La protection de la santé et de la sécurité des salariés dans l’entreprise ou l’association doit être une préoccupation centrale de l’employeur afin d’éviter la réalisation de risques d’origine professionnelle. Il est ainsi indispensable pour chaque structure de fixer une démarche de prévention organisée et d’évaluer régulièrement l’efficacité des actions mises en place.
L’accident du travail est défini par le code de la sécurité sociale qui pose une présomption. En pratique, il s’agit surtout de déterminer, par cette présomption, l’imputabilité de l’accident au travail et l’imputation des règles protectrices des dispositions légales afférentes.
Ainsi, l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale précise que l’accident qui est survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs est présumé relever de la qualification d’accident du travail. A défaut, il appartient au salarié de démontrer le lien entre l’accident et son emploi.
La jurisprudence a déterminé trois critères qui permettent de caractériser un accident du travail et de le distinguer par ailleurs de la maladie :
• l’existence d’un fait accidentel ;
• une lésion d’origine physique ou psychique ;
• un accident se produisant à l’occasion du travail lorsque la victime était sous la subordination juridique de son employeur.
La caractérisation d’un fait accidentel permet de distinguer l’accident du travail de la maladie professionnelle. La Cour de cassation considère à ce titre qu’il existe un accident du travail lorsque la lésion apparaît de manière soudaine ou encore lorsque le fait générateur est localisable dans le temps et dans l’espace. Il s’agirait par exemple d’une vaccination déclenchant par la suite une pathologie.
La question relative à l’imputabilité au travail et à l’exigence d’un lien de causalité est plus sensible.
C’est le critère d’autorité ou de l’existence d’un lien de subordination qui devra permettre de distinguer un accident du travail d’un accident de trajet ou encore d’un accident de droit commun. Dès lors que le salarié est soumis à l’autorité de son employeur, l’accident peut être qualifié d’origine professionnelle (voir notamment Cass. civ. 2e, 2 novembre 2004, n° 02-31098).
On relèvera à ce titre que le fait que le contrat de travail ait été suspendu n’exclut donc pas nécessairement la qualification d’accident du travail. En effet, si le salarié est en mesure de démontrer qu’il était sous l’autorité de son employeur au moment de l’accident, la qualification d’origine professionnelle ne pourra pas être écartée. A titre d’exemple, un salarié qui, à la demande de son employeur et pendant son arrêt de travail, viendrait dans les locaux afin de remettre son double des clés du domicile des bénéficiaires ou des clients chez lesquels il intervient habituellement et qui ferait une chute dans les locaux de l’entreprise obtiendrait la qualification d’un accident du travail. Si l’accident n’a pas lieu au temps de travail, il intervient en lien avec l’emploi et sur le lieu de travail.
L’accident peut également être considéré comme relevant de la législation professionnelle lorsqu’il est survenu en dehors du temps de travail mais conserve un lien avec l’activité professionnelle. Il ne faut donc pas considérer que la qualification d’accident du travail est limitée à celui qui se déroulerait pendant la durée du travail fixée au contrat. Ainsi, le salarié qui arrive sur son lieu de travail en avance avec l’accord ou simplement lorsque l’employeur en est informé mais ne s’y est pas opposé, pourra bénéficier en cas d’accident, de la qualification d’accident du travail.
A l’inverse, le retard du salarié sur son horaire normal de cessation de travail n’empêche également pas la qualification lorsque le départ est toujours lié à son emploi comme, à titre d’exemple, le changement de sa tenue de travail.
La présomption d’imputabilité au travail est également applicable sous conditions pendant les périodes de repas. Cependant, il conviendra alors de rechercher si le salarié, d’une part, a quitté son poste et, d’autre part, si la restauration est liée aux fonctions du salarié.
A ce titre, on pourra penser notamment aux éducateurs spécialisés qui peuvent être amenés à partager leur repas avec les enfants dont ils ont la charge : le repas entre alors dans les fonctions du salarié qui demeure soumis à l’autorité de son employeur.
