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PMA pour toutes : ouverture du débat à l’Assemblée nationale

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Pendant les trois semaines à venir, les députés débattront du projet de loi relatif à la bioéthique, et notamment l’extension de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de lesbiennes et aux femmes seules. Les discussions devraient être intenses, en particulier sur la question de la filiation.

L’examen du projet de loi relatif à la bioéthique a commencé, le 24 septembre, en séance publique à l’Assemblée nationale. Composé de 32 articles, le texte recouvre une large gamme de sujets majeurs, dont les greffes d’organes, les tests génétiques, l’intelligence artificielle, les cellules souches embryonnaires. Néanmoins, c’est la question très sensible de l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires qui risque de donner lieu à de vifs débats.

Devant un hémicycle clairsemé, les trois ministres qui portent ce projet de loi, Agnès Buzyn (Santé), Nicole Belloubet (Justice) et Frédérique Vidal (Recherche), et les rapporteurs se sont succédé à la tribune pour défendre ce texte à haut risque. L’examen de l’article 1 ouvrant l’assistance médicale à la procréation (AMP) à toutes les femmes s’étendra sur plusieurs jours. En tout, 630 amendements ont été déposés sur ce seul article. Les « familles monoparentales et homoparentales existent déjà » et il serait « hypocrite » de ne pas le voir, a déclaré Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, repoussant cependant comme une « idée fausse » celle d’un « droit à l’enfant ».

La place de l’enfant

Une grande partie des députés Les Républicains (LR) réprouvent ce qu’ils appellent la « PMA sans père ». Pour les opposants à la PMA pour toutes, les enfants élevés sans père seraient moins épanouis. Dans son avis officiel sur le projet de loi de bioéthique, rendu public le 21 septembre, l’Académie nationale de médecine a abondé dans le même sens en estimant que « la conception délibérée d’un enfant privé de père constitue une rupture anthropologique majeure qui n’est pas sans risques pour le développement psychologique et l’épanouissement de l’enfant ». « L’argument régulièrement avancé pour rejeter le risque pour l’enfant se fonde sur certaines évaluations, essentiellement dans quelques pays anglo-saxons et européens, faisant état de l’absence d’impact avéré sur le devenir de l’enfant », a poursuivi le rapporteur Jean-François Mattei, ancien ministre de la Santé du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin de 2002 à 2004. Des évaluations que l’Académie de médecine a jugé « pas très convaincantes, ces données au plan méthodologique, en nombre de cas et en durée d’observation sur des enfants n’ayant pas toujours atteint l’âge des questions existentielles ». « Oui, il est légitime de se poser la question du développement d’un enfant sans père. Mais non, nous ne pouvons pas prétendre que nous progressions en terrain inconnu. Des études nombreuses existent, des témoignages multiples de familles concernées enrichissent notre expérience. Tous plaident pour les avancées proposées dans le texte. […] Aucun texte ne pourra jamais assurer la perfection de toutes les familles dans notre pays. La poursuite de toutes les études est donc une nécessité. Plusieurs amendements en commission ont pu à cet égard apporter des garanties », a assuré Jean-Louis Touraine, rapporteur LREM de la commission spéciale chargée de la révision de la loi de bioéthique.

L’épineuse question de la filiation

La filiation des enfants nés de PMA est un des autres points controversés du projet de loi. Les députés ont adopté, le 13 septembre dernier en commission, l’amendement du gouvernement quant à la filiation des enfants nés d’un couple de femmes. L’article 4 qui crée « un mode de filiation par déclaration anticipée de volonté permettant aux couples de femmes de devenir légalement les parents de l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation qu’elles auront réalisée ensemble, et ce, dès sa naissance » a lui fait l’objet de quelque 200 amendements. Les associations LGBT et le Planning familial dénoncent le fait que le projet de la loi en l’état est « loin du droit commun », car établissant encore des distinctions entre mère lesbienne et mère dans un couple hétérosexuel, et entre mère non-génitrice et père non-géniteur. « Pourquoi créer une procédure spécifique aux couples de femmes, sauf à vouloir résolument et absolument les distinguer pour en faire une catégorie à part de la population ? Et comment justifier cette toute nouvelle interdiction aux femmes en couple avec une femme d’établir leur filiation par accouchement comme les femmes en couple hétérosexuel ou les femmes célibataires ? », interrogent les associations, dans un communiqué en date du 18 septembre. « Ce projet de loi n’est pas une réforme de la filiation. Cette loi n’est ni une loi sur la filiation ni une loi de refonte du code civil, c’est une loi de bioéthique », a affirmé à nouveau, en séance publique à l’Assemblée nationale, Nicole Belloulet, ministre de la Justice.

