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Droit de vote : et après ?

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La loi de réforme pour la justice, adoptée le 18 février, a supprimé la possibilité pour le juge des tutelles de retirer le droit de vote à un majeur protégé. Un colloque proposé le 3 octobre par l’association Nous aussi fait le point sur les difficultés rencontrées pour concrétiser pleinement cette participation électorale.

Plus de 300 000 personnes majeures sous tutelle bénéficient, depuis la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019, de la possibilité de voter sans entrave. Emmanuel Macron s’était engagé devant le Congrès de Versailles à ce qu’un juge des tutelles ne puisse plus leur retirer ce droit. Un engagement confirmé par Edouard Philippe lors du comité interministériel du handicap du 25 octobre 2018. Après la promulgation de la loi, les personnes concernées avaient d’ailleurs bénéficié d’une dérogation de deux semaines supplémentaires pour s’inscrire sur les listes électorales, en amont des élections européennes. Sans un véritable travail d’accompagnement aux urnes, ce droit reste théorique. C’était là tout l’objet du colloque « Le droit de vote pour tous : c’est maintenant ! », organisé par l’Association française des personnes handicapées intellectuelles (Nous aussi) le 3 octobre. « Actuellement, les personnes handicapées ne peuvent pas comprendre et aller voter en connaissance de cause », regrette Lahcen Er Rajaoui, président de Nous aussi.

Les obstacles perdurent

En pratique, et malgré l’instruction adressée à l’ensemble des préfets en amont des élections européennes pour rappeler que les personnes handicapées ont la possibilité d’être accompagnées dans l’isoloir par l’électeur de leur choix, nombreuses sont celles qui se sont vu opposer des refus catégoriques. « Il n’y a plus d’obstacle juridique ou réglementaire, mais la difficulté est la transmission de l’information aux assesseurs », observe Christelle Prado, ex-présidente de l’Unapei (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales, et de leurs amis). Autre obstacle : la bonne compréhension de la propagande électorale. Pour les européennes, seules quatre listes sur 34 ont proposé un programme en « Facile à lire et à comprendre » (Falc). C’est pourtant une demande de 71 % des 1 300 personnes handicapées sondées dans le cadre d’une enquête menée par le Creai et Nous aussi. Parmi elles, 59 % disent avoir eu des difficultés pour comprendre les idées des candidats, 27 % pour savoir quoi faire dans le bureau de vote, et 30 % pour lire le nom des candidats sur les bulletins.

Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, a promis lors de l’événement un travail sur l’implication des maires et la formation des assesseurs présents dans les bureaux de vote. Le guide Handéo « Vote et handicap » devrait d’ailleurs être transmis à l’ensemble des acteurs impliqués dans la préparation des élections municipales ainsi qu’aux présidents des bureaux de vote.

Les autoreprésentants, une ressource précieuse

Après des réformes récentes pour certains pays européens (dont l’Allemagne ou l’Espagne), 13 Etats membres de l’Union européenne ont consacré le droit de vote pour les majeurs protégés. Le refuser y est considéré comme une discrimination. Si la situation évolue, c’est en partie grâce aux autoreprésentants, des usagers qui se sont battus pour provoquer ce changement et l’accompagner. « En Ecosse, seules 30 % des personnes handicapées intellectuelles savaient pour qui voter, contre 70 % du reste de la population en moyenne, expose Guillaume Jacquinot, chargé des questions politiques pour le mouvement européen des personnes ayant un handicap intellectuel et leurs familles (Inclusion Europe). Les autoreprésentants ont construit des ressources en Falc [facile à lire et à comprendre] pour aider à comprendre les événements, sensibilisés les acteurs politiques… Résultat : 80 % des personnes avec un handicap intellectuel votaient aux législatives de 2016, 91 % aux communales de 2017. »

Pour ce qui est de se présenter en tant que candidat, l’avancée est moins flagrante : elle ne concerne que 9 pays de l’Union, 7 pays limitent ce droit, et 12 le refusent à certaines personnes. « La France continue d’interdire aux personnes sous curatelle ou tutelle de se présenter aux élections, mais vous avez ouvert une brèche démocratique, prévient Guillaume Jacquinot. Viendra un jour où les autoreprésentants voudront porter la voix de leurs pairs et partager au sein des institutions politiques leur vision de la société. »

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