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Habitat inclusif : libérer l’imagination

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Garantir un chez-soi pour chacun. Pour faire de l’habitat inclusif, « la clé de voûte de la société inclusive de demain », l’Unapei est revenue sur les carcans à faire sauter et a donné la parole à des adhérents qui ont osé l’innovation dans leurs projets.

« Au-delà de la question du handicap, nous défendons une conception de l’habitat pour toutes les personnes en situation de vulnérabilité. Habiter, c’est se sentir chez soi, choisir sa vie dans un environnement accueillant, être sécurisé par un accompagnement à l’autonomie qui permet aux personnes de voir leurs libertés fondamentales respectées le plus complètement possible », a insisté Coryne Husse, vice-présidente de l’Unapei, en ouverture d’une table ronde sur l’habitat inclusif, lors du séminaire du mouvement associatif. En juillet dernier, avec huit autres associations, l’Unapei a proposé « une vision globale » à travers le manifeste Habiter ensemble, chez soi et dans la cité, qui défend « une conception de l’habitat par et pour les citoyens en situation de handicap ». « La loi Elan, si elle permet le développement de certaines formes d’habitat à destination des personnes en situation de handicap, enferme la notion d’habitat inclusif dans un périmètre restreint, laissant notamment le secteur médico-social, particulièrement innovant en la matière et pionnier dans les solutions inclusives, en marge des nouveaux dispositifs reconnus par la loi », souligne le manifeste interassociatif.

Au-delà du cadre de la loi Elan, les associations à l’origine du manifeste considèrent que la concrétisation de la transition inclusive peut prendre de nombreuses formes. Par exemple, la transformation d’un établissement qui conserve son statut médico-social (gestion par un foyer de vie de plusieurs appartements dans le voisinage, foyer d’accueil médicalisé [FAM] structuré en résidences autonomes, ou encore un établissement qui, tout en conservant son bâtiment unique, met en place une organisation interne prévoyant des espaces privés, de l’autonomie de vie et de l’ouverture sur la cité). Mais aussi l’ouverture ex nihilo de dispositifs d’habitat (appartements « tremplin », résidences sociales, lieux de vie et d’accueil, appartements dédiés avec une mise en commun d’un service, etc.). Autre option possible : des solutions mixtes. « Plusieurs dispositifs proposés par un même gestionnaire, pour faciliter les transitions vers plus d’autonomie », a précisé Coryne Husse.

Plus de souplesse

« L’habitat inclusif réinterroge l’organisation des professionnels, des structures, qui permettent à chaque résident d’être un habitant en l’accompagnant dans ses choix. Il est nécessaire d’adapter le cadre législatif et réglementaire pour permettre d’ouvrir la possibilité d’expérimenter des formes d’habitat, tout en sécurisant les personnes dans un droit au retour. Il faut également revoir en profondeur le système de financement en instaurant de la souplesse, plus de décloisonnement pour répondre à une exigence de la qualité, de la bientraitance », a ajouté la vice-présidente de l’Unapei.

En matière d’habitat inclusif, l’Apei Centre Alsace fait office de précurseur : l’association a développé des habitats inclusifs dès 1984. « À cette époque, il y avait un besoin d’hébergement pour des travailleurs handicapés d’un Esat qui avait ouvert deux ans auparavant. En attendant que sorte de terre un foyer de 47 places, l’association a ouvert douze places dans quatre appartements, répartis dans deux immeubles HLM voisins », a expliqué Marie-Odile Kammerer, directrice adjointe du pôle autonomie-habitat. Le dispositif est alors baptisé « foyer intégré ». Dans chaque appartement, chaque personne avait sa chambre et disposait d’espaces mutualisés.

Au début des années 1990, l’association a fait une extension de huit places du foyer intégré, appartements satellites en ville. En 1998, ce foyer intégré a totalisé 35 places. L’Apei Centre Alsace poursuit dans cette voie en développant des modes d’habitat diversifiés pour les travailleurs. Objectif : « Réorienter les places actuelles en appartements en colocation et satellites existants, vers un mode d’habitat conciliant logement autonome individuel et proximité éducative valorisant l’autonomie des personnes. »

« Droit à l’essai-droit au retour »

Lors du séminaire, les membres de l’Unapei ont réaffirmé l’importance du « droit à l’essai-droit au retour ». La « place » en établissement médico-social est encore trop perçue – et donc trop souvent choisie – en considération de la sécurité qu’elle inspire. Lorsqu’une personne hébergée en établissement fait le choix d’opter pour une formule de type habitat inclusif, il doit pouvoir être possible de réserver une « période d’essai », assortie d’un droit prioritaire au retour, pendant une durée à définir (par exemple un an) : « Il s’agit d’un levier essentiel pour prévenir le risque de renoncement face à des propositions de mode de vie qui sont pourtant souhaitées », peut-on lire dans le manifeste Habiter ensemble, chez soi et dans la cité.

