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Des objectifs encore loin d’être atteints

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L’exécutif a dressé le bilan de la stratégie pauvreté un an après son lancement à l’occasion d’une grande conférence nationale qui s’est tenue les 12 et 13 septembre. L’heure était à l’évaluation des premières mesures lancées et à la fixation d’un cap pour les mesures à venir. Mais celles-ci se font encore trop attendre ou manquent d’ambition selon les associations.

Un an jour pour jour après le lancement de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté par le président de la République, l’heure était à un premier bilan d’étape. Le 12 et 13 septembre, l’exécutif a organisé sa première conférence nationale des acteurs impliqués dans la mise en œuvre de cette stratégie qui devra se déployer jusqu’en 2022. L’occasion de faire le point sur les avancées mais aussi de dresser les perspectives sur les différents axes de travail retenus pour la stratégie.

L’enjeu est important. Il s’agissait notamment de rassurer le milieu associatif qui avait salué la stratégie à son annonce, mais qui multiplie depuis les alertes sur le sort des personnes précaires. Quelques jours plus tôt, le 9 septembre, elles ont dévoilé leur propre bilan de l’année écoulée et ont fait état de nombreux reculs voire d’une dégradation du niveau de vie des personnes les plus démunies(1). Mais pour les différents membres du gouvernement venus partager le bilan des mesures concernant leur portefeuille ministériel, la phase de démarrage a bien été enclenchée et des avancées sont déjà à mettre en lumière. « On avait donné des objectifs pour 2019 et on s’y tient, on va les atteindre, assure Christelle Dubos, secrétaire d’Etat auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé. On a d’autres objectifs pour 2020 et 2021, on y va par crans. Il faut comprendre pourquoi parfois cela ne va pas assez vite, il faut le temps de trancher avec les départements, le temps qu’on fasse les diagnostics partagés. On était dans une phase de départ et on va aller plus loin. »

Des mesures encore à l’état de projet

Reste que pour l’heure, sur la plupart des axes définis lors du lancement de la stratégie, nombre de mesures sont encore à l’état de projet. En ce qui concerne l’enfance et la jeunesse, les mesures censées briser le cycle de reproduction des inégalités en travaillant le plus en amont possible n’y font pas exception. Si depuis le 1er janvier 2019, les modalités de financement des crèches ont été réformées avec la création d’un « bonus mixité sociale » et d’un « bonus territoires » pour inciter les collectivités et les gestionnaires à davantage de mixité sociale, les créations de places sont encore loin des objectifs fixés par le gouvernement. Sur les 15 000 créations de places de crèches en projet, seules 2 000 places ont effectivement été créées.

En 2019, 160 projets de nouveaux centres sociaux ont été recensés au sein des 300 quartiers prioritaires de la politique de la ville qui n’en bénéficient pas. 300 devraient être construits d’ici 2022. Plus de 200 espaces de rencontres parents-enfants bénéficient d’ores et déjà d’un soutien financier accéléré pour mieux accompagner les familles en rupture. 37 000 enfants dans 400 écoles de neuf académies ont bénéficié de petits déjeuners à l’école dès le dernier trimestre 2018. Le gouvernement prévoit qu’entre 100 000 et 200 000 enfants devraient bientôt pouvoir en bénéficier. Depuis le 1er avril 2019, près de 4 000 communes et intercommunalités rurales fragiles peuvent être soutenues financièrement par l’Etat pour mettre en place une tarification sociale des repas de cantine scolaire.

150 nouveaux points conseil budget (PCB) ont été labellisés ce mois-ci pour aider les familles rencontrant des difficultés financières, 80 000 foyers victimes du surendettement devraient pouvoir en bénéficier. D’ici fin 2020, ce sont au total 400 PCB qui devraient être labellisés sur l’ensemble du territoire pour accompagner 220 000 ménages selon les prévisions du gouvernement.

La démarche de contractualisation entre l’Etat et les départements pour la mise en œuvre de la stratégie a quant à elle porté ses fruits : en septembre 2019, tous les départements sauf deux ont signé les conventions permettant de mobiliser les moyens et de s’engager sur des résultats. Le fonds de contractualisation, d’un montant de 135 millions d’euros en 2019, sera porté à au moins 210 millions d’euros en 2022.