La notion de lieu de travail ne se limite pas aux locaux de l’employeur comme les bureaux ou le siège administratif. En réalité, la jurisprudence a eu l’occasion de préciser à de nombreuses reprises que les dépendances de l’entreprise comme tous les lieux où l’employeur exerce son contrôle et sa surveillance doivent être considérés comme des lieux de travail (jurisprudence constante depuis Cass. soc., 9 novembre 1960 ; voir également Cass. soc., 22 novembre 1978, n° 77-15309).
Dans le cadre du secteur de l’aide à domicile et du service à la personne, les lieux de travail des intervenants sont habituellement le domicile de particuliers. Ainsi, en pratique, les salariés n’effectuent pas leurs prestations de travail dans les locaux de l’employeur à proprement parler mais la qualification d’accident du travail pourra valablement être retenue dans la mesure où le domicile privé des bénéficiaires ou clients est le lieu de travail de ces derniers.
A noter : La question de la protection des salariés dans l’exercice d’un mandat de représentant du personnel a posé des difficultés. Doit-on considérer que le salarié peut bénéficier de la protection relative aux accidents du travail et à la maladie professionnelle alors qu’il n’exerce pas son activité habituelle mais bien une activité de représentation des salariés ? La jurisprudence a retenu en premier lieu que le mandat était bien lié à l’activité du salarié dans l’entreprise ou l’association. En effet, l’activité exercée par le titulaire d’un mandat représentatif demeure liée à l’existence d’un contrat de travail entre l’employeur et le salarié. Ainsi, dès lors que l’accident survient dans l’enceinte de l’entreprise à l’occasion de l’exercice du mandat, le salarié peut prétendre à la qualification de l’accident du travail. Par ailleurs, on pouvait s’interroger sur l’exercice du mandat pendant un arrêt de travail. Au regard du droit du travail, la maladie suspend le contrat mais pas le mandat. En revanche, au regard du droit de la sécurité sociale, le salarié a l’obligation de respecter les prescriptions du médecin traitant et notamment les horaires de sortie fixés et les activités autorisées. L’exercice du mandat doit donc, en matière de sécurité sociale, bénéficier d’une autorisation par le médecin traitant si le salarié veut prétendre à une protection tant dans le versement des indemnités journalières que dans l’exercice de son mandat. La qualification d’accident du travail ne pourra en conséquence être retenue que lorsque le salarié aura informé son médecin traitant de l’existence du mandat et sollicité son autorisation (Cass. chambre mixte, 21 mars 2014, nos 12-20002 et 12-20003).
La distinction entre un accident de trajet et un accident de travail est essentielle pour l’employeur au regard du droit de la sécurité sociale. En effet, le salarié bénéficiera d’une indemnisation relevant au regard du droit de la sécurité sociale des risques professionnels. Le calcul de l’indemnité journalière est effectué comme celui d’un accident du travail.
En revanche, en matière de droit du travail, la qualification d’accident de trajet permet à l’employeur de demeurer dans le cadre de la législation classique moins protectrice pour les salariés. Ainsi, pendant la suspension du contrat de travail, la motivation d’un licenciement n’est pas restreinte à la détermination d’une faute grave ou lourde de l’intéressé ou de l’impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif non lié à l’accident (code du travail [C. trav.], art. L. 1226-9). L’employeur demeure libre d’invoquer toute motivation comme la nécessité de remplacer définitivement le salarié absent en raison des perturbations dans le fonctionnement de l’entreprise ou de l’association, ce qui serait exclu en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle.
A l’issue de la suspension du contrat de travail, la procédure d’inaptitude sera celle du droit commun et le montant de l’indemnisation celui du licenciement classique.
Le code de la sécurité sociale fixe une première définition de l’accident de trajet en son article L. 411-2. Il s’agit de l’accident survenu à un travailleur pendant le trajet d’aller ou de retour entre :
• sa résidence principale ou secondaire présentant un caractère de stabilité ou tout autre lieu où le travailleur se rend de façon habituelle pour des motifs d’ordre familial et le lieu de travail ;
• le lieu de travail et le lieu de restauration intégrant les restaurants, une cantine, ou le lieu où le salarié prend habituellement ses repas.
La question du trajet effectué par le salarié pour se rendre de son domicile au lieu de travail et des détours effectués a été soulevée à plusieurs reprises devant la Cour de cassation. Le code de la sécurité sociale précise dorénavant que le travail peut ne pas concerner le trajet le plus direct lorsque le détour est effectué dans le cadre d’un covoiturage régulier. De la même manière, le détour ou l’interruption pour un motif inhérent aux nécessités essentielles de la vie courante permet à la qualification d’accident de trajet de persister.
Afin que le trajet soit protégé, il est nécessaire de répondre aux conditions précitées. Cela signifie que tout accident survenu pendant la période d’interruption d’un trajet ne doit pas être considéré comme un accident de trajet. Dès lors, le détour effectué par le salarié pour se rendre à la banque à titre d’exemple est protégé par le code de la sécurité sociale mais si l’accident survient alors que le salarié avait quitté son véhicule et se trouvait à l’intérieur des locaux, l’accident devient alors un accident de droit commun. Le détour sera considéré comme dicté par les nécessités essentielles de la vie courante notamment lorsque le salarié l’effectue afin de déposer des enfants à l’école ou son conjoint sur son lieu de travail (voir notamment Cass. soc., 16 mars 1995, n° 92-21324).
A noter : Le début du trajet qui bénéficie de la protection légale est lié au fait que le salarié ait quitté son domicile. Ainsi, si l’accident a lieu dans la cour de la maison appartenant au salarié, l’accident doit être qualifié d’accident de droit commun. En revanche, si cet accident se déroule dans le hall de l’immeuble du domicile, le salarié se situe en dehors de la sphère privée et bénéficiera donc de la qualification d’accident de trajet.
La mission est habituellement définie comme un déplacement occasionnel sur ordre et pour le compte de l’employeur. En principe, il doit donc s’agir d’une activité ponctuelle et occasionnelle. Cependant, la Cour de cassation a, au fil des ans, développé une jurisprudence visant à élargir le cadre de la mission. En effet, la définition d’une mission permet aux salariés d’obtenir la reconnaissance d’un accident du travail que les faits se déroulent pendant les trajets, dans le cadre du travail, mais également dans les actes de la vie courante. La caisse comme les juges assimilent à des salariés en mission, les déplacements habituels inhérents à certaines professions comme dans le cadre des salariés qui se rendent sur des chantiers de manière régulière.
Attention : Il ne s’agira cependant pas d’intégrer à la définition de la mission les salariés intervenant au domicile de clients ou bénéficiaires successifs au fil de la journée. La qualification de la mission sera réservée à un salarié envoyé sur un chantier mais ne pourra pas être utilisée pour les missions successives confiées aux intervenants à domicile.
Afin de contester le caractère d’accident de mission, l’employeur comme la caisse devront rapporter la preuve que le salarié avait interrompu cette dernière pour un motif personnel.
Ainsi, la Cour de cassation rappelle : « Le salarié effectuant une mission a droit à la protection prévue par l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale pendant tout le temps de la mission qu’il accomplit pour son employeur, peu important que l’accident survienne à l’occasion d’un acte professionnel ou d’un acte de la vie courante, sauf la possibilité pour l’employeur ou la caisse de rapporter la preuve que le salarié avait interrompu sa mission pour un motif personnel » (Cass. soc., 19 juillet 2001, nos 99-21536 et 99-20603).
La notion d’interruption de la mission pour un motif personnel est largement discutée en jurisprudence et les juridictions tendent à considérer dans la mesure du possible que l’accident relève de la mission afin que le salarié bénéficie de la qualification d’accident du travail et de la protection afférente. Il appartient en toute hypothèse à l’employeur de rapporter la preuve que le salarié a interrompu sa mission pour un motif d’ordre personnel. La Cour de cassation a poussé le raisonnement juridique jusqu’à l’extrême et a pu à titre d’exemple estimer que l’accident survenu alors qu’un salarié était en déplacement en Chine pour le compte de son employeur relevait de la qualification d’accident du travail dès lors que l’entreprise ne rapportait pas la preuve que son employé avait interrompu sa mission pour un motif personnel lors de la survenance de l’accident. Il s’agissait ici d’un accident survenu à 3 heures du matin dans une discothèque en Chine et pour lequel lors de la déclaration d’accident du travail, l’employeur avait émis des réserves quant à son caractère professionnel.
La Cour de cassation a pu décider que, si la présence du salarié dans une discothèque et l’action de danser n’étaient pas des actes professionnels, il appartenait toujours à l’employeur de démontrer que le salarié se trouvait dans l’établissement pour un motif personnel et que la seule présence du salarié ne pouvait pas suffire à démontrer qu’il n’existait aucun lien entre l’activité professionnelle du salarié et les besoins de sa mission. La Cour de cassation rappelait à ce titre que rien ne permettait d’exclure que le salarié « […] se serait rendu en discothèque pour les besoins de sa mission en Chine, que sa présence en ce lieu aurait eu pour but, par exemple, d’accompagner des clients ou collaborateurs, ou de répondre à une invitation dans le cadre de sa mission ; que ni l’intéressé, ni le témoin mentionné sur la déclaration d’accident, ni les personnes susceptibles de donner des informations à ce sujet n’ont été interrogés et que l’indication dans le courrier de réserves que M. Z… se serait rendu en discothèque “de sa propre initiative” ne résulte que d’une simple affirmation de l’employeur ; […] que l’employeur ne rapportait pas la preuve que le salarié avait interrompu sa mission pour un motif personnel lors de la survenance de l’accident litigieux, ce dont il résultait que celui-ci bénéficiait de la présomption d’imputabilité au travail, la cour d’appel en a exactement déduit qu’il devait être pris en charge au titre de la législation professionnelle […] » (Cass. soc., 12 octobre 2017, n° 16-22481).
L’accident qui aurait lieu pendant le déroulement d’une formation peut valablement être qualifié d’accident de mission dès lors qu’il survient sur le lieu de la formation qui se déroule chez un prestataire extérieur mais également sur le trajet aller ou retour entre le domicile et le lieu de la formation dès lors que ce lieu n’est pas le lieu habituel de travail. Le salarié bénéficiera alors de la protection relative aux accidents du travail tant au regard du droit de la sécurité sociale que du droit du travail (voir notamment Cass. civ. 2e, 16 septembre 2003, n° 02-30396).
De nouveau, il appartiendrait à l’employeur ou à la caisse de rapporter la preuve que le salarié avait interrompu la formation pour un motif d’ordre purement personnel pour exclure la qualité d’accident de mission.
La reconnaissance d’une maladie n’est pas soumise à la même procédure que celle des accidents du travail, de trajet ou de mission. En effet, dans cette situation, il appartient habituellement au salarié de se charger des formalités. Le certificat médical initial est établi par le médecin traitant et l’un des exemplaires est adressé par le salarié à son employeur.
Une maladie peut être reconnue comme étant d’origine professionnelle dès lors qu’elle remplit soit les conditions d’un des tableaux fixés par le code de la sécurité sociale, soit lorsqu’elle est liée au travail de la victime sous conditions (code de la sécurité sociale [CSS], art. L. 461-1).
Les tableaux figurant en annexe du code de la sécurité sociale comprennent trois conditions cumulatives afin de permettre la prise en charge :
• l’inscription de la maladie sur l’un des tableaux ;
• une durée d’exposition au risque intégrant une liste de travaux indicative ou limitative ;
• la constatation par un médecin dans un certain délai après la fin d’exposition aux risques.
A noter : Le salarié bénéficie d’une présomption simple d’imputabilité au travail et il sera donc toujours possible à l’employeur ou à la caisse primaire d’assurance maladie de rapporter la preuve contraire c’est-à-dire d’établir l’absence de relation entre l’état de santé de l’intéressé et le risque considéré par le tableau.
