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Lettre à Ludovine

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Chère Ludovine,

Je ne te connais pas, mais je vais quand même te tutoyer, vu que toi, tu sembles très bien me connaître. Tu parles de moi à longueur de journée. De moi, Florine, mais aussi de ma femme et de notre fils. Tu parles de nous comme si nous n’étions pas là, comme si aucun de nous trois ne pouvait lire les horreurs que toi et tes petits copains de La Manif pour tous débitez à notre sujet depuis des années. Tu parles de nous comme si tes mots ne nous atteignaient pas, comme si tes pensées nauséabondes n’avaient aucun impact sur nous, sur notre famille, sur notre fils.

Tu affirmes que le but du mariage est de fonder une famille. Et même tu vas plus loin, en écrivant que « le mariage n’est pas la consécration de l’amour » mais qu’il doit contribuer au « renouvellement de la société ». Mais dans quel siècle vis-tu ? J’imagine ta vie, Ludovine, et je ne t’envie pas. Et comme je plains tes copines condamnées à tricoter des écharpes roses pour les filles et bleues pour les garçons en comptant frénétiquement les jours qui les séparent de leur prochaine ovulation !

Tu cites des tas d’études pseudo-psycho-philosopho-scientifico-merdiques sur la « place du père ». Il paraît que ce dernier doit assumer les fonctions de protection, d’éducation, d’initiation, de séparation, de filiation… Tes amis viennent à la rescousse avec des concepts éculés (j’ai dit « éculés », Ludovine, ne va pas t’imaginer des choses, voyons !)… Mazette, tout ça ? Et du coup, la mère, elle sert à quoi ? Je veux dire, à part faire la bouffe et le ménage, en attendant religieusement le retour de son mari dans sa maison proprette et parfaite ?

Avec la PMA pour toutes, tu crains une pénurie de sperme. J’imagine déjà cette scène apocalyptique : des hordes de femelles assoiffées de sperme se ruant sur les réserves des Cecos(1) et en emportant de pleines gourdes qu’elles conserveront précieusement à l’abri des regards concupiscents. Non, vraiment, c’est trop dur… (je parle de la scène, Ludovine, à quoi pensais-tu donc ?)

Tu dis que mon enfant est un caprice, qu’il est contre-nature, tu vas même jusqu’à le comparer à un légume OGM. Tu te rends compte, Ludovine, qu’un jour ou l’autre mon fils va tomber sur ces mots ? Tu en imagines la violence ?

Je n’invente rien, Ludovine. Tout ça, je l’ai pompé sur ton site (oui, j’ai bien écrit « pompé », tu penses à quelque chose de particulier, Ludovine ?).

Tu appelles à manifester le 6 octobre. Tu sais bien comment ça va finir. La haine. La violence. La peur. Tu as déjà oublié, Ludovine ? Pas moi. Pas nous.

Toi, tu te pavanes déjà partout sur les plateaux télé, avec ton joli petit tailleur et ton brushing impeccable. Tu parles famille, enfants, pères et repères, arborant ton sourire ingénu et ton regard étincelant de foi.

Et pendant que tu brilles de mille feux, Ludovine, je vois défiler dans mon bureau ces familles que tu ne fréquentes pas : mères isolées, femmes soumises par ces pères que tu encenses tant, jeunes adultes virés de chez eux après un coming-out très mal reçu. Dieu est amour… Peut-on en dire autant de tous tes amis de La Manif pour tous ?

Mais tu sais quoi, Ludovine ? Leurs larmes d’un côté, ton sourire flamboyant de l’autre, ça fait comme un arc-en-ciel dans mon ciel.

Notes

(1) Centres d’études et de conservation des œufs et du sperme.

La minute de Flo

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