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Loi 2005 : où en est Paris ?

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Voirie, stationnement, accès aux établissements recevant du public, aux transports collectifs en site propre, aux véhicules à la demande… Les Actualités sociales hebdomadaires font un point sur l’accessibilité dans la Ville lumière, et sur ses perspectives d’évolution à l’approche des Jeux olympiques et paralympiques.

S’il est déjà parfois difficile de se frayer un chemin dans la capitale pour les valides – d’après une étude d’Ile-de-France « mobilités », 22 % des Franciliens rencontrent une gêne temporaire ponctuelle dans la réalisation de leurs déplacements –l’expérience n’en est que plus éprouvante pour les personnes à mobilité réduite (PMR). A commencer par le gros point noir en la matière, mis en lumière par l’association APF France handicap à la rentrée 2018. Lors d’un « happening », l’association avait recouvert les panneaux extérieurs de plusieurs stations de métro d’un plan détaillant l’accessibilité du réseau. Résultat : une seule ligne, la 14, reliant Olympiades à Saint-Lazare, est accessible (quand les ascenseurs ne sont pas en panne), plus une dizaine de stations sur les 303 que comptent la métropole. 3 % du métro parisien, c’est bien peu au regard d’autres capitales comme Barcelone (82 %) ou Tokyo (88 %). Un retard inexcusable pour Jean-Michel Royère, fondateur de l’association Mobilité réduite : « Le métro de Londres est plus ancien et situé plus en profondeur que le nôtre, pourtant plus de stations sont accessibles. Les excuses techniques pour ne pas le faire chez nous sont donc bidon. » Et si des stations sont empruntables çà et là, cela ne suffit pas à rendre une ligne accessible, rappelle Patrice Tripoteau, directeur général adjoint de l’APF. « Il peut y avoir des ascenseurs mais on ne peut prendre le métro que si l’ensemble de la ligne est accessible, sinon on monte sans pouvoir descendre, explique-t-il. Et même s’il y a un ascenseur au point A et un autre au point B, il faut pour des raisons de sécurité incendie que toute la ligne soit empruntable. Pour les mêmes raisons, il faut que des refuges dédiés aux personnes handicapées soient aménagés. Il y un blocage sous prétexte que cela prend trop de place sur les quais des vieilles lignes »

Ainsi, la mise en accessibilité de certaines lignes – qui pourrait être réalisée à peu de frais, les lignes 2 et 6 comportant déjà des ascenseurs sur une grande partie de leur itinéraire – se heurte à une réglementation spécifique imposant la construction de sas de sécurité dans chaque station aménagée. « Cela conduit au final à mettre les PMR de côté », commente Patrick Lafon, directeur territorial du Grand Paris à APF France Handicap. « Il faut voir comment on peut contourner cette réglementation pour rendre ces lignes immédiatement accessibles et construire ces sas à terme. »

Des obstacles réglementaires

« La RATP ne souhaite pas, pour des raisons de sécurité, que des personnes en situation de handicap empruntent son réseau, avance Pierre Deniziot, délégué spécial au conseil régional d’Ile-de-France, chargé du logement et du handicap. C’est pourquoi en novembre dernier, Valérie Pécresse [présidente du conseil régional d’Ile-de-France] a écrit à Sophie Cluzel [secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées] pour lui demander que l’on évolue sur ce sujet. Les associations savent que l’on ne peut pas rendre accessible 100 % du réseau souterrain, mais il faut permettre l’accès à certaines stations. Si un tiers du réseau est accessible, c’est déjà une avancée importante si l’on sait où rentrer, où sortir et où être en sécurité en cas de problème. » Car si la région a lancé une étude sur la mise en accessibilité de la ligne 6 pour démontrer qu’il est possible de rendre partiellement accessible le réseau à un coût raisonnable, elle estime néanmoins faire face à des impossibilités techniques dans certaines stations de l’hypercentre. Valérie Pécresse avait d’ailleurs évalué à 5 milliards d’euros a minima le montant de l’investissement nécessaire pour rendre accessibles les autres. En ce qui concerne les normes de sécurité et d’évacuation, la mairie de Paris et le conseil régional ont interpellé de concert le gouvernement pour faire évoluer la loi et pouvoir faire déclarer des lignes accessibles. « Nous ne sommes pas entendus pour l’instant », regrette Pierre Deniziot.

Pour le reste des transports collectifs en site propre, « le mouvement est engagé », s’enthousiasme Patrice Tripoteau. « Sur le tramway, il n’y a pas de difficulté particulière. Tous les bus urbains ou interurbains sont accessibles, même s’il peut encore y avoir des problèmes de voiries qui rendent le quai difficilement accessible, comme un trottoir plus haut que la rampe. Sur les TER, il y a une double difficulté : la maintenance des ascenseurs et l’assistance humaine pour descendre du train qui n’est pas toujours disponible si l’on n’a pas réservé. »

Valérie Pécresse, en sa qualité de présidente d’Ile-de-France mobilités (l’autorité organisatrice des transports dans la région), a tenu à afficher son volontarisme en matière de transports en commun en annonçant, début juillet, la mise en accessibilité de 60 % du réseau ferré dans le cadre du plan « Avenir » (métro, train, RER et tramway), soit 639 gares et stations sur 1 065, d’ici à cinq ans. Le schéma directeur d’accessibilité des transports, voté en 2016, prévoit en effet, d’ici à 2024, des travaux sur le réseau ferré et les bus – métro non compris – étalés sur trois tranches de trois ans chacune. L’investissement s’élève à hauteur de 1,4 milliard d’euros, « soit plus de 40 millions d’euros chaque année contre 13 millions d’euros par an sous la mandature précédente », détaille Pierre Deniziot, blâmant au passage ses prédécesseurs pour le retard pris. « Nous voulons que d’ici 2024 l’ensemble des gares et des arrêts de bus, qui représentent plus de 90 % du trafic voyageur quotidien, soient accessibles. Nous en sommes actuellement à mi-chemin, avec 486 lignes de bus accessibles sur l’objectif de 860. Au niveau du réseau ferré, 165 gares sont actuellement accessibles, pour un objectif de 268 en 2024. »

Un engagement qui laisse de marbre Jean-Michel Royère. « Valérie Pécresse enfonce une porte ouverte. Dans cinq ans, c’est en principe l’ensemble du réseau des autorités de transport qui devrait être accessible[1]. Et encore, il suffit qu’une ligne soit accessible à 70 % pour être entièrement considérée comme telle. » « Cet objectif comprend l’intermodalité, à savoir l’utilisation de plusieurs modes de transport pour rendre un trajet accessible, répond Pierre Deniziot. Ce n’est pas une demande ferme d’avoir 100 % d’un réseau accessible. ViaNavigo est dotée d’une fonction pour prévoir ce type de trajet, même si elle doit encore être nourrie en données. » La télé-opérabilité des équipements devrait être intégrée prochainement à l’application pour offrir aux usagers une connaissance en temps réel de leur disponibilité sur le trajet souhaité.

Des ratés ponctuels

Si la machine est lancée, des ratés viennent de temps à autre mettre un grain de sable dans l’engrenage. « En 2018, de nouveaux abribus construits à Paris ont rendu certains arrêts inaccessibles », détaille Patrick Lafon. « Une gare RER construite à Savigny-le-Temple (Seine-et-Marne) n’était pas non plus accessible alors que la ville abrite la MDPH [maison départementale des personnes handicapées]. Les ingénieurs se sont confondus en excuses, mais on a perdu deux ans. » La région assure néanmoins qu’elle porte une attention particulière aux stations construite dans le cadre du métro du Grand Paris, et qu’aucune économie ne sera faite sur le dos de l’accessibilité. Elle compte poursuivre son investissement sur les lignes moins fréquentées après 2024.

Pour les conducteurs à mobilité réduite, le casse-tête se situe du côté des stationnements : personnes détentrices d’une carte d’invalidité verbalisées à tout crin, fausses cartes de stationnement handicap en circulation, ou impossibilité de se voir appliquer les réductions appropriées dans les parkings souterrains sont autant d’entraves à leur libre circulation.

Nicolas Nordman, adjoint à la maire de Paris chargé de toutes les questions relatives aux personnes en situation de handicap et à l’accessibilité, explique les verbalisations indues par la méconnaissance des sociétés prestataires. Un système de référencement a été mis en place en juillet pour parer à ce problème, accompagné d’une meilleure formation des agents. Il se défausse en revanche sur la question des parkings souterrains privés, justifiant « ne pas avoir de moyens d’action » sur les sociétés. Et pour les fausses cartes, le processus de renouvellement est en cours « pour que les cartes soient rendues infalsifiables », de pair avec une répression accrue.

Concernant des établissements recevant du public (ERP), l’accessibilité avance aussi, les autorités étant contraintes par les échéances imposées par les agendas d’accessibilité programmée (Ad’Ap), en fonction de leur catégorie. APF France handicap a pu constater à la veille des élections européennes que tous les bureaux de vote étaient accessibles. La région assure que les 560 lycées d’Ile-de-France le seront aussi d’ici 2024. La ville indique que les mêmes délais seront tenus concernant ses équipements publics, dont la moitié (1 350 sur 2 700) devraient l’être d’ici 2020. « C’est le terme de la loi, d’autant plus que nous allons accueillir les Jeux olympiques (JO) au même moment, indique Nicolas Nordman. Il faut que ce soit un facteur d’accélération. C’est vrai aussi en ce qui concerne la voirie ou l’accès aux sites de compétition. » Une coïncidence dont la région entend également tirer profit pour « mettre la pression à l’ensemble de ses partenaires » et faire accélérer les choses, en parallèle de son action pour les JO (inclusion de bénévoles, renforcement de l’image « handi-accueillante » de la ville…).

Problème : les ERP privés sont loin d’être tous entrés dans la danse. La ville compte sur un effet d’entraînement par l’exemplarité, mais le pari est loin d’être gagné. Si la préfecture n’a pas répondu à nos sollicitations pour obtenir des chiffres précis, Nicolas Nordman admet « un retard vraisemblablement important », et ce malgré l’obligation pour ces structures d’avoir déposé leur Ad’Ap en préfecture au 31 mars.

« Beaucoup de responsables d’établissements voient le côté punitif de la loi, sans voir l’impact social et économique pour leur business », déplore William Atlan, chargé de communication de l’association Jaccede. Avec le programme « Héritage » des JO, la mairie veut créer une dynamique de zone : en identifiant des quartiers 100 % accessibles, elle ambitionne de pousser les commerces et les restaurants à faire de même. Reste à savoir si le registre de l’incitation se révélera plus payant que celui de la sanction.

Les PMR, une catégorie englobante

Sur les 1,3 million de personnes en situation de handicap qui vivent en Ile-de-France, 72 % d’entre elles sont touchées par un handicap moteur, visible ou invisible. Si les utilisateurs de fauteuil roulant – 0,5 % de la population francilienne – sont souvent, dans l’imaginaire collectif, l’archétype de la personne à mobilité réduite, cette notion recouvre bien d’autres réalités. Sont concernés d’autres types de handicap : aveugles et malvoyants, population avec des difficultés mentales, cognitives ou psychiques… Mais pas seulement. Les personnes âgées, en surpoids, malades, avec un bagage lourd, les femmes enceintes figurent aussi dans cette catégorie. En bref, il s’agit de tout individu qui a des difficultés dans ses mouvements et dans ses déplacements de manière permanente ou provisoire.

Notes

(1) Conformément à l’échéance des schémas directeurs d’accessibilité – agendas d’accessibilité programmée (SD’AP), un instrument de politique publique qui impose la mise en accessibilité progressive des réseaux des autorités organisatrices de transport.

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