Recevoir la newsletter

Le train de la réforme est en marche

Article réservé aux abonnés

Vendredi dernier, le nouveau code de la justice pénale des mineurs a été publié. Ce code remplace l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante. Au-delà du changement purement sémantique, plusieurs corps professionnels dénoncent l’absence de réelle concertation avec les personnes du terrain.

Pour de nombreuses organisations, c’est une occasion ratée. Vendredi 13 septembre, l’ordonnance instituant le nouveau code de la justice pénale des mineurs a été publiée au Journal officiel. Il y a tout juste un an, la ministre de la Justice annonçait lors de l’examen du projet de loi « justice » que l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante allait être remplacée, « à droit constant », avait-elle affirmé. In fine, dans la loi du 23 mars 2019, le Parlement donne définitivement la possibilité pour le gouvernement de réformer l’ordonnance sur l’enfance délinquante par ordonnance. Une procédure législative d’exception qui permet au pouvoir exécutif de se saisir, provisoirement et pour un sujet bien précis, du pouvoir législatif.

Une concertation ressentie comme minimaliste

« La manière dont la réforme a été annoncée a pris tout le monde par surprise, on se s’y attendait pas du tout », regrette Ophélie Marrel, conseillère juridique du pôle « Etat de droit et liberté » à la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH). Du côté de l’Union syndicale des magistrats (USM), Nina Milesi dit avoir eu le projet de texte « une semaine avant le début des concertations ». Même son de cloche au syndicat de la magistrature : « On a été reçus à notre demande au ministère, explique Sophie Legrand. La première rencontre a eu lieu en février. Après mars, plus rien. On voulait au moins des éléments pour débattre sur une base, mais on n’a rien eu. On a appris les orientations du projet dans la presse. »

Le ministère avait pourtant tenté de sonder les professionnels grâce à un questionnaire. Mais celui-ci est loin d’avoir fait l’unanimité, y compris sur la forme : « On ne sait même pas à qui il a été envoyé, soupire Sophie Legrand. Il était très fermé et orienté. Le ministère n’a eu que 300 réponses. » La direction de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) nous indique de son côté avoir reçu « près de 1 000 contributions » : « L’ensemble des professionnels chargés de la prise en charge et du suivi des mineurs en conflit avec la loi a été consulté, explique la directrice Madeleine Mathieu. Les consultations ont permis de mesurer que l’ensemble des professionnels partage le constat d’une excessive longueur des procédures et de la complexité des textes existants. Le projet de réforme propose ainsi des solutions en révisant la procédure. »

En pleine fin de mandature à l’époque, la CNCDH n’a pas été appelée par le ministère et a finalement dû s’autosaisir. Son avis a été rendu le 9 juillet. « Au niveau sémantique on passe sur un texte qui annonce clairement la couleur du répressif, regrette Ophélie Marrel. On aurait préféré une réforme plus globale des mineurs, avec un code des enfants qui comprendrait le civil, le pénal, l’asile, l’action sociale… » Sophie Legrand renchérit : « Déjà, on parle de mineur et non pas d’enfant, ce qui est important car on visualise moins un mineur qu’un enfant et on a tendance à être plus sévère. » Au Syndicat de la magistrature aussi, on aurait souhaité un code de l’enfance.

Du côté des avocats, le scepticisme s’invite également au débat : « La situation actuelle est bonne, affirme Me Etienne Lesage, avocat au barreau de Paris et responsable du groupe de travail sur les mineurs au Conseil national des barreaux. Depuis le début, la ministre nous dit que la codification se ferait à droit constant ; or, rien qu’à la lecture du code, on voit que le terme de mineur est utilisé, et non plus celui d’enfant. Toutes les mesures portées visent à assurer une répression plus ferme. » L’avocat s’inquiète également quant à la place laissée à la défense dans une procédure que le gouvernement cherche à accélérer.

Le ministère se défend sur l’utilisation du mot « mineur », en arguant que « la notion d’enfance n’était pas assez fiable juridiquement, contrairement à la notion de minorité ». De surcroît, l’article premier de l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante commence par ces mots : « Les mineurs auxquels est imputée une infraction […]. »

Une réforme de la protection judiciaire de la jeunesse à venir

Ce faisant, l’ordonnance pourra être modifiée, sans doute à la marge, au cours de la lecture du projet de loi de ratification qui interviendra, sauf changement de dernière minute, avant la fin de l’année. En attendant, selon un syndicat, le ministère prépare une réforme de la protection judiciaire de la jeunesse. Contacté, le ministère qualifie plus pudiquement cette réforme de « nouveau projet stratégique pluriannuel ». Le comité technique national se réunira le 25 septembre pour donner son avis. Le projet contient des mesures ayant un impact concret sur le travail des éducateurs de la PJJ : formation, réorganisation du travail et rénovation de la gouvernance, d’après le document que nous avons pu nous procurer. Mais là aussi, le manque de concertation avec les professionnels se ressent : « Lundi 16 septembre, nous avons été reçus au ministère par une personne qui n’a pas pu répondre précisément à nos questions », regrette une source syndicale. Le même jour, la ministre de la Justice fera des annonces sur les perspectives offertes par le futur projet de loi de finances. Affaires à suivre.

L’essentiel du nouveau code de justice pénale des mineurs

• Un article préliminaire reprend les principes constitutionnels applicables aux enfants : primauté de l’éducatif, spécialisation des juridictions, atténuation de la responsabilité en fonction de l’âge.

• Le code crée une présomption de non-discernement en dessous de 13 ans. Il s’agit d’une présomption simple : le juge peut prononcer une sanction à l’égard d’un enfant de moins de 13 ans s’il prouve son discernement. Parallèlement, il crée une présomption de discernement à partir de 13 ans. S’il décide de ne pas condamner un mineur de cet âge, le juge devra le motiver. C’est peu ou prou ce qui se fait déjà en pratique.

• Le code met en place une césure entre la décision sur la culpabilité et la décision sur la sanction prononcée. Il crée la procédure de la mise à l’épreuve éducative.

• Une mesure éducative unique est également créée, assortie de modules visant à l’individualiser : placement, insertion, santé ou réparation de l’infraction. La mesure de remise à parents disparaît.

• Le parquet prend la main sur l’initiative de la procédure ainsi que sur la date des audiences.

L’événement

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur