Alors que l’école reprenait en France pour une majorité d’élèves, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) a mis en lumière ceux qui, cette année encore, sont restés sur le pas de la porte. Qu’ils soient handicapés, mineurs non accompagnés ou rom, plusieurs dizaines de milliers d’enfants ne sont pas scolarisés en raison d’obstacles logistiques ou administratifs. Mais ce phénomène est difficile à appréhender, tant les chiffres sont parcellaires ou trop anciens. En 2008, on estimait à 11 000 le nombre d’enfants handicapés sans scolarisation. Trois ans plus tard, un rapport sénatorial avançait le chiffre de 20 000 enfants handicapés non scolarisés. « On ne sait pas combien d’enfants handicapés ne sont pas scolarisés aujourd’hui », confirme Pascale Ribès, vice-présidente de l’APF et membre de la CNCDH. Le même problème se pose pour les enfants vivant dans les squats, les bidonvilles ou les hôtels du Samu social. Pour le collectif Ecole pour tous, la France ne compterait pas moins de 100 000 enfants non scolarisés. D’un territoire à l’autre, les réalités sont bien différentes : dans les territoires ultramarins, 20 % des jeunes de 17-18 ans sont considérés en situation d’illettrisme, une proportion qui monte même à 29 % en Guyane et à 50,9 % à Mayotte, contre 3,6 % en métropole.
Les obstacles sont nombreux : manque structurel de places dans les écoles, difficulté d’accéder aux établissements, souvent très éloignés des habitations. Mais c’est surtout la liste des pièces justificatives nécessaires à l’inscription scolaire, variable d’une municipalité à une autre, qui est pointée du doigt par les associations et la CNCDH. Car, bien souvent, cette liste est perçue comme un outil permettant de refuser la scolarisation. Par exemple, il peut être demandé à un enfant dont on sait qu’il habite en bidonville de fournir une facture d’électricité comme justificatif de domicile. Ou encore une attestation de vaccination, certes obligatoire, mais qui peut être réalisée dans les trois mois suivant l’admission de l’enfant en classe. « La loi “école de la confiance” prévoit qu’une liste soit fixée par décret, explique Dominique Guibert, vice-président national de la Ligue des droits de l’Homme. Mais nous ne pouvons pas dire que nous avons confiance. Qu’allons-nous mettre dans cette liste ? Il faudra préciser que ce qui est prioritaire, c’est l’inscription à l’école. »
Parmi ses trois recommandations majeures, la CNCDH appelle à l’adoption du décret fixant de manière limitative la liste des pièces à fournir, tout en soulignant que « la non-production d’une ou de plusieurs pièces demandées ne peut en aucun cas constituer un motif de refus de scolarisation ». La commission demande également la création d’un observatoire de la non-scolarisation afin d’objectiver le phénomène et d’identifier les obstacles, et ce, en évitant l’écueil du contrôle des populations. Cet observatoire permettrait de suivre et d’évaluer les efforts mis en œuvre. Enfin, la CNCDH recommande de développer la médiation, que ce soit pour des raisons sociales, linguistiques ou pour soutenir un élève en situation de handicap. « Certains médiateurs permettent de réduire l’écart entre les familles et l’institution scolaire en servant d’intermédiaires et en garantissant un accompagnement des familles dans les démarches administratives, par exemple au moment de l’inscription », indique la commission. Cette médiation pourra s’appuyer sur des médiateurs associatifs ou encore des médiateurs de l’Education nationale qui, regrette la commission,« sont insuffisants et dépendent trop d’initiatives locales ».
Mais au-delà de la question de l’inscription à l’école, il s’agit aussi d’assurer un suivi sur le parcours des élèves. « Nous parlons de non-scolarisation, mais aussi de mal-scolarisation et de déscolarisation, détaille Anne-Lise Denœud, chargée de plaidoyer à l’Unicef-France. On ne peut pas se contenter d’une politique de rattrapage, l’enjeu va aller grandissant. »