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« Une mise en examen peut déjà être considérée comme une sanction »

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Il aime son métier, c’est évident. Educateur d’une quarantaine d’années à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) dans le Loiret, Stéphane (le prénom a été changé) nous livre ici son expérience personnelle. Comme il nous l’a répété, elle n’est pas forcément représentative de l’ensemble des travailleurs de ce service public. Cependant, son témoignage permet d’apporter un éclairage moins institutionnel. Paroles sans filtre.
Comment ça se passe sur le terrain ?

Je voudrais d’abord rappeler que la vérité d’une juridiction n’est pas forcément la même ailleurs. Donc ce que je vais dire n’engage que moi. Ici, on est très tributaires des politiques du parquet, des modes du parquet. Une fois, ça a été les mesures de réparation [mesures de réparation pénales, NDLR], on en a eu pendant plusieurs mois, beaucoup. Puis la mode est passée et le parquet a trouvé autre chose. Ce qui devient inquiétant, c’est que la PJJ n’est plus source de propositions et de solutions. Le parquet dit « je veux » et la PJJ doit suivre ensuite. Ces dernières années, on a vu l’évolution de notre métier, avec une tendance vers de plus en plus de probatoire et moins d’éducatif. Là où on va se sentir réellement frustrés, c’est au niveau territorial. On a le sentiment que les directions territoriales sont totalement déconnectées de notre quotidien et ont comme unique activité la justification de leur existence. Elles sont en décalage complet avec notre public et avec notre pratique.

Que pensez-vous des grandes lignes de la réforme ?

J’ai le sentiment que ce qui va aboutir aujourd’hui, c’est quelque chose de plus expéditif. Le ministère ne cache pas d’ailleurs sa volonté de réduire les délais de jugement. Mais le temps judiciaire n’est pas le temps éducatif. Du point de vue du jeune, ce qui est intéressant, c’est de voir son évolution de la mise en examen jusqu’au jugement. La notion d’« évolution » est aujourd’hui prise en compte dans les jugements rendus. Un jeune très en difficulté au moment de sa mise en examen peut prouver au juge qu’il est prêt à changer, et le juge en tenir compte. Ce temps-là va, semble-t-il, être foncièrement raccourci. Moi je me place du côté de l’auteur puisque je travaille avec lui, et je ne suis pas certain que la sanction immédiate soit plus éducative. Une mise en examen peut déjà être considérée comme une sanction, surtout quand il y a des mesures provisoires.

Combien d’enfants suivez-vous ?

Officiellement, 25. Officieusement, une trentaine. Nous avons des missions non comptabilisées qui viennent s’ajouter. Le chiffre idéal, apparemment, c’est 19. On est loin du compte. Si la réforme de la protection judiciaire de la jeunesse nous permet de suivre moins de jeunes en même temps, tant mieux.

Le manque de moyens est souvent avancé par le monde judiciaire. La PJJ est également concernée ?

Cette question-là est très subjective. Ce que je peux vous dire, c’est que l’on a rongé l’os depuis longtemps. Nous sommes par exemple obligés de nous battre pour avoir un véhicule de service. Une grande victoire récente : on a réussi à obtenir un ordinateur par éducateur. Sur le plan des ressources humaines, il y a une espèce de yo-yo permanent. Entre les ouvertures et les fermetures de poste, les contractuels… on travaille à flux tendu en permanence. Mais, heureusement, je travaille dans une équipe formidable. On a des jeunes collègues qui nous poussent au cul. C’est bien de se faire remuer par des jeunes qui sont plus dynamiques avec plein d’idées. Et puis l’esprit de l’analyse vient avec l’âge. Tout ça, c’est une richesse à la PJJ. Je suis très attaché à cette boîte. Globalement, les gens qui passent le concours ont encore cette appétence, et c’est très positif.

L’administratif, ça vous prend du temps ?

Je suis submergé, c’est un cauchemar. Mon chef me court après sans arrêt pour avoir les rapports… Prenez, par exemple, un jeune qui va avoir cinq mesures. Il va falloir faire un rapport tous les six mois sur chaque mesure de manière séparée. Et puis il y a le recueil de renseignements d’ordre socio-éducatif qui me prend énormément de temps. On a des flots et des flots de demandes juste pour savoir si le jeune peut être éligible à un stage de citoyenneté. Il y a des travaux utiles, essentiels et importants, mais j’ai l’impression de passer plus de temps sur mon ordinateur qu’avec les jeunes…

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