À quelques jours du bilan de la stratégie « pauvreté » dressé par le gouvernement, les associations du collectif Alerte ont fait part de leurs inquiétudes quant à la situation des personnes les plus précaires. Si elles ont salué le plan « pauvreté » à son lancement, il y a un an, notamment pour ses mesures ciblées sur l’enfance, les associations évoquent des avancées « timides », mais aussi une réelle dégradation des conditions de vie pour une partie des Français.
C’est surtout l’écart qui existe entre le discours et l’action gouvernementaux qui a été pointé du doigt, et ce, sur de nombreux champs. Alors que le plan « Logement d’abord », qui vise à aider les personnes les plus démunies à sortir de l’hébergement, est soutenu par les acteurs de lutte contre la précarité, ceux-ci regrettent les coupes budgétaires à hauteur de 57 millions d’euros qui ont fragilisé les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). La même problématique est soulevée dans le champ de l’emploi, avec le soutien apporté au secteur de l’insertion par l’activité économique (IAE), tandis que les contrats aidés ont été drastiquement réduits et que la réforme de l’assurance chômage présentée cet été devrait durcir l’accès à l’indemnisation pour les demandeurs d’emploi. Et si la mise en place d’une complémentaire santé élargie grâce à la fusion de la CMU-C et de l’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS) constitue une réelle avancée, la remise en cause de l’aide médicale d’Etat (AME) risque de dégrader encore davantage l’accès aux soins des étrangers.
Enfin, la baisse des aides personnalisées au logement (APL) et la non-indexation des allocations familiales ont réduit encore le pouvoir d’achat des ménages modestes. Les deux mesures qui pourraient permettre une amélioration de l’accès à l’emploi et aux minima sociaux – le service public d’insertion et le revenu universel d’activité (RUA) – sont quant à elles en phase de concertation. « Selon les choix qui seront retenus par le gouvernement au début de l’année 2020, le RUA peut être la meilleure mais aussi la pire des réformes, prévient Christophe Devys, président du collectif Alerte. Mais même si l’on diminue le non-recours, si l’on a une revalorisation des minima sociaux – que nous appelons de nos vœux –, il faudra attendre la fin de la concertation, le vote d’une loi puis des décrets d’application. Cette réforme sera applicable au mieux en 2022, sans doute en 2023. Les personnes concernées ne peuvent pas attendre 2023, elles n’ont eu jusqu’ici aucune augmentation de leur pouvoir d’achat. »
Pas question, pour autant, de quitter la table des négociations avec le gouvernement. Les associations en appellent à un renforcement de la stratégie « pauvreté », et à des mesures d’urgence : revenir sur la non-indexation des aides, revaloriser le revenu de solidarité active (RSA) pour 2020.
« La réforme de l’assurance chômage s’annonce très défavorable aux plus précaires, souligne Florent Gueguen, directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS). Les associations s’attendent à voir plusieurs centaines de milliers de personnes basculer des indemnités chômage au RSA. Avec, par conséquent, une forte augmentation de la pauvreté des chômeurs. Des expérimentations positives sont financées, comme le dispositif Convergence ou les “territoires zéro chômeur”, mais sommes-nous dans un changement d’échelle ? »
Car c’est bien un changement d’ampleur que les associations appellent de leurs vœux pour que la stratégie « pauvreté » puisse concerner une plus large part de la population : elles réclament l’augmentation du nombre de personnes accueillies dans les entreprises d’insertion et une extension effective des « territoires zéro chômeur », ainsi que l’augmentation des places dans les centres d’hébergement pour les sans-abri comme pour les demandeurs d’asile et les réfugiés. Ces derniers, tout comme les mineurs isolés, restent d’ailleurs les grands absents de la stratégie « pauvreté », bien qu’elle soit axée en grande partie sur la jeunesse.