« Quand je suis arrivé en Allemagne, on m’a dit qu’on n’acceptait pas les Afghans. Ma demande a été rejetée et on m’a dit de quitter le pays. Pourquoi me renvoyer en Allemagne ? » Les récits des demandeurs d’asile tombés sous le coup de la procédure de Dublin recueillis par le Secours catholique témoignent tous d’une même incompréhension face à ce règlement européen adopté en 1990. Amendés à deux reprises, les accords de Dublin qui régissent le traitement des demandes d’asile au sein de l’Union européenne sont aujourd’hui jugés d’une « effroyable complexité » par l’association.
Le 24 septembre, le Secours catholique a publié un rapport élaboré avec les demandeurs d’asile, afin de revenir sur son fonctionnement et ses conséquences sur la vie des exilés. Car depuis juillet 2016, l’application de la procédure Dublin – qui vise principalement au transfert d’un demandeur d’asile vers le premier pays par lequel il est entré dans l’espace Schengen – se veut plus stricte. Le gouvernement s’est donné pour objectif d’augmenter les transferts vers les Etats responsables des demandes d’asile mais également de dissuader d’autres candidats de rejoindre la France.
Au 31 décembre 2018, 45 000 demandeurs d’asile étaient placés en procédure Dublin en France. Elles représentent plus d’un tiers des personnes en demande d’asile. Plus d’un quart des personnes en procédure normale ou accélérée sont d’anciennes personnes « dublinées » dont la procédure s’est éteinte. Pourtant, seule une personne « dublinée » sur 10 a effectivement été transférée vers l’Etat responsable de la demande d’asile, soit 3 533 personnes sur 29 259 faisant l’objet d’un accord de l’Etat en question. « L’inefficacité du système est d’autant plus criante que la France reçoit également des transferts d’autres Etats membres, souligne le Secours catholique. En 2018, 1 837 personnes ont été transférées en France depuis d’autres Etats européens. Au final, le résultat en chiffres de la machine Dublin se révèle quasi nul. » Mais les conséquences sur les personnes exilées placées dans des situations administratives particulièrement précaires sont dramatiques tant du point de vue matériel que psychologique. L’association fait état d’une multiplication des procédures d’assignations à résidence et des mesures de rétention administratives à leur encontre. Les structures d’hébergement glissent également de plus en plus vers le contrôle.
« Il faut changer en profondeur cette règle européenne et, sans tarder, en suspendre l’application en France », estime Véronique Fayet, présidente du Secours catholique-Caritas France. Mais à défaut d’une suspension générale des transferts, le Secours catholique demande a minima un assouplissement des conditions de mise en œuvre du règlement Dublin par la France. L’association formule ainsi trois mesures à l’intention du ministère de l’Intérieur, des préfectures et de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) : que les préfectures suspendent tout transfert vers les Etats dont le système d’accueil est jugé défaillant par les juges administratifs, les institutions européennes ou internationales, qu’elles se rendent responsables des demandes d’asile de personnes ayant des attaches personnelles, familiales, linguistiques ou encore professionnelles avec la France et enfin que les personnes placées en procédure Dublin soient traitées dignement. « A ce titre, l’Ofii doit leur permettre d’accéder à des conditions d’hébergement décentes, à un accompagnement juridique et social de qualité ainsi qu’à l’allocation pour demandeur d’asile tout au long de la procédure, détaille le Secours catholique. Les préfectures doivent par ailleurs mettre un terme aux mesures restrictives de liberté que sont la rétention, l’assignation a` résidence, ou encore les visites domiciliaires, mesures aussi inutiles que maltraitantes. »