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Pérenniser les initiatives solidaires

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L’enjeu de financement des interventions sociales était au cœur du Salon des expérimentations et initiatives solidaires (SEIS), à Rennes, les 9 et 10 octobre. Dans quelle mesure faut-il laisser place à l’argent privé ? Certaines initiatives porteuses d’un accompagnement novateur, notamment auprès de publics incarcérés, ne demandent qu’à se pérenniser.

Implantée à Nantes, l’association Permis de construire rencontre la même problématique, étant financée à 80 % par le privé. « Nous essayons d’aller vers davantage de fonds publics pour nous pérenniser », assure Ludovic Dardenne, son directeur. En ce moment, l’association accompagne entre 20 et 30 personnes incarcérées ou sous contrôle judiciaire et considérées comme « pilotes de leurs projets ». Depuis la création de Permis de construire, il y a dix ans, l’équipe comptabilise « plus de 600 personnes aidées ». La structure a « mis du temps à se légitimer au sein du milieu pénitentiaire », admet Ludovic Dardenne, mais elle a désormais « un réel impact ».

Ainsi se concrétisent « 65 % des projets, tels qu’une reprise d’études en master, un boulot de mécanicien… », expose l’équipe. L’accompagnement se fait par étapes. Pour le « pilote » désireux de devenir mécanicien mais maîtrisant mal le français, des cours de langue ont d’abord été mis en place, puis des liens avec les entreprises. Face à un public « multicarencé », il s’agit de jouer sur plusieurs tableaux. Assistant social, juriste, psychologue et conseillère en insertion professionnelle composent l’équipe, à laquelle s’ajoute des intervenants extérieurs pour les ateliers sportifs, de bande-dessinée… « Chaque professionnel développe des compétences transversales », note Ludovic Dardenne.

« La culture est un outil de réinsertion »

Les créneaux horaires se négocient avec les services pénitentiaires d’insertion et de probation (Spip) pour les personnes en semi-liberté. Ce sont souvent eux qui orientent les personnes vers l’association. Le contact peut aussi venir « de membres de la famille qui voudraient que l’on accompagne leur fils ou leur fille ». La structure se pense avant tout comme un « hub », fait valoir Ludovic Dardenne : l’équipe se met en contact avec tous les professionnels qui suivent déjà la situation, afin de maintenir « un fil rouge, en tenant compte de la multiplicité d’aspects de la personne ». Courant 2020, Permis de construire voudrait s’implanter dans d’autres territoires, dont le Morbihan, Dijon, Lyon…

Une autre initiative désireuse de se pérenniser, sur laquelle se penche le documentaire Feuilles libres, est celle du magazine Citad’elles, tenu par une dizaine de femmes incarcérées à Rennes pour des peines de longue durée. Le projet est mené par l’association Les Etablissements Bollec et la Ligue de l’enseignement 35. Le documentaire s’ouvre sur une véritable conférence de rédaction au sein de la prison. « L’article sur la masturbation n’est pas passé après relecture de l’administration pénitentiaire, il va falloir le retoucher », regrette l’intervenante professionnelle. « Ce sont des hommes qui vous ont dit ça ? », lance une participante en riant. Les propositions fusent. Une femme voudrait faire une enquête sur la relation entre enfants et parents ou grands-parents incarcérés, reflet de sa propre situation. Pour son premier article, une femme sourde avait écrit sur son handicap, dans le but de le faire connaître à ses codétenues. Elle réalisera aussi l’interview du directeur de la prison sur la question des salaires en prison. Dans les ateliers, la parole est libre, le travail, sérieux. « C’est comme si on était enfermées dans une maison et qu’on pouvait ouvrir la fenêtre pour parler avec les passants », glisse une participante.

Les femmes représentent environ 3 % de la population carcérale française. « Autant dire que ce sont des personnes dont on n’entend jamais parler », expose Alain Faure, directeur des Etablissements Bollec. Au-delà du projet éditorial et artistique, « on développe des savoir-faire, les personnes ont davantage confiance en elles, savent mieux prendre la parole, travailler en équipe… » Pour Alice Guibert, chargée de projet à la Ligue de l’enseignement 35, « la culture est un outil de réinsertion sociale et professionnelle : il s’agit d’être ponctuel, de se servir d’un ordinateur, d’exprimer une opinion calmement sur des sujets difficiles… » Sans compter que, là où « la prison individualise, les temps d’atelier sont de la resocialisation ». Ces professionnels n’ont pas reçu de formation spécifique et apprennent « avec le terrain ». Mais le plus difficile est moins l’intervention en milieu carcéral que le temps du retrait, comme le confie Alice Guibert : « Travailler avec des personnes incarcérées, ce n’est pas évident parce qu’on les laisse à l’intérieur. »

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