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Les Esat en voie de mutation

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Confrontés à la nécessité de faire évoluer leur modèle économique, les établissements et services d’aide par le travail (Esat) demeurent toutefois, de l’avis de l’Unapei, des acteurs incontournables pour l’accès à l’emploi des travailleurs en situation de handicap.

« 120 000 travailleurs handicapés vivent leur vie professionnelle en Esat, la moitié le sont dans une association membre de l’Unapei. Le nombre des places en Esat représente la majorité des accompagnements de notre réseau. » Lors du séminaire du mouvement associatif, le 16 octobre à Paris, Patrick Maincent, vice-président de l’Unapei, a rappelé les enjeux de l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap et les inquiétudes qui pèsent sur le devenir des établissements et services d’aide par le travail (Esat). À compter du 1er janvier 2020, la réforme de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH), initiée par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, entrera en vigueur. Comme d’autres acteurs du secteur, l’Unapei attend également la remise des conclusions du rapport IGAS-IGF sur les Esat, initialement prévue en juillet dernier.

« L’Esat est une réponse inclusive parmi d’autres. Depuis leur origine, les Esat se sont installés dans une logique économique de sous-traitance industrielle (marché de positionnement, réalisation de petites ou grandes séries, réponses à des besoins ponctuels ou pérennes dans leur périmètre géographique). Ce modèle subit des variations brutales de marchés au rythme des crises économiques qui entraînent soit la réinternalisation du marché par le donneur d’ordre, soit la délocalisation dans des pays à main-d’œuvre low cost », a expliqué Patrick Maincent.

Nouveau modèle

Pour le vice-président de l’Unapei, une autre menace se profile à l’horizon. « La réforme de l’OETH remet en cause le modèle économique des Esat, malgré l’affirmation sans aucune analyse préalable de la neutralité du nouveau système. En réalité, en sortant les marchés du secteur protégé du calcul de l’OETH, la loi supprime la première motivation des entreprises à confier du travail aux Esat et elle remet en cause un partenariat développé depuis 1987. » Se transformer ou périr, les Esat ne semblent pas avoir d’autre choix… « Les Esat doivent donc construire un nouveau modèle pour assurer leur équilibre économique tout en accompagnant les travailleurs qui le peuvent, et surtout qui le veulent, vers l’emploi dans le monde dit “ordinaire” du travail, dans l’entreprise mais également dans la fonction publique. Tout en étant en capacité d’accueillir et d’accompagner des travailleurs handicapés indépendamment de leur potentiel de travail », analyse Patrick Maincent.

La sous-traitance industrielle ne disparaîtra pas des Esat. Néanmoins, inéluctablement, la part de ces marchés décroît et peut être amenée à devenir minoritaire dans leur activité économique. C’est sur des activités de services et sur leurs productions propres que reposera, demain, en grande majorité, le modèle économique des Esat. « Certaines activités de services, comme l’entretien des espaces verts ou la blanchisserie, sont déjà assez fréquentes. D’autres sont en développement : c’est le cas des prestations de nettoyage en entreprise ou de fins de chantier (productions alimentaires, artisanales). » Et Patrick Maincent d’ajouter : « Au-delà de l’idée et des investissements nécessaires, la nouvelle difficulté est de mettre en œuvre ses propres circuits de distribution. Tout un écosystème est à revoir dans une démarche entrepreneuriale pour permettre à l’Esat de conquérir son autonomie économique. Une autonomie économique au service d’une grande cause : l’accès à l’emploi des travailleurs handicapés, quel que soit leur niveau, afin de leur permettre de développer leurs talents et de trouver leur place dans leur vie professionnelle, sociale, et personnelle. »

L’accès au travail et à l’évolution professionnelle est un enjeu central pour les adultes avec un handicap intellectuel. C’est ce qui ressort de l’enquête que l’Unapei a menée en Franche-Comté, auprès de 1 150 répondants. Sur la question des envies de projets, plus d’un adulte sur cinq n’ayant pas l’âge de la retraite cite en premier lieu un projet professionnel. « 21 % des travailleurs d’Esat et d’EA formulent un projet d’évolution professionnelle ; un tiers expérimenter une autre activité, en milieu protégé ; un quart travailler en milieu ordinaire ; un sixième se former/monter en compétences sur son poste actuel », détaille l’étude. Par ailleurs, les personnes qui travaillent en Esat ou en EA (entreprise adaptée) aujourd’hui répondent à 96 % qu’elles se sentent utiles grâce à leur activité professionnelle. Elles sont 77 % à considérer qu’on les accompagne pour évoluer dans leur travail et 72 % à considérer qu’elles accèdent à des formations pour développer leurs compétences.

