Recevoir la newsletter

Le projet de loi bioéthique adopté par l’Assemblée

Article réservé aux abonnés

L’extension de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes est la mesure phare du texte, adopté le 16 octobre. Le travail parlementaire, intense, a permis une adoption large du projet de loi. Ce sera bientôt au tour du Sénat, majoritairement à droite, d’examiner le texte.

« C’était un débat extrêmement exigeant pour nous tous. » Par ces mots, Jean-Luc Mélenchon, président du groupe La France insoumise, a commencé son discours expliquant son « oui » au vote solennel du projet de loi relatif à la bioéthique. C’est d’ailleurs grâce à une bonne partie de la gauche de l’hémicycle, habituellement d’opposition, que le texte a largement été adopté par l’Assemblée nationale (voir ci-dessous), mercredi 16 octobre. Juste après le vote qui a déclenché un applaudissement nourri sur tous les bancs ou presque, Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, a tenu à remercier les députés pour « ce grand moment de démocratie » : « Aucun consensus n’est possible sur ces questions, a reconnu la ministre, et pourtant nous avons travaillé avec conviction, avec respect et avec profondeur. » Retour sur les principaux sujets du texte.

Précisions sur l’élargissement de la PMA

Conformément à la promesse de campagne d’Emmanuel Macron, la mesure phare du texte est l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes célibataires, en gardant une prise en charge identique par l’assurance maladie. A cet effet, le projet de loi supprime le critère médical de l’infertilité qui conditionne aujourd’hui l’accès à la PMA. La notion d’« âge de procréer » est également supprimée, les conditions d’âge requises pour bénéficier de la PMA seront fixées par décret en Conseil d’Etat, après avis de l’Agence de la biomédecine. Cet article premier a été assez nettement remanié en commission puis en séance publique par la majorité, tantôt pour l’assouplir, tantôt pour le restreindre, sans bien évidemment revenir sur la promesse du président.

L’article L. 2141-2 du code de la santé publique est réécrit pour indiquer explicitement que « tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l’assistance médicale à la procréation », à condition d’avoir eu préalablement des entretiens particuliers avec l’équipe médicale pluridisciplinaire. A l’origine, le texte imposait une « évaluation médicale et psychologique ». Un amendement de la majorité a supprimé cette mention puisqu’elle « fait partie intégrante » de la prise en charge par l’équipe pluridisciplinaire. Les députés ont précisé que cette équipe devra être constituée d’au moins un psychiatre, psychologue ou un infirmier en psychiatrie.

Les députés ont voulu affirmer le principe de non-discrimination à deux reprises : d’abord, en ajoutant un alinéa à l’article qui précise que l’accès à la PMA « ne peut faire l’objet d’aucune différence de traitement notamment au regard du statut matrimonial ou de l’orientation sexuelle des personnes », ensuite en indiquant que l’évaluation préalable « ne peut conduire à débouter le couple ou la femme célibataire en raison de son orientation sexuelle, de son statut marital ou de son identité de genre ». Ces précisions ne sont en principe pas nécessaires, car le droit commun permet de lutter aussi contre ces discriminations, mais c’est toujours mieux en le disant, pensent sans doute les députés.

Filiation

L’article 4 du projet de loi relatif à la bioéthique permet l’établissement de la filiation des enfants nés de PMA par un couple de femmes ou par une femme non mariée. Le mécanisme juridique choisi initialement était le mode de filiation par déclaration anticipée de volonté. Si elle n’a pas changé les principes de fond et la philosophie du texte initial, la commission a tout de même complètement réécrit cet article 4, avec l’aval du gouvernement, pour plus de clarté. Elle crée un nouveau chapitre dans le code civil, consacré entièrement à la filiation dans le cadre du recours à la PMA avec tiers donneur, sans distinction du couple. Surtout, cette réécriture abandonne la déclaration anticipée de volonté, pour lui préférer une notion déjà existante : la reconnaissance conjointe. Devant notaire, les deux mères devront s’engager ensemble dans leur projet d’enfant au même moment que le consentement à la PMA.

Accès à ses origines

Le texte consacre également le droit d’une personne conçue dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation par recours à un tiers donneur d’accéder à ses origines. Le principe est affirmé par un nouvel article L. 2143-2 inséré dans un chapitre dédié au code de la santé publique : « Toute personne conçue par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur peut, si elle le souhaite, accéder à sa majorité aux données non identifiantes et à l’identité de ce tiers donneur. » Cela rompt avec un principe absolu datant de 1994 consistant en un « anonymat absolu, inconditionnel et irréversible » du don de gamètes et d’embryons à l’égard du couple receveur comme de l’enfant issu de ce don. A toutes fins utiles, dans son rapport, la commission spéciale de l’Assemblée nationale chargée d’examiner le texte indique que cette rupture n’a « aucun lien » avec l’extension de la PMA à toutes les femmes.

