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« Le rapport ne revient pas suffisamment sur la conditionnalité »

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Rendu le 3 septembre dernier, le rapport de la députée Brigitte Bourguignon sur l’accompagnement des jeunes majeurs a pour ambition d’améliorer sa proposition, très critiquée, de projet de loi. Mais ses conclusions sont jugées insatisfaisantes par le collectif Cause majeur !. Explications d’Hervé Laud, directeur de la prospective et du plaidoyer à SOS Villages d’enfants.
Les recommandations de la mission de Brigitte Bourguignon apportent-elles des améliorations à sa PPL, tant décriée pour son article 1er ?

Je rappelle que, pour Cause majeur !, c’est bien parce qu’« ils éprouvent des difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou de soutien familial suffisant », comme le stipule l’article L 222.5 du code de l’action sociale et des familles, que la poursuite de l’accompagnement est légitime.

C’est la raison d’être de la protection de l’enfance pour ces jeunes quand ils sont mineurs, et cela le reste quand ils deviennent majeurs. Et c’est bien à ce titre qu’ils ont souvent besoin de la poursuite d’un accompagnement de l’aide sociale à l’enfance, le temps de construire une inclusion pleine et entière. Nous avons d’abord été ravis de constater la disparition de la condition d’une durée de prise en charge de dix-huit mois entre 16 et 18 ans. C’est une demande qui a été entendue et reprise dans ce rapport. Le problème est que le rapport propose de remplacer une conditionnalité par une autre, celle d’être en possession d’un titre de séjour valable avant 18 ans. Cause majeur ! défend l’inconditionnalité, donc, pour nous, le compte n’y est pas !

Cette conditionnalité concerne uniquement les mineurs non accompagnés. Est-ce réaliste ?

Ce n’est pas réalisable, et donc pas acceptable. En effet, il est extrêmement difficile d’obtenir un titre de séjour avant 18 ans. Le temps de réunir toutes les pièces demandées, de déposer la demande et que celle-ci soit instruite peut prendre six à dix-huit mois de traitement. De plus, aujourd’hui, il est encore très difficile d’obtenir des récépissés de demande auprès de certaines préfectures et sous-préfectures. Une avancée consisterait en une accélération du traitement des dossiers des jeunes accompagnés au titre de la protection de l’enfance ainsi qu’en une garantie de protection le temps de la réponse et du recours éventuel. Il faut des arbitrages favorables dans ce sens au ministère de l’Intérieur, car c’est un point de blocage évident. En attendant, il est très improbable, au rythme où vont les choses aujourd’hui, que ces jeunes MNA aient à leur majorité un titre de séjour. Il faut donc poursuivre notre mission de protection.

Pour les MNA qui n’auraient pas leur titre de séjour, Brigitte Bourguignon dit qu’ils n’auront certes pas accès au contrat d’accès à l’autonomie(1), mais qu’ils pourront toujours bénéficier d’un contrat jeune majeur. Cette réponse vous satisfait-elle ?

Nous sommes très circonspects sur le fait que les départements appréhendent le contrat jeune majeur comme une alternative lors d’un refus d’un contrat d’accès à l’autonomie en raison de l’absence d’un titre de séjour valable. Le signal envoyé est fort et il fait primer la situation administrative sur le besoin d’accompagnement, nous le déplorons. Par ailleurs, notre collectif plaide pour qu’il n’y ait pas cette notion de contrat, la dimension pédagogique éducative et les engagements mutuels s’entendent dans la poursuite d’un accompagnement. La notion de « contrat jeune majeur » est d’ailleurs un abus de langage qu’on a tous pris la fâcheuse habitude d’utiliser. A ce jour, il n’y a pas de dimension contractuelle. Nous sommes donc favorables à une poursuite des accompagnements quand ils sont nécessaires au vu des besoins de suppléance familiale des jeunes, plutôt qu’à la notion de contrat.

Si vous faites abstraction de cette conditionnalité introduite dans l’article 1er, cette PPL avec ce contrat d’accès à l’autonomie rendrait obligatoire l’accompagnement des jeunes majeurs. Est-ce que cela constituerait une avancée ?

Effectivement, il y a de nombreuses propositions dans ce rapport qui pourraient constituer des avancées si elles se mettent en place de façon homogène dans l’ensemble des départements et sans conditionnalité. Notre collectif Cause majeur ! n’est pas dans une posture critique et restera très vigilant quant aux suites réservées au rapport comme à la PPL, en continuant d’alimenter le débat public. Nous avons fait de nombreuses propositions, notamment celle d’un projet personnalisé d’accompagnement vers l’âge adulte (dans la continuité du PPE établi durant la minorité). Pour nous, la poursuite de l’accompagnement jeune majeur, c’est d’abord de l’accompagnement ! Ainsi le projet d’accompagnement vers l’âge adulte est un socle qui doit intégrer six thématiques : l’accès à un logement stable, la construction sereine d’un parcours professionnel avec une orientation scolaire choisie, l’accès effectif à la santé et aux soins, l’accès aux droits et aux ressources, l’accès à la culture et aux loisirs, et le maintien du lien avec le professionnel.

Les origines du collectif

Créé le 26 mars dernier, le collectif Cause majeur ! regroupe plus de 15 associations et personnalités qualifiées afin de soutenir la cause des jeunes majeurs sortant de l’aide sociale à l’enfance. Il a ainsi pour objectif de veiller, à moyen et long termes, à ce que la question de l’inclusion de ces jeunes dans la société devienne un axe central des politiques publiques et que les annonces politiques en faveur des jeunes majeurs soient véritablement mises en place. Parmi ses membres, on retrouve l’Uniopps, la Cnape, la Fédération des acteurs de la solidarité, l’ANPF, SOS Villages d’enfants…

Notes

(1) Voir ASH n° 3124 du 6-09-19, p. 16.

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