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Médecin coordonnateur : un métier encore un peu flou

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Le décret du 5 juillet dernier portant sur la clarification des missions du médecin coordonnateur est loin de satisfaire les professionnels du secteur. Les échanges ont ainsi été particulièrement vifs lors de la table ronde consacrée à ce sujet aux Assises nationales des médecins coordonnateurs et des infirmières coordinatrices, le 15 octobre à Paris.

A quoi sert un médecin coordonnateur ? Quelles sont ses véritables fonctions ? Ces questions méritent d’être posées, tant, depuis la création de ce métier, les missions qui lui sont attribuées (on en dénombre 14 désormais) ont évolué. Concrètement, la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale oblige tout Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) signataire d’une convention tripartite (établissement, département et Etat) à s’adjoindre les services d’un médecin coordonnateur. Mais il a fallu attendre le décret n° 2005-560 du 27 mai 2005 pour préciser sa qualification, ses missions et son mode de rémunération. Le médecin coordonnateur est notamment chargé d’élaborer le projet général de soins, d’organiser la coordination des professionnels de santé salariés et libéraux exerçant dans l’établissement, d’évaluer et de valider l’état de dépendance des résidents ou encore de collaborer à la mise en œuvre de réseaux gérontologiques coordonnés.

Des missions vastes, mais pas assez précises. Ce qui n’a pas manqué, au fil des années, de causer un certain nombre de problèmes. Adopté le 5 juillet dernier et publié le lendemain au Journal officiel, un décret ambitionne de clarifier une nouvelle fois ces missions. Mais ces évolutions vont-elles dans le bon sens ? Qu’en pensent les médecins coordonnateurs et les Idec (infirmières coordinatrices) ? Et quels seront les impacts de ces différents textes sur la pratique de cette profession ? Autant de questions auxquelles ont répondu les acteurs majeurs du terrain lors des Assises nationales des médecins coordonnateurs et des infirmières coordinatrices (Idec), le 15 octobre à Paris. La principale mission revisitée par le décret du 5 juillet, et la plus attendue (donc la plus discutée) par le secteur, est celle concernant le droit de prescription des médecins coordonnateurs. Celui-ci a été étendu. Désormais, le médecin coordonnateur peut « intervenir pour tout acte, incluant l’acte de prescription médicamenteuse, lorsque le médecin traitant ou désigné par le patient ou son remplaçant n’est pas en mesure d’assurer une consultation par intervention dans l’établissement, conseil téléphonique ou téléprescription ».

Il n’est plus question, dans ces cas, d’urgence vitale du résident ou de risque exceptionnel dans l’établissement, mais d’absence du médecin traitant ou référent. A noter cependant que, dans ce nouveau schéma d’intervention, le médecin coordonnateur a toujours l’obligation d’informer le professionnel qui suit habituellement le résident des prescriptions qu’il aura mises en œuvre. « Comme le dit pudiquement le décret, lorsque le médecin traitant ne pourra pas se rendre disponible, il sera rapidement fait appel au médecin coordonnateur. En quelque sorte, ce dernier va devenir l’interne de garde du médecin traitant. Et puis le “patron”, quand il en aura le désir, le temps et l’envie, viendra contrôler le travail de l’interne, déplore Renaud Marin La Meslée, président du SNGIE (syndicat national des généralistes et gériatres intervenants en Ehpad). Ce qui est un risque de dérive considérable. D’autant qu’aucun temps supplémentaire n’est prévu pour que le médecin coordonnateur exerce cette activité. » Nathalie Maubourguet, présidente de la Fédération française des associations de médecins coordonnateurs en Ehpad (Ffamco-Ehpad), estime de son côté que « ce décret résout un faux problème » : « En effet, le médecin coordonnateur qui veut prescrire, on lui fait un deuxième contrat et il devient prescripteur. Ce n’était donc pas utile de rajouter, de modifier, de faire un décret pour ça. Bref, ce décret règle en fait des problèmes qui ne sont pas ceux des médecins coordonnateurs, ni des résidents d’ailleurs. »

Éviter que ce médecin « devienne l’interne du médecin traitant »

Cet élargissement du droit de prescription est ainsi loin de satisfaire les principaux intéressés. Isabelle Kurtzmann, médecin coordonnateur dans un Ehpad à Toulon, l’a elle aussi vivement critiqué : « Je ne comprends pas comment cette officialisation du droit de prescrire du médecin coordonnateur n’a pas fait plus de tollé que ça. J’ai peur que le médecin traitant ne vienne seulement pour renouveler son ordonnance, son traitement. Et qu’il ne vienne pas quand le résident est malade, a besoin d’une consultation médicale. Ce sera donc au médecin coordonnateur de faire cette consultation. Qu’on agisse dans le cadre de l’urgence, pas de problème. Qu’on agisse dans le cadre d’un problème de santé publique, pas de problème. On le faisait déjà. Mais que cela soit officialisé, non ! » Gaël Durel, coprésident de l’association de médecins coordonnateurs Mcoor, est pour sa part favorable à cette prescription. Il a donc tenu à rappeler aux divers participants de la table ronde qu’une instruction était en cours de rédaction à la DGCS (direction générale de la cohésion sociale). Instruction qui a pour but de préciser les contours du décret.

