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« La disparition de la Miviludes serait une victoire pour les sectes »

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La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) va être rattachée au ministère de l’Intérieur, plus précisément au comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, avec une baisse de ses effectifs. Pour Maryse Drilhon, membre du bureau de l’Unadfi(1), c’est un désengagement politique.
En quoi la perte du caractère « interministériel » de la Miviludes est-il dommageable ?

Le phénomène sectaire touche tous les secteurs de la société, la dimension transversale est importante et ce changement va forcément avoir un impact sur les missions de la Miviludes. En passant au ministère de l’Intérieur, on peut craindre que ne soient traitées que les affaires judiciarisées, alors que la grande majorité des affaires d’emprise sectaire ne le sont pas parce que les victimes n’en ont pas la force. En général, il faut un temps assez long pour que les victimes décident d’aller devant la justice, il faut être fort pour affronter cette confrontation. Les victimes ont besoin d’être entendues afin de dénoncer ce qu’elles ont vécu, même si elles ne vont pas devant la justice. Cela participe au travail de vigilance de la Miviludes.

La Miviludes a également un rôle de prévention, d’information et de formation. Avez-vous des craintes sur ces missions ?

En réduisant considérablement le nombre de fonctionnaires et en supprimant la dimension interministérielle, logiquement, il ne peut pas y avoir le même temps consacré à la formation et il y aura moins de spécialisation des intervenants. Pourtant, au fil des années, nous avons pu constater les bienfaits de cette sensibilisation : les personnes rencontrées dans les commissariats ou les agences régionales de santé ont une meilleure connaissance de l’emprise sectaire et de ses conséquences. Avec la diminution du nombre d’agents affectés à la lutte contre les mouvements sectaires, il y a fort à craindre que, notamment, le travail de formation des fonctionnaires en pâtisse.

Craignez-vous que les ministères compétents se désengagent de la lutte contre les mouvements sectaires, en n’étant rattachés qu’au ministère de l’Intérieur ?

Aujourd’hui, la Miviludes peut avoir à traiter des dossiers qui touchent plusieurs ministères tels que l’Education nationale et la Santé, par exemple. Actuellement, les différents conseillers de la Miviludes, qui viennent des grands ministères, ont des compétences pointues sur leur secteur. A partir du 1er janvier 2020, la Miviludes sera rattaché au ministère de l’Intérieur, j’ai des doutes sur le fait que les autres ministères se sentent autant concernés qu’aujourd’hui. Les échanges et le travail en commun, qui ont permis notamment de monter de grandes campagnes de sensibilisation, risquent d’être plus difficiles.

Ce changement ministériel est-il un désengagement du gouvernement sur cette problématique ?

C’est ainsi que nous le ressentons. Nous avons le sentiment que, depuis quelques années, il y a un silence assourdissant de la part du gouvernement sur l’emprise sectaire, alors que d’autres pays nous envient le travail qui a été fait sur le sujet depuis les années 1990 en France. Nous savions que la Miviludes pouvait être remaniée car le rapport de la Cour des comptes, il y a deux ans, avait signifié qu’il y avait des choses à améliorer ou à restructurer. Cependant, même si cette structure a ses limites, elle participe largement à la connaissance, à la prévention et à la formation sur le phénomène sectaire alors que l’information préventive est essentielle. Par ailleurs, par son intégration au comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, où il est essentiellement question de radicalisation islamique, l’emprise sectaire risque de disparaître à la faveur d’une problématique vague de radicalisation. La disparition de la Miviludes serait une victoire pour les mouvements sectaires. Nous militons donc pour qu’une structure porte et conserve la spécificité de l’emprise sectaire avec une dimension interministérielle.

Notes

(1) Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes.

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