Dans un arrêt important rendu le 4 octobre dernier, la Cour de cassation s’est prononcée sur la reconnaissance en France du lien de filiation avec la mère d’intention dans le cadre d’une gestation pour autrui (GPA). Dans cette affaire, un couple de Français avait eu recours à une GPA en Californie, un Etat des Etats-Unis dans lequel ce type de pratique est légal. Les actes de naissance des jumeaux nés en 2000 avaient été établis aux Etats-Unis, et ont reconnu comme parents, d’une part, le père biologique des enfants qui a donné ses gamètes et, d’autre part, la mère d’intention, autrement dit celle qui n’a pas accouché. Les actes de naissance furent ensuite transcrits en droit français. Opposé à la reconnaissance des liens de filiation établis en France à la suite d’une GPA réalisée à l’étranger, le ministère public a donc engagé une procédure en annulation de cette transcription.
La procédure dure depuis près de 20 ans. En 2011, la Cour de cassation rend un premier arrêt dans cette affaire dans lequel elle annule la transcription. Trois ans plus tard, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), saisie par le couple, a condamné la France pour atteinte au droit au respect à la vie privée des enfants. A la suite de cette décision, la Cour de cassation a réexaminé l’affaire en 2018 et saisi la CEDH pour avis sur la technique juridique à utiliser pour reconnaître le lien de filiation en dehors de toute « réalité biologique ». Cette année, la CEDH a rendu un avis dans lequel elle dit laisser au Etats décider eux-mêmes du mode le plus adapté, à condition qu’un lien de filiation doit pouvoir être établi entre l’enfant et la mère d’intention.
Dans son arrêt rendu le 4 octobre, la Cour de cassation écrit noir sur blanc qu’il s’agit d’une décision d’espèce. Constatant que « le contentieux dure puis plus de 15 ans », elle refuse finalement d’annuler la transcription sur les registres de l’état civil français des actes de naissance établis en Californie. Les autres voies, en particulier la procédure d’adoption classique, pourraient porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée des enfants.
Cet arrêt n’ouvre pas la voie à une reconnaissance automatique de la filiation des enfants nés d’une GPA à l’étranger. Les juges devront analyser les faits au cas par cas.
Cass. ass. plén., 4 octobre 2019, n° 10-19053