« La formation professionnelle initiale et, notamment, l’apprentissage sont insuffisamment développés dans notre pays, alors qu’ils constituent une des clés de succès dans le combat contre le fléau qu’est le chômage. » Ces mots sont ceux du gouvernement lors de la présentation de la réforme de l’apprentissage en février 2018. Plus précisément, la France compte 400 000 apprentis, soit seulement 7 % des jeunes de 16 à 25 ans (contre en moyenne 15 % dans les autres pays européens). Et ce, alors même que l’apprentissage demeure l’un des meilleurs tremplins vers l’emploi. En effet, 70 % des apprentis trouvent un emploi dans les sept mois suivant leur formation. C’est pourquoi, le gouvernement a lancé, à la fin du mois de septembre 2018, la réforme de la formation professionnelle. Plus précisément, il s’agit d’une réforme « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » qui « transforme et rénove en profondeur le système de formation professionnelle et d’apprentissage ». L’objectif affiché de ce texte(1) est de réduire massivement le chômage des jeunes. Un secteur plus particulièrement pourrait bénéficier de cette réforme (qui entre pleinement en œuvre en cette rentrée 2019) : les services d’aide à domicile. C’était en tout cas l’un des points abordés lors de la troisième édition des Rencontres du bien vivre à domicile, organisées par la Fédération française des services à la personne et de proximité (Fedesap), le 17 septembre à Paris.
En effet, alors que de nombreux rapports ont pointé la nécessité et l’urgence d’un investissement fort dans l’attractivité et les compétences des métiers du grand âge et alors que les difficultés de recrutement dans ce secteur sont croissantes, la question est de savoir comment attirer les jeunes vers ces professions. Plus précisément, l’apprentissage peut-il être l’une des réponses aux problématiques soulevées ? Pour Guy Loudière, secrétaire général de la Fedesap, pas de doute : « L’apprentissage est une chance pour les métiers des services à la personne. » « En effet, si nous ne faisons pas entrer la jeunesse dans nos métiers, à un moment donné nous serons en rupture. Il faut donc trouver des nouvelles recrues. Il faut aller chercher les jeunes pour pérenniser nos activités », justifie-t-il.
Selon le ministère de l’Economie et des Finances, le secteur des services à la personne représente, en France, 18 métiers différents, pour 1,5 million de salariés. Avec une natalité dynamique et un vieillissement important de la population, ce secteur est donc en pleine mutation, en plein boom. Ainsi, toujours selon le ministère, 320 000 postes seraient à pourvoir d’ici 2022. Dès lors, l’apprentissage est un enjeu particulièrement important pour le secteur, notamment parce qu’il permet de le structurer, de le professionnaliser, mais aussi de valoriser les compétences et de construire de solides parcours professionnels. « Face aux difficultés de recrutement actuelles, tout est bon pour faire venir des salariés dans le secteur. L’enjeu est donc de faire en sorte que l’apprentissage devienne un mode de recrutement classique. C’est fondamental, estime encore Guy Loudière. La réforme de la formation professionnelle nous invite d’ailleurs clairement à déployer cet apprentissage. » Mais le secrétaire général de la Fedesap apporte quelques nuances à ses propos. Selon lui, « la réussite de l’apprentissage est liée à l’alternance dédiée. C’est-à-dire que l’apprentissage classique où l’on fait trois semaines dans une entreprise et une semaine en CFA [centre de formation des apprentis] ne fonctionne pas dans nos métiers. Nous avons donc dû créer des alternances dédiées, spécifiques. »
L’apprentissage, Gabrielle Aberton, responsable d’un service d’aide à domicile à Alençon (Orne), connaît bien. Sa structure compte une vingtaine de salariés dont dix apprentis. Elle explique pourquoi elle n’hésite pas à se tourner vers ce type de contrat. « Ce sont des profils plus jeunes qui souvent sortent d’un BEP [brevet d’études professionnelles] “accompagnement, soins et services à la personne”. Ils ont envie de devenir auxiliaire de vie, voire aide-soignant si l’on continue de les former. C’est cette envie qui est très importante », assure-t-elle. Ce que confirme l’expérience de Coralie Viaux, actuellement en apprentissage au sein de Maintien O’Dom, la structure de Gabrielle Aberton : « J’ai d’abord obtenu un bac pro “services aux personnes et aux territoires” avant d’avoir un BEP. Mais, pour devenir auxiliaire de vie, je considère qu’il est important d’en apprendre plus auprès des professionnels. C’est pourquoi je me suis tournée vers l’apprentissage. »
Il y a aussi une raison économique à favoriser le contrat d’apprentissage. En effet, rémunérer un apprenti coûte moins cher à l’entreprise. D’autant plus qu’une prime de 4 125 € par apprenti est distribuée pour les accompagner dans cette démarche. « Au niveau de notre structure, nous avons fait le choix de travailler en binôme mais aussi d’accompagner nos intervenantes et de mieux les reconnaître dans leur activité de tous les jours, renseigne encore Gabrielle Aberton. Du coup, pour mieux les rémunérer, nous sommes aussi obligés de trouver des équilibres budgétaires. Le contrat d’apprentissage en fait partie, d’autant plus dans ce secteur où l’on ne marge pas énormément.. Malgré tout, le secteur ne se tourne pas énormément vers cette forme de contrat. L’une des principales appréhensions des dirigeants est de se dire qu’il est difficile de concilier apprentissage et qualité de service.
Pour Gabrielle Aberton, ce doute n’a pas lieu d’être. En réalité, « tout dépend de la vision du chef d’entreprise. De ce qu’il ou elle a envie de faire de son entreprise. Il faut être dans la notion de “transfert de savoir-faire” mais aussi de “savoir-être”. » Et de prendre sa structure en exemple : « Chez nous, un contrat d’apprentissage n’est pas lâcher dans la nature. Ce n’est pas parce qu’il coûte moins cher qu’un apprenti doit être mis sur le terrain sans accompagnement. Un binôme, un tutorat est donc mis en place. Il dure entre trois semaines et un mois. Les apprentis débutent avec des faibles niveaux de dépendance et, au fur et à mesure qu’ils acquièrent de la compétence technique, ils vont s’occuper de GIR [groupes iso-ressources, ou niveaux de perte d’autonomie d’une personne âgée] plus importants. » En conclusion, comme le dit très bien Guy Loudière : « Il faut juste accepter de travailler différemment, avec un autre modèle économique. »