Pour lutter contre l’illettrisme, des recommandations seront remises le 15 octobre à la ministre du Travail, Muriel Pénicaud. L’enjeu est de taille en France : 4,3 millions de personnes ont des difficultés à écrire et 2,5 millions sont jugées illettrées. Une situation qui touche 6 % des salariés et 10 % des demandeurs d’emploi. Loin des statistiques, Claudie Tabet, enseignante et bibliothécaire, leur rend hommage à travers une série de portraits. Des hommes et des femmes ayant appris à lire et à écrire mais butant sur chaque mot faute de pratique. Tous disent la même chose : « La lecture, c’est pas pour moi » – jusqu’au jour où, dans le cadre de formations de lecture-écriture et de contrats territoire-lecture initiés par l’Etat, elles ont osé pousser les portes des bibliothèques publiques. Un retour aux livres extraordinaire, malgré les difficultés que nous raconte l’auteure avec empathie et humour. Ainsi l’histoire de Sidonie qui, avec ses lunettes à double foyer et ses 54 ans, est la plus âgée du groupe de stagiaires. Depuis l’âge de 14 ans, elle fait des repas à la chaîne. C’est pour ne pas « mourir idiote » qu’elle a voulu rencontrer des bibliothécaires. Avec leur soutien, au fil des jours, elle a construit une histoire, un voyage en Afrique, 80 pages écrites et illustrées de sa main. Il y a Roger aussi, magasinier – un métier qu’il aime bien mais qu’il a peur de perdre, car son chef lui demande de se former à l’informatique. Jusqu’ici, l’homme a réussi à dissimuler son handicap aux autres. Il a si honte qu’aucun collègue ne devine qu’il ne sait ni lire ni écrire. Alors retourner à l’école… Roger a peur, ne dort plus, s’effondre. Devenu demandeur d’emploi, une assistante sociale lui propose de participer à des ateliers d’apprentissage sur ordinateur à la bibliothèque de son quartier. Le langage 2.0 allait bientôt ne plus avoir de secret pour lui. « Un ressuscité de l’illettrisme », comme il dit.
« Des petites victoires sur l’illettrisme » – Claudie Tabet – Ed. érès, 12 €.