Si la maladie est bien inscrite dans l’un des tableaux de maladies professionnelles mais qu’une ou plusieurs conditions ne sont pas remplies, il appartiendra au salarié de rapporter la preuve que la maladie est directement causée par son travail habituel (une procédure spécifique dérogatoire est alors prévue et la caisse devra saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) (voir notamment Cass. civ. 2e, 21 septembre 2017, n° 16-18088).
La maladie peut également être reconnue comme étant d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement et essentiellement causée par le travail habituel de la victime. De surcroît, la maladie devra avoir entraîné le décès de la victime ou un taux d’incapacité permanente d’au moins 25 %. La saisine d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles sera également obligatoire afin de respecter la procédure.
La volonté d’introduire le burn-out dans le cadre des tableaux de maladies professionnelles a fait l’objet de nombreux débats car le burn-out connaît de réelles difficultés de prise en charge au titre de la législation professionnelle. En effet, la maladie n’étant pas intégrée à un tableau, il appartient au salarié d’établir qu’elle est essentiellement et directement causée par son travail mais également de justifier d’un taux d’incapacité permanente d’un minimum de 25 %. Or, la fixation d’un taux de 25 % pour une maladie d’origine psychique était régulièrement exclue en pratique. De surcroît, la consolidation de l’état de la victime n’est souvent pas encore intervenue au moment de la demande de reconnaissance de maladies professionnelles.
En réponse à cette problématique, la commission des affaires sociales avait conclu à la nécessité d’expérimenter la fixation d’un taux d’incapacité permanente à 10 % voire de supprimer le taux minimal d’incapacité nécessaire à la reconnaissance des pathologies psychiques (rapport d’information déposé par la commission des affaires sociales en conclusion des travaux de la mission d’information relative au syndrome d’épuisement professionnel – ou burn-out –, 15 février 2017).
Cette proposition n’a pas été suivie d’effet et le syndrome d’épuisement professionnel n’a jamais fait l’objet d’une intégration dans les tableaux du code de la sécurité sociale ni d’un abaissement du taux.
En revanche, l’appréciation et la fixation du taux d’incapacité bénéficient dorénavant d’une procédure particulière car le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles a été modifié pour intégrer un praticien hospitalier particulièrement qualifié en matière de pathologie professionnelle (CSS, art. D. 461-27 modifié par le décret n° 2016-756 du 7 juin 2016).
En pratique, cette modification issue de la loi du 17 août 2015 n’a eu qu’un effet très limité sur la facilitation de la reconnaissance desdites maladies.
La difficulté d’atteindre le taux d’incapacité permanente d’au moins 25 % a conduit la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) à conseiller la fixation d’un taux d’incapacité prévisible pour les atteintes non consolidées. La Cour de cassation a également suivi cette pratique permettant de déterminer un taux d’incapacité prévisible alors même que l’état de santé du salarié n’est pas consolidé au moment de l’examen du dossier par le CRRMP (Cass. civ. 2e, 19 janvier 2017, n° 15-26655).
La seconde difficulté de caractérisation de l’existence d’une pathologie d’origine professionnelle est celle de la condition d’établissement d’un lien essentiel et direct avec le travail habituel de la victime. C’est plus précisément la difficulté à rapporter la preuve que la maladie est essentiellement causée par le travail habituel dans la mesure où le syndrome d’épuisement professionnel est régulièrement multifactoriel relevant à la fois de la vie privée du salarié et de la gestion de sa vie professionnelle.
Le rapport de la commission des affaires sociales de février 2017 met en avant le fait que les personnels soignants sont particulièrement touchés par le syndrome d’épuisement professionnel. En effet, les conditions de travail de ce type de salariés engendrent de nombreux facteurs favorisant le burn-out. On évoquera à ce titre un travail dans l’urgence et régulièrement fractionné, un volume horaire important et surtout une implication très forte de ce type de salariés liée aux fonctions de soin et de soutien ou d’aide auprès des patients. Ces difficultés peuvent également être appliquées à l’ensemble des salariés exerçant, au-delà des fonctions des soignants, des prestations d’aide auprès de personnes âgées, ou en situation de handicap. Les facteurs d’épuisement professionnel sont également nombreux notamment pour les assistant(e)s de vie dont les fonctions consistent à accompagner une personne âgée ou handicapée dans la réalisation des tâches quotidiennes voire pour les assistant(e)s de vie niveaux II et III d’accompagner une personne en perte d’autonomie ou dont l’autonomie est altérée (classification convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012 étendue par arrêté du 3 avril 2014). Dans la branche de l’aide à domicile, les professions d’auxiliaire de vie sociale, aide médico-psychologique, aide-soignant, technicien de l’intervention sociale et familiale, ou encore les infirmiers, connaissent des difficultés semblables (convention collective nationale de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile [BAAD] du 21 mai 2010 étendue par arrêté du 23 décembre 2011).
A noter : La convention collective de la branche de l’aide à domicile précitée a intégré des dispositions relatives aux risques psychosociaux afin d’organiser une prévention efficace et fixer une politique globale pour la branche (avenant n° 13-2013 du 25 juin 2013 relatif à la prévention des risques psychosociaux, CCN BAAD précitée).
Tout employeur soumis aux règles du droit privé doit prendre les mesures nécessaires afin d’assurer la sécurité et de protéger la santé des travailleurs de l’établissement. En pratique, l’employeur est assujetti à une obligation que l’on pourra qualifier d’« obligation générale de sécurité ». Il est donc contraint de prendre l’ensemble des mesures qui lui apparaissent indispensables pour assurer la sécurité et protéger la santé physique comme mentale des travailleurs. Les mesures doivent comprendre :
• des actions de prévention des risques professionnels intégrant les facteurs de risques professionnels ;
• des actions d’information et de formation ;
• la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
Le code du travail prévoit également que l’employeur doit veiller à l’adaptation des mesures précitées afin de tenir compte du changement des circonstances et d’améliorer les situations existantes (C. trav., art. L. 4121-1).
Afin de faciliter la mise en œuvre des mesures prévues par le code du travail, une liste de neuf principes généraux de prévention a été dressée par le législateur. L’article L. 4121-2 du code du travail prévoit ainsi les principes généraux de prévention comme étant les suivants :
« 1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, […], ainsi que ceux liés aux agissements sexistes […] ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs. »
Il appartient donc à l’employeur de commencer par évaluer les risques dans l’intégralité des aspects du travail en tenant compte de la nature des activités exercées par la structure et plus précisément par chacun des salariés. A ce titre, l’employeur doit intégrer les résultats de l’évaluation dans un document unique d’évaluation des risques (DUER) (C. trav., art. R. 4121-1 et suivants).
Attention : L’établissement du document unique n’est pas réservé aux structures de grande taille, et le code du travail ne fixe aucun seuil particulier.
Ainsi, le DUER devra en principe être réalisé pour l’ensemble des structures exerçant dans les conditions du droit privé. Il fera également l’objet d’une mise à jour au moins chaque année ou lorsqu’une décision d’aménagement importante modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail intervient ou encore lorsqu’une information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque spécifique au sein d’une unité de travail est recueillie.
La seule concession accordée aux entreprises de moins de 11 salariés est la faculté d’effectuer une mise à jour moins fréquente des documents. Cependant, le code du travail précise que doit alors être garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs ce qui conduit à penser en pratique qu’il sera plus aisé pour ces structures de répondre simplement aux conditions de droit commun.
Attention : Lorsque l’entreprise ou l’association est dotée d’un comité social et économique (CSE) aux pouvoirs étendus (structures employant 50 salariés et plus), le document unique devra être utilisé pour l’établissement du rapport et du programme de prévention des risques professionnels annuels.
Le document unique doit par la suite être affiché dans les locaux de l’entreprise et plus précisément en un lieu accessible et visible. Lorsque l’employeur bénéficie d’un règlement intérieur, l’avis devra être affiché au même endroit.
L’employeur qui n’établit pas de document unique ou ne respecte pas son obligation de mise à jour peut être puni d’une amende d’un montant de 1 500 € doublée en cas de récidive (C. trav., art. R. 4741-1). L’amende pourra valablement être prononcée à l’occasion d’un contrôle par l’inspection du travail dans les locaux de l’entreprise ou de l’association.
En pratique, l’évaluation de l’ensemble des risques doit conduire l’employeur à mettre en place et à appliquer les prescriptions fixées par le document unique.
En fonction du secteur d’activité concerné, certains risques sont identifiés de manière récurrente.
En principe, les services de santé au travail se limitent à un rôle exclusivement préventif. En effet, leurs interventions sont relatives à la prévention et ont pour objectif d’éviter la réalisation ou de diminuer les risques professionnels. Le code du travail met donc à leur charge en premier lieu l’obligation de conduire des actions de santé au travail afin de préserver la santé physique et mentale des travailleurs.
En pratique, les services de santé au travail doivent conseiller les employeurs et les salariés ainsi que les représentants du personnel sur les mesures nécessaires à mettre en place pour :
• éviter les risques professionnels ;
• améliorer les conditions de travail ;
• prévenir le harcèlement sexuel ou moral, la consommation de drogue ou d’alcool sur le lieu de travail ;
• réduire les effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels.
Tout employeur doit donc pouvoir solliciter son service de santé au travail pour recevoir des informations sur les actions menées en matière de prévention applicables à sa structure et au secteur d’activité concerné.
On notera que le code du travail fixe expressément à l’article R. 4624-1 que les actions sur le milieu du travail sont comprises dans la mission des services de santé au travail et concernent notamment la visite des lieux de travail, l’étude des postes en vue d’améliorer les conditions de travail et de les adapter dans certaines situations, l’identification et l’analyse de risques professionnels, l’élaboration et la mise à jour de la fiche de chaque entreprise ou encore la délivrance de conseils en matière d’organisation des secours et des services d’urgence. Ils participent également aux réunions du comité social et économique pour les structures employant 50 salariés et plus.
Une large part de la prévention des risques professionnels doit en conséquence reposer sur les services de santé au travail et plus précisément incomber aux membres de l’équipe pluridisciplinaire de santé au travail. En vue de mettre en place une politique de prévention adaptée, chaque employeur est fondé à interroger les membres de l’équipe de santé au travail dont il dépend.
L’article R. 4624-3 du code du travail précise d’ailleurs que le médecin du travail a libre accès aux lieux de travail et qu’il réalise des visites sur ces derniers de sa propre initiative, à la demande de l’employeur ou du comité social et économique.
Le comité social et économique doit être intégré à la politique de prévention des risques professionnels mise en place par l’employeur quelle que soit la taille de l’entreprise ou de l’association.
Dans les entreprises ou associations d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés, la délégation du personnel a pour mission de promouvoir la santé et la sécurité en vue d’améliorer les conditions de travail (C. trav., art. L. 2312-5 et suivants). A ce titre, elle effectue des enquêtes relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. Le comité social et économique dispose également d’un droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise.
A titre d’exemple, on pourra envisager l’utilisation du droit d’alerte par le CSE lorsqu’il constate que les salariés utilisent des produits ménagers dangereux pour leur santé ou leur sécurité et que l’employeur ne prend pas les mesures de prévention nécessaires. Par ailleurs, le comité peut déposer une plainte ou des observations auprès de l’inspection du travail s’il s’aperçoit que l’employeur n’a pas respecté les règles relatives à la prévention des risques professionnels.
En vue de faciliter l’exercice de leurs missions, les membres du CSE bénéficient par ailleurs d’un droit d’accès à l’ensemble des documents en relation avec l’hygiène et la sécurité au travail dans l’entreprise ou l’association.
A noter : Les compétences et les moyens précités sont également attribués au CSE mis en place dans les entreprises d’au moins 50 salariés.
Dans les entreprises ou association d’au moins 50 salariés, le comité social et économique procède à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les salariés en intégrant les femmes enceintes et les effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels (C. trav., art. L. 2312-9). L’institution contribue également à faciliter l’accès et le maintien des femmes et des personnes handicapées à tous les emplois. Les membres du CSE disposent enfin de la faculté de proposer des actions de prévention en matière de harcèlements moral, sexuel ou d’agissements sexistes.
A noter : Lorsque le CSE, dans le cadre de ses attributions classiques en matière d’hygiène et de sécurité, propose une action en matière de prévention contre le harcèlement moral, sexuel ou les agissements sexistes, l’employeur ne peut opposer de refus qu’après l’avoir motivé.
Par ailleurs, le CSE doit être périodiquement consulté sur la politique sociale de l’entreprise ou de l’association, les conditions de travail et l’emploi (C. trav., art. L. 2312-17). A ce titre, il peut être amené à formuler des avis sur les actions menées par l’employeur en matière de prévention dans le domaine de la santé et de la sécurité.
La délégation du personnel au comité social et économique se fait communiquer en outre au cours des réunions l’ensemble des attestations, consignes, résultats et rapports relatifs aux vérifications et contrôles mis à la charge de l’employeur au titre de la santé et de la sécurité au travail.
Enfin, dans les structures employant plus de 300 salariés ou les établissements comportant une installation nucléaire de base, classés « Seveso » ou lorsque l’inspection du travail l’estime nécessaire, une commission santé, sécurité et conditions de travail est instaurée au sein du comité social et économique (C. trav., art. L. 2315-36 et suivants). Elle est présidée par l’employeur et se compose au minimum de trois personnes dont au moins une représentant le second collège. Les membres sont désignés par le comité parmi ses membres titulaires ou suppléants. La commission exerce, par délégation du CSE, tout ou partie des attributions précitées relatives à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail et son rôle au sein de la structure est renforcé.
L’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), dans un document intitulé « Aide à domicile – Construire ensemble les solutions de prévention », publié sur le site Internet dédié rappelle les principaux risques pour les professionnels de l’aide à domicile :
• accidents et pathologies liées à l’aide au transfert des bénéficiaires et à la manutention des charges ;
• charge émotionnelle liée aux relations avec les bénéficiaires et leur entourage ;
• chutes de plain-pied et de hauteur (sol encombré ou abîmé, espace exigu, éclairage déficient, travail en hauteur sans équipement adapté…) ;
• risques liés aux fréquents déplacements professionnels d’un domicile à l’autre ;
• risques infectieux par contact avec des personnes malades, du linge ou des objets souillés ;
• risques chimiques liés aux produits d’entretien (nettoyage…).
A savoir : Les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) et l’INRS, sur leurs sites Internet dédiés, proposent aux employeurs des documents relatifs aux actions de prévention spécifiques au secteur de l’aide à domicile. Les structures peuvent également prendre contact avec leur Carsat afin de mettre en œuvre une politique de prévention adaptée et d’obtenir d’éventuelles aides de leur caisse.
La Caisse nationale de l’assurance maladie, dans une publication de la synthèse pour l’année 2017 de l’activité d’aide à domicile (code NAF 8810A), recense les principales maladies professionnelles :
• affections périarticulaires : 93 % ;
• affections rachis lombaire/manutention charges lourdes : 4 %
• maladies nosocomiales : 1 %.
Ainsi, en 2016, 1 091 maladies professionnelles étaient déclarées pour le tableau 57A afférent aux maladies périarticulaires (fiche statistique Cnam concernant la partie du code NAF relevant des activités de services II, sinistralité 2017).
Les conventions collectives du secteur ont consacré une part importante de leurs développements à la question de la protection de la santé et la sécurité au travail des salariés.
A titre d’exemple, la convention collective nationale des entreprises de services à la personne (CCNESAP) prévoit que l’employeur doit favoriser les formations relatives aux gestes et postures et à l’utilisation de produits toxiques et dangereux afin de limiter la survenue d’accidents de travail et de maladies professionnelles (CCNESAP, partie 2, chapitre 3, section 2, 2).
L’article L. 4122-1 du code du travail précise : « Conformément aux instructions qui lui sont données par l’employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d’en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.
Les instructions de l’employeur précisent, en particulier lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d’utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature des tâches à accomplir. »
Le travailleur bénéficie également d’un droit de retrait (C. trav., art. L. 4131-1) lorsqu’il a un motif raisonnable de penser qu’une situation présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.