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Décentraliser la politique du logement

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Dans la perspective de l’acte III de la décentralisation annoncé par le Premier ministre pour 2020, l’Assemblée des départements de France (ADF) multiplie les propositions et les arguments pour justifier le fait que les conseils départementaux récupèrent la compétence habitat.

« La décentralisation ne doit pas être une décentralisation placebo. Cela doit être une vraie franche décentralisation où l’État se concentre sur ses missions régaliennes mais sort des missions de la vie quotidienne, dans lesquelles il n’est pas bon, il n’a pas de moyens, et dans lesquelles sa présence n’est plus nécessaire. » Dominique Bussereau, président de l’Assemblée des départements de France (ADF), a donné le ton lors de son 89e congrès à Bourges, le 17 octobre. « On voit bien que le mot décentralisation a du mal à passer dans les gosiers ministériels », ajoute-t-il. En vue du projet de loi 3D (décentralisation, différenciation, déconcentration), pour lequel le gouvernement prévoit d’ouvrir des concertations pour une présentation avant la fin du premier semestre 2020, le bras de fer entre l’État et les départements risque de reprendre. L’épineux sujet était également à l’honneur, le 21 octobre, au Palais du Luxembourg à Paris, à l’occasion d’un colloque intitulé « Logement social, réformes en cours et décentralisation : quelles conséquences pour les territoires ? ». Une rencontre impulsée par le Sénat – en l’occurrence Dominique Estrosi-Sassone, sénatrice (LR) des Alpes-Maritimes –, l’ADF et la Fédération des offices publiques de l’habitat (FOPH), l’une des composantes de l’Union sociale de l’habitat (USH).

Variable d’ajustement

Parmi les politiques que les départements souhaitent mettre dans la corbeille de la mariée, dans le cadre de l’acte III de la décentralisation, figure celle du logement. « Il faut redonner un sens politique à ce dossier alors qu’il connaît un tournant véritablement historique. C’est un dossier majeur pour notre pays, le logement reste le premier poste de dépenses dans les familles. Il est au cœur des évolutions de notre société à travers la paupérisation de la population française, l’éclatement de la famille, le vieillissement de la population », considère François-Xavier Dugourd, premier vice-président du conseil départemental de la Côte-d’Or, président du groupe de travail « logement » de l’ADF. « Le ministre du Logement aujourd’hui, c’est Bercy, c’est lui qui décide. Le logement est trop important pour être la variable d’ajustement des errements et des tribulations budgétaires », tacle-t-il. François-Xavier Dugourd pointe du doigt les choix gouvernementaux en matière de politique du logement social. « Tout d’abord au niveau financier, le logement social est dans un contexte particulièrement délicat avec les récentes décisions du gouvernement telles que la réduction du loyer de solidarité (RLS) ou l’augmentation de la TVA. Le contexte juridique est tout aussi perturbant : la loi Elan provoque un big bang territorial avec une restructuration très lourde du tissu des bailleurs locaux, des bailleurs sociaux, une fusion de certains organismes, de plus en plus l’apparition sur les territoires de transacteurs nationaux parfois déconnectés des enjeux locaux, des décisions collectives locales », égrène le représentant de l’ADF. Dominique Estrosi-Sassone porte elle aussi un jugement sévère sur la politique menée. « Le secteur du logement et du bâtiment a subi un choc, contrairement aux objectifs affichés de relance de construction. Les mesures d’économie prises ont fait chuter les mises en chantier et fragilisé le logement social : – 4,2 % en 2018 », critique-t-elle.

L’ADF souhaite une décentralisation de la compétence habitat aux départements, en étroite concertation avec les intercommunalités. « Actuellement, cette compétence logement est éclatée, complexe, avec la multiplication des procédures, des agences, des dispositifs. Elle n’est plus lisible pour le citoyen, et donc très peu décentralisée. Par exemple, il n’est pas normal que le zonage soit décidé et piloté de Paris. La verticalité dans ce dossier, comme dans d’autres, ne fonctionne plus », juge le président du groupe de travail « logement » de l’ADF. Il considère qu’il faut « laisser respirer les territoires, faire des expérimentations, encourager les différentiations, développer les collaborations public/privé. L’objectif n’est pas de faire du replâtrage mais une refonte en profondeur des responsabilités et de la politique de l’habitat, l’envisager de manière globale en associant les problématiques de mobilité, de travail et d’offre de services sur les territoires ».

Transfert de moyens

Pour l’ADF, la perspective d’un nouvel acte de décentralisation constitue donc l’opportunité pour les collectivités locales de clarifier leur cadre d’intervention dans la politique de l’habitat à l’échelle territoriale la plus pertinente. « Pour cette politique qui en matière de décentralisation est toujours restée “au milieu du gué”, il s’agit d’être ambitieux et de franchir un pas supplémentaire pour permettre aux collectivités de s’organiser entre elles. »

L’ADF propose une mise en œuvre expérimentale de ce dispositif, sur la base du volontariat, afin de tenir compte des spécificités locales. Le département jouerait un rôle central de coordinateur et de fédérateur des acteurs. Cet exercice de nouvelles compétences serait accompagné par un transfert des moyens correspondants de l’État (moyens financiers, outils fiscaux, et personnels nécessaires). Une contractualisation avec l’État sur les domaines régaliens et sur la base du volontariat car les territoires ont sur l’habitat des avancées et des problématiques différentes.

Le dispositif de gouvernance des politiques à l’échelle départementale (Autorité organisatrice de l’habitat AOH) s’appuierait « sur le renforcement du plan départemental de l’habitat (PDH) comme outil de programmation et sur la mise en place d’un comité départemental de l’habitat et de l’hébergement (CDHH) comme instance de régulation ».

Le PDH, prescriptif et opposable, d’une durée de six ans, définirait des actions opérationnelles s’intégrant dans la stratégie régionale et complétant les plans locaux d’urbanisme pour promouvoir une vision départementale. Les compétences des offices publics de l’habitat (OPH) départementaux, opérateurs pilotés par les départements, seraient étendues afin d’en faire « de véritables généralistes de l’habitat et des aménageurs ».

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