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On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans

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Quand on a treize ans non plus.

A treize ans, je regardais encore Les chevaliers du Zodiaque au Club Dorothée, en cachette de mes copains parce que, j’avoue, j’avais un peu honte, quand même. « Des quatre coins de l’univers quand triomphe le mal… »

A treize ans, je planquais encore un vieux doudou miteux au fond de ma valise quand je partais en voyage scolaire.

A treize ans, j’enviais mon grand frère qui fumait en cachette et pouvait regarder le film du soir jusqu’à la fin avant d’aller se coucher.

A treize ans, j’étais contre la guerre et contre la faim dans le monde, comme tous les gosses de mon âge. « Sans hésiter, ils partent en guerre pour un monde idéal… »

A treize ans, je voulais faire comme les grands mais j’étais encore un enfant.

A treize ans, j’étais trop jeune pour plein de choses et trop vieux pour plein d’autres.

Et puis j’ai grandi. Quatorze, quinze, seize, dix-sept ans. J’ai perdu mon innocence… et mon doudou miteux. J’ai fait quelques conneries aussi. « On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans… »

Je suis devenu un adulte responsable. Educateur de la protection judiciaire de la jeunesse, c’est un truc sérieux. Pas le droit à l’erreur.

J’y ai cru, à mon boulot ! J’en ai vu, des gosses ! Des fragiles qui font les gros durs, des costauds qui planquent leur doudou… Les enfants perdus du pays pas imaginaire, trop vieux d’avoir grandi trop vite. Floyd, Florestan et les autres. Les chevaliers du Zodiaque contre les forces démoniaques… Et moi, Florent, au milieu, qui récitais comme un mantra les doux mots auxquels je croyais : éducation, prévention, insertion. J’y croyais tellement, aux missions de mon métier : accompagner, écouter, comprendre, entendre, temporiser, aider… J’y croyais à fond, parce que j’avais encore le vague espoir que, comme dans les dessins animés de mon enfance, à la fin ce sont les gentils qui gagnent (et qui gardent toujours au fond de leur cœur le courage des vainqueurs).

J’ai vieilli. Je suis un vieil éduc blasé. Je regarde ces minots que j’accompagne, et je ne sais plus comment faire. Période du « non », âge de raison, âge du consentement sexuel, âge du permis, âge du droit de vote, responsabilité pénale, majorité pénale…

Tout se mélange… Je n’y comprends plus rien.

Maintenant, à treize ans, tu es grand. T’as pas encore de poil au menton mais tu es responsable. Tu assumes. Mon métier a changé. Je ne suis plus éducateur spécialisé mais contrôleur judiciaire. Je contrôle, je vérifie, je surveille. Mesures éducatives versus mesures répressives. Je voulais protéger la jeunesse de la société, voilà qu’on me demande de protéger la société de la jeunesse. Alors je me récite un nouveau mantra : adolescence, surveillance, méfiance ! Et demain ? Répression, prison, démission ?

Je suis fatigué. Je voudrais retomber en enfance, me caler devant le Club Dorothée avec mon doudou miteux et me gaver de dessins animés où ce sont les gentils qui gagnent. Mais Ariane est morte et les Musclés sont décimés, les jeunes deviennent vieux et les vieux meurent. Je m’en retourne donc au boulot « En chantant une chanson bien haut, C’est la chanson des héros. »

La minute de Flo

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