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Tombés du nid

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Je les vois passer, les gosses, au foyer. Des gosses avec des histoires, des gosses qui n’ont pas encore d’histoire. Je les vois passer, les enfants, les minots, les chérubins, les gamins, les gnards, les gones, les marmots…

Je les accueille, je les recueille, comme des oisillons tombés du nid, tombés du ciel à travers les nuages, tombés d’en haut comme les petites gouttes d’eau. Ils ne font que passer, plus ou moins longtemps, parfois plus que moins. Ils arrivent avec leurs valises lourdes, trop lourdes ou trop légères, trop pleines, trop vides, mais toujours trop quelque chose. Ils déballent leurs affaires et leurs histoires. Ils déballent, ils s’emballent, et je pédale dans leurs dédales de mots.

Enfance devrait rimer avec confiance, insouciance et espérance. Pour eux, ça rime avec négligence, carence, maltraitance…

Il y a les gamins tout cassés à l’extérieur, et ceux tout cassés de l’intérieur. Il y a des bleus qui ne se voient pas.

Et puis il y a les différents. Les pas pareils. Les enfants en situation de handicap. Parce qu’enfance rime aussi avec déficience. Environ un enfant sur quatre à l’ASE. Handicapé et placé : la double peine. Et c’est pas fini !

Car, parmi eux, il y a les « incasables ». Ceux dont le dossier est plus lourd que la collection d’annuaires téléphoniques de ma tata Germaine, qui les garde précieusement depuis un demi-siècle (parce qu’on sait jamais). Ceux dont les familles d’accueil ne veulent plus parce que « trop difficiles, trop ingérables, trop violents, trop tout ». Ceux sans accompagnement spécifique parce que « pas l’âge, pas de place ». Ceux qui se baladent de famille en Itep, en passant par la case PJJ. Enfance rime aussi avec errance…

Il y a Margot, enfant placée, puis déplacée, puis replacée.

Il y a Solal, qui saute, qui crie, qui frappe, qui ne s’arrête jamais et que rien n’arrête.

Il y a eu Floyd, enfant devenu ado devenu adulte sans avoir eu d’enfance.

Il y a Quentin, Mina, Mehdi, Louane…

Il y a tous ces oisillons qui passent d’un nid à l’autre et d’une cage à l’autre. Ouvrez, ouvrez la cage aux oiseaux…

Pour ceux-là, on essaie, on réessaie, on cherche, on croit trouver… et puis non, on cherche encore…

Ceux-là, en attendant, ils attendent, ils essaient, ils tombent, ils se relèvent, ils tombent encore, ils ne se relèvent pas toujours…

Ceux-là, on les voit grandir, puis partir. Sans trop savoir où ils s’envolent. Pas bien loin, souvent.

Ceux-là, on aimerait les prendre sous notre aile, leur offrir un petit nid douillet, et puis leur dire de faire comme l’oiseau, car jamais rien ne l’empêche, l’oiseau, d’aller plus haut.

Mais ceux-là… Ceux-là, avec leurs ailes cassées et leur bec de travers, ils ne savent pas voler. Ceux-là, ils sont seuls dans l’univers, ils ont peur du ciel et de l’hiver.

Et moi, Florent, j’ai beau essayer, chercher, espérer… Je ne sais plus, je ne sais pas, je suis perdu.

La minute de Flo

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