique de l’employeur ne sont pas applicables si les conditions posées par l’article L. 1224-1 ne sont pas réunies. Dès lors, si l’employeur est dans une situation de transfert conventionnel, il ne pourra pas bénéficier des modalités énoncées ci-après (voir notamment, Cass. soc., 22 mai 2002 n° 99-46315).

Préalablement au transfert

Les employeurs ont la faculté de recourir à l’accord de transition ou de choisir de conclure une nouvelle convention collective d’adaptation. Ces deux types d’accords doivent impérativement être conclus avant la date fixée pour le transfert d’entreprise.

Attention : En pratique, ces modalités ne seront donc pas applicables dans le cadre d’une cession d’entreprise ou d’association suite à un redressement ou une liquidation judiciaires. En effet, dans cette hypothèse, l’employeur n’aura l’information qu’il a été choisi comme repreneur qu’au moment du jugement prononcé par le tribunal de commerce.

Les employeurs des entreprises concernées (l’ancien et le nouveau) et les organisations syndicales représentatives de l’entreprise rachetée peuvent négocier et conclure un accord de transition. Cet accord sera alors conclu pour une durée maximale de 3 ans et entrera en vigueur lorsque la modification juridique interviendra.

Les employeurs des entreprises concernées (l’ancien et le nouveau) et les organisations syndicales représentatives des entreprises concernées (les anciennes et les nouvelles) peuvent négocier et conclure une nouvelle convention collective dite d’« adaptation ». Elle se substituera complètement à celle auparavant applicable dans l’ancienne structure (entreprise ou association) et révisera dans le même temps celle applicable dans la nouvelle entreprise. On notera que cet accord entre en vigueur à partir de la modification juridique.

Postérieurement au transfert en l’absence d’accord préalable

Lorsqu’une convention collective a été mise en cause dans une entreprise ou une association en raison notamment d’un transfert, ce texte continue de produire des effets jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention qui lui est substituée.

Conformément aux dispositions légales, un accord de substitution peut être négocié et conclu par le nouvel employeur et les organisations syndicales représentatives de l’entreprise repreneuse à la demande d’une des parties intéressées dans le délai de 3 mois suivant la mise en cause.

Attention : Les parties ont l’obligation d’engager les négociations dans le délai de 3 mois suivant la date du transfert d’entreprise. Ainsi, si les organisations syndicales représentatives ne sollicitent pas l’ouverture de ces négociations, il appartiendra à l’employeur d’y procéder.

En pratique, les anciens salariés auront le droit de se voir appliquer, d’une part, la convention collective en vigueur dans leur nouvelle entreprise et, d’autre part, celle qui était applicable dans leur ancienne structure pendant toute la durée de survie ou, le cas échéant, l’accord de substitution nouvellement conclu.

En tout état de cause, une durée maximale de survie de 15 mois intégrant 12 mois de survie et 3 mois de préavis s’ouvre. Dans l’hypothèse où aucun accord ne serait trouvé au bout de 15 mois, les salariés transférés conserveront une rémunération annuelle au moins équivalente à celle qu’ils percevaient dans les 12 mois précédant la disparition de la convention collective.

Le code du travail prévoit en effet qu’en l’absence d’accord de substitution, les salariés de l’entreprise transférée bénéficient d’une garantie de rémunération dans les conditions suivantes : « […] Lorsque la convention ou l’accord qui a été mis en cause n’a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans le délai fixé au premier alinéa du présent article, les salariés des entreprises concernées bénéficient d’une garantie de rémunération dont le montant annuel, pour une durée de travail équivalente à celle prévue par leur contrat de travail, ne peut être inférieur à la rémunération versée, en application de la convention ou de l’accord mis en cause, lors des 12 derniers mois.

Cette garantie de rémunération s’entend au sens de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, à l’exception de la première phrase du deuxième alinéa du même article L. 242-1.

Cette garantie de rémunération peut être assurée par le versement d’une indemnité différentielle entre le montant de la rémunération qui était dû au salarié en vertu de la convention ou de l’accord mis en cause et de son contrat de travail et le montant de la rémunération du salarié résultant de la nouvelle convention ou du nouvel accord, s’il existe, et de son contrat de travail. […] » (C. trav., art. L. 2261-14).

En revanche, si aucun accord n’est conclu, les salariés ne peuvent plus revendiquer les avantages issus de leur ancienne convention collective et ne bénéficient que du maintien des composantes de la rémunération qu’ils percevaient avant le transfert de l’entreprise ou de l’association.

Quid des usages et engagements unilatéraux de l’ancienne structure ?

