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« Décentraliser la prise en charge de l’hébergement d’urgence »

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A partir d’une enquête réalisée en 2018 dans six capitales européennes, Julien Damon a comparé la manière dont les campements de migrants sont pris en charge à Paris et dans le reste de l’Europe(1). Pour le sociologue, la France ne doit pas se résoudre à « une banalisation que l’on ne rencontre pas ailleurs ».
Comment expliquer le fait qu’il existe une telle différence de proportion entre les campements observés à Paris et ceux des autres métropoles européennes ?

A la différence d’autres pays – par exemple, de l’Allemagne à partir de 2015 –, la France n’a pas suffisamment investi pour une prise en charge adaptée de la demande d’asile. On voit dans les campements des personnes qui ne devraient pas s’y trouver, notamment des demandeurs d’asile et des réfugiés. Or on a des obligations en matière d’accueil. A contrario, on peut dire que la France est plus tolérante envers les sans-papiers, ceux qui n’ont pas demandé l’asile ou ceux qui en ont été déboutés. C’est une différence importante avec les autres métropoles, qui ne toléreraient pas que dorment dehors des personnes n’ayant pas de titres réguliers. En France, il y a à la fois une tolérance plus élevée et des politiques qui ne sont pas totalement adaptées en termes de volumes.

Qu’a donné la politique de résorption des bidonvilles ?

Depuis 2012, la Dihal [délégation interminis­térielle à l’hébergement et à l’accès au logement] pilote une politique censée éradiquer le phénomène. Mais cette politique ne prend au départ en compte que les campements rom, et non ceux de Calais, par exemple. Les circulaires publiées ne s’appliquent pas non plus à l’outre-mer, or la problématique est très présente en Guyane et à Mayotte. On met souvent en avant les cas de villes comme Strasbourg et Toulouse, qui ont innové en la matière. Il y a incontestablement des succès, qu’il s’agisse du démantèlement d’endroits indignes ou de la prise en charge des populations qui s’y trouvaient, mais nulle part ailleurs en Europe nous n’avons des situations de cette ampleur. Et, globalement, ces problèmes ne semblent pas se résorber.

Le problème ne devrait-il pas être porté à une échelle nationale ?

Il faut au contraire décentraliser davantage. Dans le cas parisien, il y a un renvoi permanent de la ville vers l’Etat et de l’Etat vers la ville. Là où le dossier dépend de la politique locale, comme à Berlin, à Londres ou à Madrid, il y a moins de campements. Il faudrait même que cela relève de la responsabilité des maires d’arrondissement. On pourrait les outiller avec les moyens de l’Etat. Cela éviterait une mise en concurrence et une dispersion des autorités, préjudiciables à l’efficacité. Grâce au comptage à Paris, on a vu que, de 2018 à 2019, on a à peu près le même nombre de personnes à la rue, alors que, dans le même temps, on a augmenté le nombre de places d’hébergement. Il y a donc un décalage entre la politique que l’on mène et la population que l’on cible. D’où la nécessité de décentraliser la politique de prise en charge des sans-abri et de l’hébergement d’urgence. D’autant que l’Etat cherche à répondre aux politiques affichées en faisant ici et là des économies, tout en mettant en avant les solutions les plus visibles. Les solutions de long terme, comme les prises en charge en CHRS [centres d’hébergement et de réinsertion sociale], sont mises de côté car jugées trop coûteuses. Le gouvernement choisit de payer les nuitées en hébergement d’urgence et dans les hôtels. C’est une politique qui va à l’encontre de ce qui se fait globalement dans les métropoles européennes. Rome, Berlin, Londres ou encore Bruxelles ne paient pas de chambres d’hôtel pour les personnes à la rue. A Londres, si les aides sont restreintes aux nationaux, elles relèvent plutôt de centres d’accompagnement qui correspondent à nos CHRS.

Notes

(1) Campements de migrants sans abri : comparaisons européennes et recommandations – Fondapol – Sept. 2019.

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