Aujourd’hui, un million de familles perçoivent une pension alimentaire. Parmi elles, environ 30 % sont victimes d’impayés. Le gouvernement a donc décidé d’agir afin de lutter contre leur précarité, alors que 700 000 familles monoparentales vivent sous le seuil de pauvreté. Ainsi, un service public de versement des pensions alimentaires va être proposé à partir de juin 2020 à tous les parents signalant un impayé de pension et à ceux officialisant leur séparation à partir de cette date. Il sera ensuite élargi, à partir de janvier 2021, à toutes les familles, y compris celles séparées depuis longtemps si elles en font la demande.
Annoncé le 19 septembre, ce dispositif sera un intermédiaire entre les deux parents séparés à la demande de l’un des deux, sans nécessiter l’accord de l’autre. Il va se substituer à l’Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (Aripa) existant depuis 2017 – un organisme très mal connu, qui n’intervient que sur le recouvrement des impayés passés et non sur la prévention de ce risque, contrairement à ce futur service public de prélèvement des pensions alimentaires. Géré par les caisses d’allocations familiales (CAF), ce dispositif permettra de prélever le versement des pensions alimentaires auprès du débiteur (sur les salaires, les comptes bancaires ou les allocations sociales) pour les reverser au parent créancier concerné. Sa mise en place ne nécessite donc pas un passif d’impayé.
Ce dispositif doit fournir une protection durable aux familles qui sont ou pourraient être victimes d’un impayé et permettre à tous les parents qui le souhaitent de se « débarrasser » du souci du paiement de la pension. En cas de constat d’un impayé, censé être immédiat avec ce nouveau service, outre la mise en œuvre d’une procédure de recouvrement à l’encontre du débiteur, la CAF versera automatiquement au parent créancier, s’il est isolé, l’allocation de soutien familial (ASF), d’un montant mensuel de 115,64 € par enfant.
Ce service public de versement des pensions alimentaires est présenté par le gouvernement comme une « révolution ». Une analyse qui n’est pas partagée par certains militants, tels ceux du collectif Abandon de famille – Tolérance zéro. Une de ses cofondatrices, Stéphanie Lamy, ne cache pas sa déception : « Nous aimerions y voir une avancée, mais c’est seulement un remaniement administratif, une cuisine interne. » Et de rappeler : « Le juge peut déjà statuer le versement de la pension via la CAF depuis 2018 en cas de violence conjugale. »
Ce collectif de victimes de violences économiques, dont la plus courante est le refus du règlement des pensions alimentaires pour les enfants, conteste l’argument selon lequel le versement de l’allocation de soutien familial en cas d’impayé serait une avancée. Le premier bémol vient du fait que cette allocation serait versée seulement aux femmes qui restent seules avec leurs enfants. « Cela signifie donc que ces femmes sont soit sous la tutelle d’une administration d’Etat, soit sous celle d’un compagnon », tonne Stéphanie Lamy. Pour ce collectif, il s’agit de garantir le droit économique des enfants, qui repose sur les montants stipulés dans le jugement de séparation et non sur la situation maritale de la mère. Pour rappel, le montant mensuel moyen des pensions alimentaires est de 170 € alors que celui de l’ASF est de 115,64 €, et le différentiel ne sera pas compensé par la CAF. De plus, le fait que ce dispositif ne soit pas automatique pose également problème au collectif Abandon de famille – Tolérance zéro. Cette option n’a pas été retenue par le gouvernement, qui dit toutefois ne pas l’exclure pour l’avenir.
En attendant, l’objectif affiché pour ce service public de versement des pensions alimentaires est de parvenir à toucher au moins 100 000 familles entre juin 2020 et mai 2021, alors que plus de 300 000 familles sont victimes d’impayés aujourd’hui.