La procédure est réglementée par la jurisprudence puisqu’il n’existe aucune disposition spécifique dans le code du travail. Les usages d’entreprise, les accords atypiques et les engagements unilatéraux sont transférés automatiquement du précédent employeur au repreneur.

Dans ces conditions, si le nouvel employeur ne souhaite plus appliquer les usages, il doit les dénoncer en respectant les conditions classiques fixées par la jurisprudence. En pratique, il conviendra en premier lieu de procéder à une information des institutions représentatives du personnel et des salariés de manière individuelle. Il ne s’agira donc pas de prévoir une note de service mais bien de justifier que les salariés ont chacun bénéficié de l’information. Enfin, et en second lieu, la Cour de cassation précise qu’un délai raisonnable doit être respecté et considère qu’une période de 3 mois est valable.

Attention : Le principe de transmission des usages et engagements unilatéraux de l’employeur ne s’applique pas en cas de transfert conventionnel des contrats de travail. A titre d’exemple, en cas de transfert conventionnel dans le cadre d’entreprises relevant de la convention collective de la propreté, la Cour de cassation juge que, sauf dispositions conventionnelles contraires, lorsque le nouveau titulaire d’un marché reprend les contrats de travail des salariés affectés audit marché, sans y être tenu par les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, il n’est lié que par les clauses des contrats de travail et non par les usages en vigueur dans une entité économique qui ne lui a pas été transférée (Cass. soc., 17 novembre 2010, n° 09-67918).

Information préalable des salariés des PME en cas de vente

Le code de commerce fixe par exception l’obligation pour l’employeur d’informer le personnel en cas de projet de vente de l’entreprise ou de l’association afin de permettre une éventuelle reprise de la structure par les salariés. L’obligation est imposée dans l’hypothèse de la vente d’un fonds de commerce ou en cas de propriétaire d’une participation représentant plus de 50 % des parts sociales d’une société à responsabilité limitée ou d’actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d’une société par actions. Dans les entreprises employant moins de 50 salariés et dépourvues de représentants du personnel ou dans les entreprises de plus de 50 salariés dépourvues de représentants du personnel, l’information devra être effectuée dans un délai de 2 mois avant la date de conclusion de la vente (voir notamment, Conseil d’Etat, 8 juillet 2016, n° 386792). Dans les structures employant entre 50 et 250 salariés, l’information devra être délivrée aux salariés au plus tard au moment de la consultation des membres du comité social et économique sur le projet de cession (code de commerce, art. L. 23-10-1 et suivants et art. L. 141-23).

Cas spécifique de l’absence de mise en place de CSE au sein de la structure cessionnaire

L’ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique a introduit des mesures spécifiques à ce titre.

Ainsi, en cas de modification dans la situation juridique de l’employeur prévue à l’article L. 1224-1 et lorsque n’a pas été mis en place un comité social et économique (CSE) au sein de l’entreprise absorbée, deux situations devront être distinguées.

Dans l’hypothèse où l’entreprise cédée devient un établissement distinct, en l’absence d’un accord collectif en disposant autrement, il est procédé à des élections en son sein pour la mise en place du CSE d’établissement, sauf si le renouvellement du CSE central dans l’entreprise absorbante doit intervenir dans un délai de moins de 12 mois suivant la modification dans la situation juridique.

En revanche, si la modification porte sur un ou plusieurs établissements qui conservent ce caractère, en l’absence d’un accord collectif en disposant autrement, il est procédé à des élections au sein de chaque établissement concerné pour la mise en place du CSE d’établissement, sauf si le renouvellement du CSE central dans l’entreprise absorbante doit intervenir dans un délai de moins de 12 mois suivant la modification dans la situation juridique (Ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales, art. 9, V).

• Exemple de courrier de dénonciation d’usage ou d’engagement unilatéral(*)

Objet : Suppression de l’usage/engagement unilatéral.…. (préciser l’objet de la dénonciation)

Madame, Monsieur,

Nous vous informons par la présente de la décision que nous avons prise de supprimer ….. (préciser l’objet de la dénonciation et éventuellement ses conditions et support de mise en place).

Cette suppression sera effective à compter du ….. (délai minimal 3 mois).

Cet usage/engagement unilatéral dont vous avez pu bénéficier n’a jamais fait l’objet d’une clause particulière au sein de votre contrat de travail.

Dans ces conditions, sa suppression ne constituera pas une modification de votre contrat de travail.

Nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées.

Notes

(*) Le courrier peut être expédié par lettre recommandée avec accusé de réception ou faire l’objet d’une simple remise en main propre contre décharge du salarié.

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