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« Il faut au minimum 1,2 milliard d’euros pour les Ehpad »

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Agnès Buzyn, ministre de la Santé, a beau multiplier les annonces, la grogne de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf) ne diminue pas. Interrogé au lendemain de la présentation du plan de « refondation » des urgences hospitalières, Christophe Prudhomme, son porte-parole, dénonce des investissements en vases communicants, perçus par le mouvement comme un sparadrap sur une plaie béante.
Comment réagissez-vous aux dernières annonces de la ministre ?

En plus d’être insuffisant, c’est de la manipulation de chiffres. Tous les médias ont titré « 750 millions pour les urgences », mais c’est une arnaque ! Son cabinet nous a bien précisé qu’il s’agissait d’une réallocation de crédits qui avaient déjà été annoncés dans le cadre de la stratégie « Ma santé 2022 ». Ce qui est donné d’une main est repris de l’autre. Il est clair que cela ne répond pas à nos revendications concernant les effectifs et les salaires. Agnès Buzyn continue de tourner autour du pot et elle n’est plus légitime, car le problème posé n’est pas que le financement des urgences mais celui de l’ensemble de l’hôpital et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Notre revendication, c’est une augmentation substantielle, de 5 %, de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) hospitalier pour les hôpitaux et les Ehpad. Les parlementaires ont une solution simple, qui consiste à supprimer la taxe sur les salaires, un impôt prélevé sur les hôpitaux et les Ehpad qui représente un peu plus de 4 milliards d’euros. On pourra ensuite discuter réorganisation, mais il y a urgence à répondre à la crise. Les urgences ne sont que le miroir grossissant des dysfonctionnements du système de santé. Il faut qu’un ballon d’oxygène financier soit accordé à ce secteur. Aujourd’hui, on est dans une impasse.

La prise en charge des personnes âgées est-elle un facteur clé de l’engorgement des urgences ?

Oui. Il faut s’adapter aux besoins du XXIe siècle, qui sont ceux de gens polypathologiques vieillissants. Aujourd’hui, la personne âgée qui arrive aux urgences avec un diabète, une insuffisance respiratoire et cardiaque n’est reçue ni par le pneumologue, ni par le cardiologue, ni par le diabétologue. Il faut modifier complètement le système de prise en charge, qui doit être physique, sociale et psychologique, ce qu’un certain nombre de médecins ont oublié.

Pascal Champvert, qui préside l’Association des directeurs au service des personnes âgées, a demandé un plan d’urgence de 40 000 emplois dans les Ehpad. Ici, c’est une simple règle de trois : un poste coûte entre 30 000 et 35 000 €, il faut donc au minimum 1,2 milliard d’euros.

Mettre en place une filière d’admission directe des personnes âgées à l’hôpital sans passer par la case urgences, de la vidéo-assistance entre Ehpad et Samu, des ambulances qui amènent chez un médecin libéral pour les cas les moins graves… Selon vous, est-ce pertinent ?

Je suis médecin dans un Samu. Le nombre d’appels pour une hospitalisation provenant d’un Ehpad dans mon département, le 93, a augmenté de 70 % en cinq ans. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a que des aides-soignants les deux tiers du temps. Il faut des infirmières en permanence et des médecins la journée. Sinon, des personnes qui n’ont rien à faire aux urgences continueront de venir. Dans huit cas sur dix, les résidents n’auraient pas besoin d’être hospitalisés si l’Ehpad disposait du personnel adéquat. Les admissions directes en gériatrie, c’est de la foutaise. Martin Hirsch, le directeur général de l’AP-HP, a fait valider un plan concernant les services de gériatrie qui consiste à fermer 40 % des lits de long séjour et à vendre les Ehpad au privé. C’est scandaleux ! Si on veut déléguer de la prescription par vidéo-assistance, c’est pareil, sans personnel qualifié, on ne peut pas travailler. Je ne peux pas demander à une aide-soignante de poser une perfusion et de prescrire un antibiotique par délégation, cela nécessite la présence d’une infirmière. Les 40 000 emplois réclamés sont indispensables pour avoir les interlocuteurs préalables à l’application de cette mesure. Si le budget que nous réclamons n’est pas voté dans la loi de financement de la sécurité sociale, au mois d’octobre, on sortira des affiches avec la tête des parlementaires de la majorité et le numéro de téléphone de leur permanence pour que les familles qui ont un membre en Ehpad puissent leur poser des questions : « pourquoi je paie 3 000 € pour que mon père ne puisse se doucher que deux fois par mois ? », « pourquoi ma mère a été dirigée vers l’hôpital alors qu’elle aurait pu rester en Ehpad ? »… A six mois des municipales, je pense que cela va créer une certaine émotion.

Quelle est l’ampleur de l’implication des Ehpad dans ce mouvement ?

Aujourd’hui, quelques Ehpad sont en lutte, mais ce n’est pas massif. Le grand mouvement, pour eux, c’était il y a un an et demi. Mais on va tout faire pour qu’il reprenne. On veut étendre le mouvement à l’ensemble des personnels de la santé et du médico-social.

Des annonces peu satisfaisantes

750 millions d’euros… C’est le montant qu’a promis la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, le 9 septembre, en réponse au mouvement de grève débuté il y a six mois et suivi par 250 services d’urgences. Parmi les principales mesures annoncées lors de la présentation de ce « pacte de refondation des urgences » : un nouveau « service d’accès aux soins » pour réguler l’utilisation des numéros d’urgence, la généralisation de parcours dédiés aux personnes âgées pour éviter les urgences, de la vidéo à distance dans les Samu ou encore la nomination de gestionnaires de lits dans les hôpitaux. Des annonces qui n’ont visiblement pas satisfait les principaux intéressés, puisque l’Association des médecins urgentistes de France a annoncé, le 12 septembre, qu’elle rejoignait le mouvement social initié par le Collectif inter-urgences.

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