Dans son avis sur le texte, le Comité consultatif national d’éthique a distingué, d’une part, le droit à l’accès à ses origines et, d’autre part, le droit à l’anonymat garanti aux donneurs à l’égard des receveurs. Il a fallu trouver un mécanisme permettant de faire cohabiter les deux, sans difficulté particulière. En effet, ils concernent chacun deux relations différentes : donneur-receveur et donneur-enfant. Dans son avis, le Conseil d’Etat avait estimé que le dispositif proposé par le projet de loi ne soulevait aucune difficulté juridique. En commission, les députés ont cependant précisé certains points. En particulier, le consentement du donneur à la communication de ses données personnelles est devenu une condition du don de gamètes ou d’embryons.

Le texte crée une commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur, placée auprès du ministre chargé de la santé. C’est à cette commission que devra s’adresser la personne majeure qui souhaite connaître ses origines.

Don d’organes et majeurs protégés

Les modalités du don d’organes sont réformées pour accroître la solidarité. Un chapitre entier du projet de loi est consacré à ce sujet. L’article 5 étend le don croisé d’organes à plus de deux paires de donneurs-receveurs pour améliorer l’accès à la greffe. L’article 6 vise à développer la pratique du don de cellules hématopoïétiques (provenant notamment de la moelle osseuse) dans le cadre intrafamilial, qu’il s’agisse de personnes vivantes mineures ou de majeurs protégés. Pour ces dernier, la procédure dépend de la faculté ou non de la personne à exprimer son consentement. Les majeurs protégés sont également concernés par les modifications qui étendent le bénéfice de la protection aux cas de figure non pris en compte par le code de la santé publique, comme le mandat de protection future, et qui réservent la portée de l’encadrement aux majeurs protégés qui ne sont concernés que par une protection juridique avec représentation.

Données de santé

Notons enfin l’article 11, qui prévoit des garanties autour du traitement algorithmique de données massives en santé. Il impose surtout un devoir d’information au professionnel de santé à l’égard du patient. Le paramétrage du traitement devra être réalisé avec l’intervention d’un professionnel de santé. Pour la première fois, les notions de « traitement de données massives », d’« algorithme » et même d’« intelligence artificielle » sont intégrées au code de la santé publique. Elles ont été rendues nécessaires par le règlement général européen de protection des données. Plusieurs députés, dont Jean-Luc Mélenchon, qui l’a exprimé lors de son explication de vote, ont d’ailleurs regretté le manque d’ambition du projet de loi à ce sujet.

Une adoption large, grâce à la gauche

La lecture des résultats du scrutin public sur l’ensemble du texte donne quelques enseignements sur la situation politique à l’Assemblée nationale. Le projet de loi a été adopté à une majorité assez exceptionnelle au regard du résultat des derniers textes, avec 359 voix pour et 114 contre. La majorité a été assez unanime : sur 304 membres de ses députés, on dénombre 250 voix pour, 8 contre et 25 abstentions. Richard Ferrand, étant président de l’Assemblée nationale, n’a pas pris part au vote. Mais c’est finalement la gauche de l’hémicycle qui a été la plus encline à voter favorablement. Le groupe socialiste et celui de La France insoumise ont voté respectivement à 83 % et 88 % pour le projet de loi.

Le groupe Les Républicains, dont une partie est réputée pour sa méfiance sur les sujets sociétaux, a voté très majoritairement contre. Mais 12 irréductibles députés de droite ont voté pour, dont celui de l’Oise, Olivier Dassault. Cela laisse présager de débats nourris lors de l’examen du texte au Sénat. Dans le groupe centriste UDI, Agir et indépendants, il y a eu 7 votes pour, 13 contre et 7 abstentions. Les centristes se distinguent donc du groupe Modem, qui a voté assez largement pour le texte.

Principales mesures du projet de loi après première adoption

• Article 1er : ouverture de la PMA à toutes les femmes.

• Article 3 : droit d’une personne conçue par PMA avec recours à tiers donneur à accéder à ses origines.

• Article 4 : établissement de la filiation des enfants nés de PMA.

• Article 7 : permission aux majeurs protégés de donner leur consentement au don d’organes.

• Article 11 : garanties entourant le recours à des traitements algorithmiques de données massives en santé.

Focus

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur