D’entrée de jeu, l’auteur le spécifie : tous les événements relatés dans son livre sont vrais, seule l’identité des locataires a été changée. Ce qu’il nous propose est un véritable travail sociologique, une enquête sur l’exploitation de la pauvreté urbaine à Milwaukee, la plus grande ville de l’Etat du Wisconsin (Etats-Unis). Durant plusieurs années, il s’est immergé dans la vie quotidienne de huit familles. Tous rêvent que « le loyer tombe du ciel » pour ne pas être expulsés de leur logement. L’histoire commence par Arleen qui, après avoir payé son loyer, n’a plus que 20 dollars en poche pour élever ses deux fils, Jori et Jafaris. « Même dans les quartiers les plus misérables des villes américaines, les expulsions étaient jadis choses rares », note le sociologue. Surtout, les voisins manifestaient pour les empêcher. Aujourd’hui, des brigades ont été créées pour faire exécuter les mandats d’expulsion et de saisie. Des entreprises de déménagement se sont mêmes spécialisées dans ce business de la misère. Un service de tri des locataires s’est aussi mis en place : moyennant finances, il permet aux propriétaires de sélectionner les bons payeurs et d’évacuer les autres. Des pratiques auxquelles les pauvres ont fini par s’habituer, tout comme « aux coups dans la porte dès l’aube et à leurs effets sur le trottoir ». S’il y a tant d’expulsions, c’est que les revenus des ménages stagnent, voire baissent, et que les loyers flambent. Dans le Wisconsin, un quart des locataires pauvres consacrent plus de 70 % de leurs revenus au logement et à l’électricité. A Milwaukee, sur 105 000 ménages locataires, 16 000 sont mis à la porte de chez eux tous les ans, soit 16 familles expulsées par jour. Mais si on comptabilise les expulsions « illégales » (démontage de la porte d’entrée par les propriétaires, versement de quelques dollars de la main à la main aux locataires pour qu’ils s’en aillent d’eux-mêmes…), c’est un locataire sur huit qui est contraint de déménager… Un phénomène général aux Etats-Unis…
« Avis d’expulsion » – Matthew Desmond – Lux Editeur, 23 €.