Plateforme pour l’inclusion

Les organismes gestionnaires d’Esat ne manquent pas de créativité pour permettre l’accès à l’emploi des travailleurs handicapés, voire pour les accompagner sur la voie de la transition inclusive. C’est le cas de l’Adapei-Aria de Vendée qui lors du séminaire a présenté Handi-Pépite, une plateforme d’évaluation professionnelle et d’inclusion vers le travail et l’entreprise. Le principe ? « Des chargés d’insertion accompagnent les travailleurs d’Esat qui ont exprimé le souhait ou l’envie de travailler en milieu ordinaire. La première étape est une évaluation des potentialités et des freins du travailleur pour aller vers une entreprise ou vers la collectivité locale. L’Esat, qui connaît bien la personne, va pouvoir étayer cette évaluation et passer à une phase d’immersion en milieu ordinaire de travail. Le principe est l’autodétermination du travailleur d’Esat, le travailleur est acteur de son projet professionnel, le chargé d’insertion adapte son accompagnement en fonction des capacités de la personne », a exposé Florence Le Pollozec, directrice Handi-pépite/Cap’Emploi-Adapei-Aria Vendée.

La sortie peut être envisagée par un stage très court, suivi d’une mise à disposition qui va permettre au travailleur de monter en compétences. Une embauche pérenne peut ensuite être envisagée. Pour ce faire, la plateforme travaille avec l’entreprise et avec le tuteur du travailleur handicapé désigné en son sein pour permettre au travailleur de changer de statut, de passer de travailleur en milieu protégé à celui de salarié en milieu ordinaire de travail. Cap’Emploi se charge de l’aspect administratif. La plateforme Handi-pépite a déjà accompagné treize travailleurs d’Esat, six d’entre eux sont sortis du dispositif et trois d’entre eux sont aujourd’hui salariés dans des entreprises.

« La richesse du dispositif est l’accompagnement médico-social au service de l’emploi en milieu ordinaire. Le référent de la personne handicapée n’est pas celui de son quotidien en Esat. Il va pouvoir recevoir le souhait ou l’envie de la personne de travailler en milieu ordinaire et mener une exploration de ce souhait de manière décalée, neutre. Le chargé d’insertion a une double culture car l’approche de l’entreprise en matière d’insertion et d’inclusion ne s’improvise pas. C’est un vrai métier, il y a des compétences à avoir », explique Florence Le Pollozec. Interrogée sur les freins rencontrés dans le projet, la directrice d’Handi-pépite cite les couacs liés à la rencontre entre le Code de l’action sociale et des familles (CASF) et du Code du travail. « Le fait de percevoir l’allocation aux adultes handicapés permet de bénéficier d’un certain nombre d’aides et de droits périphériques qui ne sont pas neutres dans un budget. Aujourd’hui, on est incapable de dire à un travailleur d’Esat qui va entrer en entreprise combien il va percevoir, et ce que cela représente par rapport à ces anciens droits. Il faut faire bouger cela, car certains des projets n’ont pas abouti à cause de situations de ce type. Les personnes ne sachant pas combien elles allaient toucher ont décidé de ne pas y aller. Par ailleurs, il y a des outils tels que le stage, la mise à disposition pour les travailleurs d’Esat, mais le cadre juridique n’est pas clair, ni souple », déplore la directrice.

En réseau

Autre témoignage du dynamisme des Esat avec Jean-Marc Phomavong, directeur général adjoint, secteur travail, d’Handy’Up. Il est venu exposer les avantages du réseau Adaptéa. L’ensemble des Esat et des EA de Franche-Comté adhérent à cette association. Au total, les établissements du réseau font vivre quelque 3 200 travailleurs handicapés. « L’association est un lieu d’expertise, d’interconnaissances, de réflexions. Dans les orientations stratégiques 2018, on a travaillé sur notre vision de l’Esat et de l’entreprise adaptée de demain. La réflexion a aussi porté sur l’inclusion. L’atout est l’implication des dix organismes gestionnaires, des administrateurs au côté des professionnels du terrain », reconnaît le directeur. Une expertise reconnue par l’agence régionale de santé (ARS) Bourgogne-Franche Comté qui a consulté le réseau Adaptéa afin de lui soumettre ses propositions pour l’avenir des Esat et des EA de la région.

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