« Dans ce texte qui va paraître dans les semaines à venir, nous parlons de généralisation du droit de prescrire des médecins coordonnateurs sous condition. Nous précisons bien ces conditions, indique-t-il. Ainsi, en aucun cas la prescription ne peut se faire au détriment du temps de médecin coordonnateur. Nous avons demandé que cela soit bien reprécisé dans cette instruction. Le temps minimal du médecin coordonnateur doit être assuré avant qu’il ne puisse exercer un temps de médecin traitant complémentaire s’il le désire. » Et d’ajouter : « Il ne faudrait pas que le médecin coordonnateur devienne le remplaçant ou le collaborateur ou l’interne du médecin traitant. On a aussi fait préciser que c’était uniquement sur son temps de travail. Il n’est pas joignable 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Il n’est pas corvéable à merci. C’est sur son temps de travail et de manière exceptionnelle. »

Mais le décret du 5 juillet élargit aussi les missions du médecin coordonnateur en Ehpad. Il prévoit ainsi que le médecin « coordonne la réalisation d’une évaluation gériatrique et, dans ce cadre, peut effectuer des propositions diagnostiques et thérapeutiques, médicamenteuses et non médicamenteuses. Il transmet ses conclusions au médecin traitant ou désigné par le patient. » Et, là encore, les professionnels ne sont pas complètement satisfaits. « Ce qui est dit dans le texte, c’est que nous sommes désormais chargés de faire des propositions de diagnostic. Cela positionne donc le médecin coordonnateur comme un gériatre de terrain, souligne Nathalie Maubourguet. Ceci dit, il faut quand même qu’il ait cette formation-là et qu’il ait le temps. Dans un établissement de 50 lits ce n’est pas la même chose que dans un établissement de 250. Et comme le temps du médecin coordonnateur est déjà compté… » Et de préciser : « C’est à nous, les médecins coordonnateurs, de définir ce que l’on veut mettre dans cette “évaluation pluridisciplinaire” du sujet âgé. Il ne faut pas y mettre tout et n’importe quoi. C’est donc à nous de décider, au regard de nos observations sur le terrain. »

Encore un tiers des Ehpad sans médecin coordonnateur

Encore une fois, Gaël Durel se montre plus clément à l’égard de ce décret. Pour le coprésident de Mcoor, ce texte permet « d’affirmer le rôle d’expert en gériatrie du médecin coordonnateur auprès du médecin traitant. Cela permet aussi d’affirmer que le rythme de réévaluation est confié au médecin coordonnateur et pas à n’importe qui d’autre. C’est lui qui garde la main. C’est lui qui décide du rythme en fonction de ses observations. » Enfin, parmi les autres missions précisées par le décret, le médecin coordonnateur sera désormais aussi chargé d’identifier les acteurs de santé du territoire pour « fluidifier le parcours de santé des résidents », à l’heure où les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) doivent se déployer. Il devra aussi favoriser « la mise en œuvre des projets de télémédecine ».

Si, à l’heure actuelle, environ 8 % des généralistes exercent la fonction de médecin coordonnateur dans un Ehpad, un tiers des structures restent dépourvues de praticien. De plus, au-delà du vieillissement de la population et des besoins inhérents à ce phénomène, la démographie médicale est une autre source de préoccupation : 72 % des médecins coordonnateurs seraient âgés de plus de 50 ans et 30 % de plus de 60 ans. Il y a donc urgence à s’accorder sur les missions de ce métier. Ce qui n’est pas encore le cas. « A terme, avec ce décret, j’ai l’impression que le médecin coordonnateur va perdre sa mission première, qui est de coordonner, pour devenir le médecin généraliste de l’Ehpad, s’alarme Jean-Marie Vétel, médecin gériatre, ancien chef de service de gériatrie du centre hospitalier du Mans. C’est pour cela qu’il est important d’exiger deux contrats : un de médecin coordonnateur (et jamais moins qu’à mi-temps) et un de médecin prescripteur. » L’instruction en cours de rédaction se devra donc de répondre aux inquiétudes du secteur. Sous peine de voir la situation se tendre encore plus.

Ce qu’en pensent les Idec

Pas toujours bien connues ni reconnues dans leur fonction, sans véritable statut officiel, les infirmières coordinatrices (Idec) exerçant en Ehpad sont pourtant un maillon indispensable au sein de ces structures. Si leurs missions n’ont pas été modifiées par le décret du 5 juillet 2019, elles ont toutefois participé aux discussions. Ainsi, Blandine Delfosse, présidente de la Ffidec (Fédération française des infirmières diplômées d’Etat coordinatrices), donne son avis, notamment sur la prescription : « Sur ce sujet, nous sommes bien évidemment pour. C’est en effet l’une des premières difficultés sur le terrain. Les Idec sont en permanence à la recherche de prescripteurs. Très régulièrement, nous nous retrouvons en rupture de soins, en rupture d’ordonnances dans les résidences. Nos équipes et nos résidents se retrouvent donc en danger. Ce décret fixe donc un cadre sécuritaire pour nos pratiques quotidiennes. »

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