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Le coup de gueule des acteurs de secteur

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Pour leur dixième édition, les Assises nationales de l’aide à domicile ont eu lieu à Paris, les 26 et 27 septembre, quelques semaines avant que le gouvernement ne propose sa loi « grand âge et autonomie ». L’occasion pour les professionnels de faire part de leurs attentes et de leurs inquiétudes face aux problèmes que rencontre le secteur.

« Il faut engager un changement profond du modèle d’accompagnement. Le défi consiste à concrétiser un principe simple : la personne âgée doit se sentir “chez soi”, quel que soit son lieu de vie. Cela suppose d’affirmer résolument la nécessité de privilégier la vie au domicile de la personne […]. Cette priorité accordée au domicile exige de répondre à la fragilité économique des services d’aide et d’accompagnement à domicile. » Ces mots et ces orientations proviennent du rapport « Libault », rendu public en mars à l’issue de la concertation « grand âge et autonomie ». Il y est donc clairement indiqué que « priorité est accordée au domicile ». Or ce n’est pas ce que ressentent les acteurs du secteur. Alors que ce rapport est censé servir de base à la future loi « grand âge et autonomie », depuis sa publication, les professionnels des services d’aide à domicile (Saad) ont, à plusieurs reprises, fait part de leurs inquiétudes quant à la réelle priorité donnée au domicile. Cela a, une nouvelle fois, été le cas lors des Assises nationales de l’aide à domicile qui ont eu lieu les 26 et 27 septembre à Paris.

« Nous avions fondé de grands espoirs dans le rapport “Li­bault”. Mais cela reste malheureusement au niveau de l’espoir, dans la mesure où, depuis, pas grand-chose n’a été fait », déplore ainsi Olivier Peraldi, délégué général de la Fesp (Fédération du service aux particuliers). Si Thierry d’Aboville, secrétaire général de l’ADMR (Aide à domicile en milieu rural), souligne de son côté « la véritable ambition » portée par ce rapport, il a « l’impression que le domicile est le parent pauvre de ce texte ». En effet, « alors que tout le monde constate que le domicile est plébiscité par les Français, le rapport ne se donne pas les moyens financiers d’atteindre les objectifs, estime-t-il. C’est donc une déception. » Et Benoît Calmels, délégué général de l’Uncass (Union nationale des centres communaux d’action sociale), de généraliser le point de vue des acteurs du secteur : « Le jour de la remise du rapport, tout le monde l’a salué. On s’attendait à un rapport moyen et, en fait, on a été très agréablement surpris. Le problème, c’est l’“après-rapport”. On a une forme d’incertitude. On pensait que ça irait très vite. » Mais ce n’est pas le cas. L’attente est longue, et les inquiétudes se font de plus en plus grandes.

« La situation est catastrophique dans beaucoup de départements »

A tel point que les professionnels de l’aide à domicile en viennent à douter de la réalité d’une présentation d’une loi « grand âge et autonomie » dans les semaines à venir. Annoncée de longue date pour la fin de l’année 2019 (la date du 14 décembre est encore évoquée en coulisses), ils sont un certain nombre à s’interroger sur le calendrier. Et donc sur la réelle prise en compte de l’urgence par le gouvernement. « On nous annonce une loi en conseil des ministres pour la mi-décembre. Cela veut dire qu’elle viendra au Parlement en 2020, et que les mesures ne seront effectives qu’en 2021. C’est donc encore une année blanche qui s’annonce, alors que nous sommes dans un secteur qui a besoin que l’on agisse tout de suite », résume ainsi Thierry d’Aboville. Si les politiques présents lors de ces assises ont tenté de rassurer les fédérations (voir les propos d’Annie Vidal, députée LREM de Seine-Maritime, page 9), les préoccupations demeurent nombreuses.

« Aujourd’hui, la situation est catastrophique dans beaucoup de départements, s’alarme Hugues Vidor, directeur général d’Adessadomicile. Nous avons 40 % des salariés et des professionnels du secteur qui sont en dessous du Smic. La réalité, c’est celle-ci. » Un constat malheureusement partagé par tous les professionnels, comme le confirme Thierry d’Aboville : « A l’ADMR, nous avons 13 métiers de la grille en dessous du Smic. Pour remédier à cette situation, il faut mettre 200 millions d’euros sur la table. Nous ne les avons pas. Et encore, avec ces 200 millions d’euros, on ne fait que mettre tous les salariés au Smic, pas plus ! Il faut donc un vrai choc, une vraie prise de conscience sur cette question de la rémunération. »

« Les Saad ont un rôle majeur à jouer »

Modèle de tarification (voir page suivante), gestion des structures, réforme des métiers du grand âge, problème des salaires… chacun y va de sa revendication, de sa problématique. Ainsi, pour Dafna Mouchenik, la priorité est d’agir « sur l’attractivité de nos métiers ». Alors que Myriam El Khomri, missionnée à ce sujet par Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, doit rendre son rapport dans les prochains jours, la présidente du Synerpa Domicile estime que « cela passera évidemment par une revalorisation des salaires, mais aussi par un vrai parcours professionnel et par la possibilité de perspectives ». « Il faut arrêter de penser le tout-domicile ou le tout-Ehpad, ajoute-t-elle. Il faut pouvoir passer sans difficulté du domicile à un Ehpad, à une résidence services ou un accueil de jour. Et cela, pour les professionnels comme pour les personnes que nous accompagnons. »

Au-delà de l’urgence de la reconnaissance des métiers (une inquiétude partagée par tous), l’idée est bien de repenser le service d’aide à domicile. De l’imaginer tel qu’il doit être pour demain. Car, Hugues Vidor en est persuadé, « les Saad ont un rôle majeur à jouer : c’est en effet le premier acteur sur les territoires en charge des questions de cohésion sociale, d’accompagnement, de prévention, d’articulation avec la santé ». De même, si tous les acteurs, professionnels comme politiques, reconnaissent que le financement est la priorité des priorités – Bernard Bonne, sénateur (LR) de la Loire, estime que « c’est la clé de voûte de tout » –, Benoît Calmels entend en profiter pour aller plus loin. Le délégué général de l’Uncass souhaite profiter de la future loi « pour revoir le modèle économique dans son ensemble ». Et d’ajouter : « Il serait bien que la loi du grand âge ne soit pas une loi technique mais une loi de société. Parce que le grand âge est une question de société avant d’être une question technique. On ne résoudra les problèmes techniques qu’une fois que l’on aura défini exactement la société que l’on souhaite pour le grand âge en France. »

Car, malgré toutes leurs inquiétudes, les fédérations essayent de rester positives. D’avoir confiance en l’avenir.In fine, c’est certainement Olivier Peraldi qui résume le mieux la situation : « Depuis deux ans, il y a de la tension. Et je constate que cette tension augmente parce qu’on est toujours en retard d’une loi. Malgré des avancées, il y a des manquements, et ceux-ci s’accumulent. Une loi est annoncée. Mon souhait est que, pour une fois, on ne soit pas en retard d’une loi. »

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