« Les personnes expérimentent une vie plus autonome, plus à distance du regard éducatif, mais elles peuvent toujours bénéficier du service logistique du foyer en fonction de leur demande. Un accompagnement à la carte est défini dans le cadre du projet de vie de la personne. Le retour en arrière est toujours possible si la personne se trouve en difficulté à un moment donné. Le foyer peut venir en appui et renforcer un accompagnement le temps d’une orientation vers un lieu de vie plus adapté », a expliqué Marie-Odile Kammerer. Pour Coryne Husse, le développement de l’habitat inclusif nécessitera également un environnement social accueillant, qui « s’acculture à recevoir des différences ».

Changement de pratiques

Pour lancer son projet d’habitat inclusif, Catherine Mas, directrice des établissements et services Unapei 30, reconnaît s’être inspirée de l’expérimentation du foyer de projets de vie Bel’Attitude, lancé par les Papillons blancs d’Hazebrouk, dans la ville de Bailleul. Le principe ? « La création d’un quartier de 90 logements dont 42 seront dédiés à des personnes en situation de handicap, en partie celles qui sont aujourd’hui dans un foyer d’hébergement, un foyer de vie ou un foyer d’accueil médicalisé », explique la directrice. Un changement radical pour l’association qui a fait le choix de l’habitat inclusif au lieu de relocaliser des établissements qui n’étaient plus aux normes architecturales. « Nous disposons de trois à quatre ans pour préparer le projet. Ce temps est nécessaire pour accompagner les personnes accueillies dans les établissements, les familles, les professionnels. On commence à changer le mode d’accompagnement des personnes. Plus qu’un changement de pratiques, c’est une révolution pour les équipes », a précisé la directrice.

« Territoire 100 % Inclusif »

Fin décembre 2017, le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) Bourgogne-Franche-Comté et le président du conseil départemental du Territoire de Belfort ont décidé du lancement du dispositif Territoire 100 % Inclusif. Jean-Baptiste de Vaucresson, directeur général Adapei 90, raconte avoir été à la fois surpris et enthousiasmé par ce projet. « L’idée est de reprendre les cinq axes du comité interministériel du handicap : accéder à ses droits plus facilement ; être accueilli et soutenu dans son parcours, de la crèche à l’université ; accéder à un emploi et travailler comme les autres ; vivre chez soi et se maintenir en bonne santé ; être acteur dans la cité. » Il regrette toutefois que l’opération se termine pour le moment « en queue de poisson ». En effet, le comité de pilotage final de juillet 2019, qui avait validé le plan d’action, a été annulé et aucune date nouvelle n’est en vue. Et Jean-Paul Granger, président de l’Adapei 90, de souligner : « Le conseil d’administration a décidé de s’engager dans ce projet mais il n’est pas question que le 100 % inclusif se fasse au détriment des personnes en situation de handicap. Elles ont droit à une juste compensation en fonction de leur handicap. » « Il y a peu de doctrines sur l’inclusion. Tout le monde en parle, tout le monde a des idées, des représentations, mais tout le monde ne met pas la même chose derrière », a ajouté Jean-Baptiste de Vaucresson.

En cours de négociation de son CPOM, l’Adapei 90 s’est fortement impliquée dans le projet 100 % inclusif en faisant une proposition notamment d’une « micro-Mas » pour quatre à six adultes polyhandicapés, en ville, avec un espace privatif pour chacun et des services de proximité médico-sociaux. « Nous étions prêts à le faire mais l’ARS nous a répondu ne pas croire en ce modèle. On a été très offensif dans nos propositions mais, aujourd’hui, on a en face de nous des interlocuteurs qui ont les deux pieds sur le frein », déplore le directeur général de l’Adapei 90.

Notes

(1) Le collectif réunit l’APAJH, APF France Handicap, l’Arche en France, la Fabrik Autonomie et Habitat, le GIHP, Simon de Cyrène, l’Unafam, l’Unapei et l’Uniopss.

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