Opposés au texte, les députés LR estiment, pour leur part, que reconnaître la mère qui n’accouche pas au même niveau que celle qui accouche mènerait inévitablement vers la légalisation de la gestation pour autrui (GPA), même si le gouvernement affirme que le recours aux mères porteuses « demeurera un interdit absolu », « contraire à nos principes éthiques ». Lors de cette première séance des débats, Laurence Vanceunebrock-Mialon, députée LREM de l’Allier – qui a eu deux filles grâce à des PMA en Belgique –, a attiré l’attention du gouvernement sur la nécessité d’encadrer les situations antérieures au projet de loi. « Depuis de nombreuses années, des couples de femmes ont réalisé une PMA à l’étranger. Comment reconnaître leurs enfants qui sont nés avant la loi et qui seront toujours sans protection après cette loi ? », interroge-t-elle. La député a également évoqué le cas des futurs parents qui continueront d’aller à l’étranger, après la promulgation de la loi, pour réaliser une PMA.

Le projet de loi comporte encore d’autres points controversés qui devraient donner lieu à discussions – houleuses ou pas – chez les parlementaires. Ainsi, le remboursement de la PMA pour toutes par la sécurité sociale est l’un des points critiqués par les députés Les Républicains. Ces derniers disent craindre de voir « les principes de la sécurité sociale dévoyés » dans le cas où la PMA seraient intégralement prise en charge pour l’ensemble des bénéficiaires, au-delà donc des couples souffrant d’une infertilité à justifier par diagnostic médical. Invitée de La Matinale sur CNEWS, le 24 septembre, Agnès Buzyn a précisé que la PMA coûtera chaque année « entre 10 et 15 millions pour les femmes homosexuelles et les femmes célibataires ».

Autres points controversés

Autres crispations en vue : si l’amendement qui autorisait une potentielle PMA post-mortem a été rejeté de justesse par les députés en commission le 11 septembre, le sujet pourrait être à nouveau mis sur la table en séance plénière de l’Assemblée. Le gouvernement est contre cette mesure mais certains députés parmi lesquels Jean-Louis Touraine rapporteur du projet de loi bioéthique la défende. Selon eux, il serait illogique que l’extension de la PMA aux femmes seules ne soit pas suivie par une disposition permettant à une veuve d’utiliser le sperme congelé de son conjoint mort ou de se faire implanter un embryon conçu avec les gamètes du couple. Agnès Buzyn s’y est opposée, redoutant « une forme de transfert de l’image paternelle vers l’enfant ». Lors de la séance publique, Nicole Belloubet a ajouté : « Au-delà des raisons éthiques forcément premières, la grande complexité juridique résultant du traitement des successions est venu à l’appui de la décision de ne pas inscrire la PMA post-mortem dans le projet de loi. »

Enfin, l’ouverture de la PMA aux hommes trans compte au rang des points épineux de la PMA pour toutes dans la loi de bioéthique. « Rappelons que les hommes trans en couple hétérosexuel avec une femme cisgenre accèdent à la PMA depuis les années 1980. Rappelons aussi que ces mêmes hommes trans, s’ils renoncent à changer la mention de leur sexe à l’état civil, auront accès à la PMA au regard de la loi. En refusant d’ouvrir l’AMP à toutes les personnes en capacité de porter un enfant et en refusant d’adapter le droit de la filiation, la loi risque donc de consacrer une double différence de traitement, en raison du sexe à l’état civil, et en raison de l’orientation sexuelle ! », ont souligné les associations LGBT et le Planning familial, dans un communiqué de presse commun. En commission, l’amendement qui visait à permettre la PMA pour les hommes trans a été rejeté mais le sujet devrait ressurgir dans l’hémicycle.

Six ans après les débats enflammés sur le mariage pour tous, la première grande réforme sociétale du quinquennat Macron provoquera-t-elle des débats aussi vifs au sein de l’hémicycle et en dehors ? Les parlementaires débattront ces trois prochaines semaines avant un vote solennel prévu le 15 octobre. La Manif pour tous et une vingtaine d’associations organiseront une manifestation de protestation le 6 octobre.

GPA : la question du statut de la « mère d’intention »

La Cour de cassation a réexaminé, le 20 septembre, la requête des époux Mennesson qui demandent la reconnaissance du lien de filiation avec leurs jumelles, Fiorella et Valentina, nées en 2000 par gestation pour autrui (GPA) aux Etats-Unis. Aujourd’hui, selon la loi française, la mère est celle qui accouche. La conjointe du père biologique et « mère d’intention » de l’enfant né d’une GPA doit donc faire une demande d’adoption pour se voir reconnue comme la mère à l’état civil. La même logique s’applique pour le « père d’intention » dans le cas d’un couple gay. La Haute Juridiction statuera le 4 octobre. Le gouvernement a indiqué, le 10 septembre, être « suspendu » à la décision à venir de la Cour de cassation pour clarifier, dans une circulaire, l’état du droit pour les enfants nés à l’étranger par GPA.

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