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« Assurer une grande mixité sociale »

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Le 19 juillet dernier, l’Observatoire de la laïcité a rendu publique son étude sur la visibilité et l’expression religieuses dans l’espace public. Il s’était autosaisi de cette thématique le 29 mai 2018. Nicolas Cadène, son rapporteur général, revient sur les résultats de cette étude.
Que ressort-il de cette étude ?

Son objectif était de faire un état des lieux. A l’inverse de ce qu’on entend souvent, nous avons ainsi pu constater que l’on assiste à un recours et non à un retour au religieux. Finalement, la société continue à se séculariser, en revanche, il y a une partie de la population constituée de croyants qui réactivent leur appartenance alors même qu’une autre partie s’éloigne du religieux. Cette situation a tendance à polariser le débat.

Ce recours explique que la visibilité et l’expression publique de la religion peuvent être plus fortes qu’avant, mais cela ne concerne que quelques croyants. Il n’y a donc pas plus de croyants, mais ces derniers sont plus visibles dans leur expression religieuse. Certains réactivent leurs signes d’appartenance, c’est le cas chez des musulmans, des catholiques, des protestants, des juifs… Certains courants réinvestissent ainsi l’espace public : les évangélistes chez les protestants, les traditionnalistes chez les catholiques… Après, il y a des signes qui créaient plus de crispations et de tensions que d’autres, c’est le cas notamment du voile, qui suscite beaucoup d’interrogations et de débats. Il est donc important de rappeler que, dès lors que les personnes le portent de leur propre volonté, elles en ont le droit. Le seul interdit est la dissimulation du visage pour des raisons de sécurité et d’interaction sociale.

Dans votre étude, vous analysez les causes de ce phénomène. Quelles sont-elles ?

Elles sont nombreuses et croisées, souvent. Parmi elles, il y a le redéploiement des religions dans une société profondément sécularisée. Le champ du religieux y réagit fortement, en n’hésitant pas à faire étalage d’un certain nombre de signalétiques pour capter l’attention. L’expression religieuse est également une réponse à une construction identitaire personnelle. En ce qui concerne l’islam, en particulier, on constate une surreprésentation des catégories socioprofessionnelles les moins favorisées au sein de la population de confession musulmane. S’y ajoute le fait que la mixité sociale est très faible et le sentiment de relégation sociale, très fort. Ce constat est corroboré par les nombreuses études socio­logiques, qui confirment l’existence d’une corrélation entre l’inégalité, l’échec scolaire, le chômage durable et l’importance qu’on porte à la religion. Ainsi, quand l’avenir terrestre est fermé, cela renforce sa croyance propre et sa pratique. A cela se joignent d’autres causes, comme l’affaiblissement des idéologies séculaires, c’est-à-dire le libéralisme, le nationalisme, le socialisme… Et, pour finir, la cause la plus connue est celle du refuge sécurisant que peut représenter la religion face à toutes les incertitudes de demain.

La religion est-elle un problème en soi ?

Cela peut être un problème quand le recours à la religion empêche le mélange avec le reste de la société et débouche sur un repli communautaire et des pratiques spécifiques. Cela reste très rare, nous ne sommes pas dans une situation catastrophique où tout le monde parle de religion, mais il peut y avoir des recours forts et une expression forte de la religion, et lorsque cela conduit à un repli communautaire, c’est une réelle difficulté.

Si, dans cette étude, vous ne faites pas de recommandations, vous incitez néanmoins au développement de la mixité sociale…

Effectivement, il y a nécessité à assurer, toujours, une grande mixité sociale. Dans les quartiers où il y a peu de mélange des populations, il y a une forte religiosité car il y a peu d’interactions culturelles. La mixité sociale permet ainsi d’éviter des replis communautaires. Ce constat est le même sur tout le territoire, les acteurs sociaux y sont confrontés car, dans leurs pratiques quotidiennes, ils sont en relation avec des personnes qui sont souvent plus en difficulté que d’autres. Aujourd’hui, le problème est qu’il y a encore une méconnaissance des textes qui régissent la manifestation des faits religieux dans les différentes structures. Il y a beaucoup de confusion sur le sujet parce que les acteurs de terrain ne sont pas toujours bien outillés pour répondre aux situations dans lesquelles se manifeste le fait religieux. Par exemple, une usagère qui vient voilée dans une association va s’entendre dire qu’elle n’en a pas le droit, alors que c’est totalement faux. En revanche, vous allez trouver des agents qui exercent une mission de service public tout en portant un signe religieux : eux n’en ont pas le droit, car ils ne représentent pas leur individualité mais l’administration publique.

Vous témoignez des difficultés que peuvent connaître les travailleurs sociaux. Qu’en est-il ?

Si les agents n’ont pas été formés au préalable à réagir à ces situations, cela peut être très vite explosif et susciter d’importantes tensions. Il est donc important de prévenir et de former en amont les acteurs de terrain. Pour rappel, il ne faut pas répondre à un intérêt particulier mais offrir une réponse d’intérêt général qui va rassembler, et non diviser. Si vous êtes dans une logique de tout autoriser, le risque est de créer des droits distincts ; si vous êtes dans la volonté de tout interdire, le risque est de créer des discriminations. Par exemple, typiquement, pour la restauration collective, la meilleure des réponses est une offre de choix avec ou sans viande, parce que cela répond à des demandes émanant de personnes végétariennes, qui ont mangé trop de viande la veille, qui suivent des régimes alimentaires médicaux spécifiques ou qui ont des raisons religieuses.

Afin de faciliter la diffusion de cette connaissance des textes et des pratiques, le site de l’Observatoire de la laïcité met à disposition des brochures et des vidéos qui permettent d’y voir plus clair pour répondre à ces problématiques. C’est également dans cette perspective que l’observatoire a conçu des plans de formation gratuits en présentiel ou sur Internet via des Mooc.

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