A peine plus d’un an après l’adoption de la loi « asile et immigration », dont certaines dispositions n’ont été mises en œuvre que cet été et d’autres ne sont pas encore appliquées, la question migratoire s’est à nouveau invitée au Parlement, dans le cadre des débats qui se sont tenus le 7 octobre à l’Assemblée nationale et le 9 octobre au Sénat. Si aucun vote n’est prévu à l’issue de ces débats, l’exécutif n’écarte pas la possibilité de reprendre certaines propositions pour des réformes ultérieures. Six axes de travail ont été présentés aux députés, dont une réflexion sur les prestations sociales accordées aux demandeurs d’asile et une évaluation du panier de soins couverts par l’aide médicale d’Etat. Une réforme de l’accès à la couverture maladie universelle (CMU), dont bénéficient les demandeurs d’asile, serait également envisagée.
« Nous nous doutons bien que, dans la foulée de ce débat, nous allons voir arriver une nouvelle réforme du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile [Ceseda], dont la dernière modification date de septembre 2018, avec la loi “asile et immigration”, qui succède elle-même à une vingtaine de lois correspondant à autant de ministres de l’Intérieur », rappelle Claire Rodier, directrice du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés), association membre des Etats généraux des migrations(1), lesquels ont fait part de leurs inquiétudes, lundi, en amont des débats.
« Si l’on invite les parlementaires à vraiment regarder la réalité en face, poursuit-elle, ils verront qu’au fil de l’eau, avec les luttes des travailleurs sans papiers pour être régularisés, l’administration reconnaît un jour ou l’autre leur participation à l’économie. Ils pourront voir aussi que 90 % des personnes qui sont aujourd’hui réfugiées en Europe sont entrées illégalement : c’est-à-dire que la France et l’Europe n’ouvrent pas les voies légales qui permettent de prétendre au droit d’asile. »
« On est extrêmement inquiets à propos des arbitrages qui vont être faits, souligne Patrick Bouffard, secrétaire général adjoint de Médecins du Monde. Nous avons rencontré des députés qui sont loin d’avoir les connaissances suffisantes pour s’emparer de sujets aussi graves. » Or ce sont bien les approximations et contrevérités distillées par la majorité les semaines précédant l’ouverture des débats qui ont poussé à réagir les associations de lutte contre l’exclusion. Lundi, elles sont revenues sur leurs réalités quotidiennes à la frontière franco-italienne, mais aussi à Caen, où la dématérialisation des procédures administratives est devenue un obstacle pour le dépôt d’une demande d’asile. Pour Stéphanie Besson, coordinatrice du collectif Tous migrants, actif à Briançon, les atteintes répétées aux droits et la multiplication des contrôles policiers impactent et interrogent la société civile. L’heure est, selon elle, à la réaffirmation du devoir de fraternité, alors que deux jugements sont attendus dans des procès à l’encontre de deux maraudeurs venus en aide aux migrants à la frontière.
« Je demande aux parlementaires d’avoir assez de courage pour se positionner sur la répression, le harcèlement policier, l’incompréhension et le désarroi des populations locales, martèle Stéphanie Besson, qui invite députés et sénateurs à venir partager ces constats sur le terrain briançonnais. Nous avons des données objectives sur lesquelles les parlementaires peuvent s’appuyer. Ils doivent entendre les associations, car on a des alternatives à proposer. » Assurer un accueil digne et inconditionnel en fait partie. Les Etats généraux appellent ainsi les parlementaires à débattre des moyens à mettre en œuvre pour que cesse « la crise de l’accueil des exilés ». Ils les invitent à s’associer à la construction de « la paix sociale de demain » et à soutenir les initiatives de la société civile qui œuvrent en ce sens.
(1) Les Etats généraux des migrations réunissent une centaine de collectifs et d’associations locales ou nationales présentes en France auprès des personnes étrangères.