1,7 million d’euros pour l’accompagnement des jeunes de l’ASE

Et pour mettre fin aux sorties sèches des jeunes de l’aide sociale à l’enfance (ASE), les 99 départements signataires des conventions pauvreté se sont engagés à respecter le cadre fixé dans un document de référence rédigé en partie par des jeunes accueillis à l’ASE. Celui-ci porte notamment sur le maintien du lien avec les jeunes, l’insertion professionnelle et sur l’accès à un logement stable, aux droits et à des ressources financières. « Dans le cadre de la stratégie pauvreté, ce sont d’ores et déjà 10 millions d’euros qui ont été engagés avec les départements sur l’accompagnement de ces jeunes majeurs », a soutenu Adrien Taquet, secrétaire d’Etat chargé de la protection de l’enfance, en précisant que le gouvernement n’a pas encore connaissance du nombre de jeunes qui en ont bénéficié. Un premier rapport d’évaluation devrait être rendu par les départements au premier trimestre 2020 pour en connaître les chiffres. 1,7 million d’euros seront également alloués dès la fin 2019 pour accompagner de manière renforcée les jeunes les plus vulnérables vers le logement.

« Cet effort sera accentué dans les prochains mois, a annoncé le secrétaire d’Etat. Nous allons prochainement conclure une convention avec l’Union nationale pour l’habitat des jeunes qui va viser à monter un fonds dit “Coup de pouce” à hauteur de 300 000 € pour favoriser l’accueil des jeunes sortant de l’ASE. C’est un fonds expérimental qui vise à prévenir les difficultés de paiement de ces jeunes et qui va permettre d’encourager la mixité sociale dans les foyers de jeunes travailleurs. »

En ce qui concerne l’insertion professionnelle, là non plus les objectifs n’ont pas encore été atteints. Au 1er juillet, 53 000 personnes sur les 100 000 prévues ont eu accès à l’accompagnement global porté par Pôle emploi. 130 000 jeunes ont été aidés dans leur parcours d’insertion grâce à la garantie jeunes et à l’allocation « parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie » (Pacea). « L’objectif de 200 000 jeunes aidés sera atteint à la fin de l’année », assure Christelle Dubos. Au 1er septembre 2020, l’obligation de formation et d’accompagnement jusqu’à l’âge de 18 ans entrera en vigueur. Des moyens supplémentaires devraient être alloués aux missions locales, avec un objectif affiché de diviser par deux le nombre de jeunes mineurs sortis du système scolaire sans diplôme.

« La mise en place des mesures de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté ne doit pas seulement se poursuivre : elle doit s’accélérer et se diffuser dans tous les territoires », a estimé Christelle Dubos. Les 18 hauts-commissaires à la pauvreté nommés en juillet joueront le rôle de garants auprès des préfets de région de la mise en place des mesures de la stratégie dans les territoires. « Ce sera à eux de mettre la pression », a-t-elle résumé.

Les associations pointent des contradictions

Mais pour les associations, le besoin de changement se fait plus pressant. Ils n’ont pas manqué de pointer les contradictions qui existent entre les différentes politiques de l’Etat. Alors que le plan Logement d’abord se trouve renforcé (voir encadré), le budget alloué au logement reste le premier pôle de réduction des dépenses publiques, notamment grâce à la baisse des aides personnalisées au logement (APL) et des coupes budgétaires sur le logement social. « Ce sont des réponses structurelles de lutte contre la pauvreté qui sont diminuées par l’action du gouvernement », a souligné Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre.

« Ces ménages qui subissent l’augmentation du coût de la vie (essence, électricité, logement dans les métropoles…) sont dans l’angle mort de la stratégie pauvreté », ont estimé les associations dans une tribune publiée le 13 septembre. Elles appellent à la réindexation sur l’inflation des prestations sociales (allocations familiales, APL) et à une politique plus ambitieuse non seulement en matière de logement mais aussi en matière d’hébergement. Autre angle mort de la stratégie pauvreté, les populations migrantes risquent quant à elles d’être encore davantage précarisées à travers l’« Acte 2 » annoncé par Emmanuel Macron, avec notamment la remise en question de l’aide médicale d’Etat.

60 millions d’euros supplémentaires pour le Logement d’abord

Le ministre de la Ville et du Logement était également présent lors de la conférence nationale des acteurs et en a profité pour lancer « l’acte 2 » du plan « Logement d’abord » lancé en septembre 2017. Alors que les objectifs chiffrés par le gouvernement (financement de 40 000 logements très sociaux (PLAI) par an, création sur cinq ans de 40 000 places en intermédiation locative par la mobilisation du parc privé et de 10 000 places en pensions de famille pour les personnes isolées en situation de grande précarité) peinent également à être atteints, Julien de Normandie a annoncé que 35 millions d’euros supplémentaires seront consacrés dans le prochain budget à la création de ces structures. Un fonds national sera doté de 15 millions d’euros pour accompagner les sorties des personnes de la rue vers le logement social. Enfin, les moyens consacrés à la résorption des bidonvilles passeront de 4 millions d’euros en 2019 à 8 millions en 2020. 60 millions d’euros devraient au total s’ajouter au budget prévu pour le Logement d’abord dès 2020.

Notes

(1) Voir ASH n° 3125 du 13-09-19, p. 19.

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