L’an dernier, 9,3 millions de personnes étaient en situation de pauvreté monétaire (8,8 millions en 2017), soit sous le seuil de pauvreté, selon une première estimation publiée le 16 octobre par l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques). Et, toujours en 2018, environ 400 000 personnes ont basculé dans la pauvreté.
Concrètement, à la fin de cette même année, 14,7 % de la population française serait considérée comme pauvre. Ce taux de pauvreté est calculé par rapport à un seuil fixé par convention à 60 % du niveau de vie médian (1 735 € net par mois pour un célibataire). Cette hausse importante (+ 0,6 point) fait suite à un taux stable en 2017, précédé d’un recul de 0,2 point du taux en 2016 et de deux années de hausse en 2015 et 2014.
L’indice de Gini, qui mesure les inégalités, progresserait de 0,005 point, pour s’établir à 0,294. « Ce serait la plus forte hausse depuis 2010, mais le niveau de 2018 resterait en dessous du pic atteint en 2011 », souligne l’Insee. Le rapport entre la masse des niveaux de vie détenue par les 20 % de personnes les plus aisées et celle détenue par les 20 % les plus modestes augmenterait légèrement – de 0,1 point –, pour s’établir à 4,4. « Le niveau de vie médian avant redistribution (prestations sociales) aurait augmenté en lien avec des salaires relativement dynamiques et l’augmentation des revenus financiers ; ceci aurait contribué à accroître le taux de pauvreté avant redistribution de 0,2 point », explique l’Insee. Cette dernière l’impute d’abord à la forte augmentation « des revenus financiers des capitaux mobiliers », désormais soumis au prélèvement forfaitaire unique, ou « flat tax », abaissant la fiscalité dans ce domaine. Or la progression des revenus des plus riches augmente mécaniquement le seuil de pauvreté, fixé à 60 % du revenu médian. Par ailleurs, les mesures sur les prélèvements, comme la baisse de la taxe d’habitation, la bascule CSG/cotisations et l’extension aux retraités du crédit d’impôt pour l’emploi de salariés à domicile bénéficieraient davantage aux ménages au-dessus du seuil de pauvreté. Elles contribueraient donc à la hausse du seuil et du taux de pauvreté, tandis que les mesures sur les minima sociaux (revalorisation de l’allocation de solidarité aux personnes âgées et de l’allocation aux adultes handicapés) contribueraient au contraire à la baisse du taux de pauvreté.
« Mais c’est la baisse des allocations logement dans le parc HLM qui aurait le plus fort effet », poursuit l’institut. L’aide personnalisée au logement (APL) contribue à la hausse du taux de pauvreté pour 0,4 point. La réduction des loyers dans le parc social visant à compenser la baisse des allocations n’a, en effet, pas été prise en compte car elle n’entre pas, par définition, dans la mesure des niveaux de vie. Or, par définition, les loyers ne sont pas pris en compte dans la mesure des inégalités de niveau de vie, car celle-ci concerne les revenus des ménages et n’intègre pas l’effet d’une baisse des dépenses. « Sans prendre en compte la diminution des aides au logement des locataires du parc social, le taux de pauvreté augmenterait de 0,2 point en 2018, comme le taux de pauvreté avant redistribution », précise l’institut.
Ces données provisoires de l’Insee n’intègrent pas la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), qui « contribuerait ainsi à légèrement accentuer la hausse des indicateurs d’inégalités en 2018 ». L’impact sur les inégalités sociales de la mutation de l’ISF vers l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), qui s’est opérée en 2017, trop récente, sera pris en compte dans une prochaine étude en 2020. A l’inverse, la prise en compte de la mise en place du chèque énergie en remplacement des tarifs sociaux du gaz et de l’électricité contribuerait à légèrement réduire les inégalités.
Pour mener cette étude, l’Insee a suivi la méthode dite de « microsimulation », réalisée à partir d’un échantillon représentatif de ménages. Les résultats définitifs ne seront connus qu’en septembre 2020.