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Réforme de la carte ADA : début d’une nouvelle galère ?

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Courses au marché ou à la boulangerie, paiement à l’unité de tickets de transports, laveries, cantines scolaires, 50 centimes demandés par certains accueils de nuits du 115… Jusqu’à présent, pour effectuer des achats, un demandeur d’asile pouvait retirer le montant de son allocation (6,80 € par jour) en espèces dans des distributeurs de billets. Et ce, dans la limite de cinq retraits par mois. A partir du 5 novembre, la carte de retrait sur laquelle est versée chaque mois l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) deviendra exclusivement une carte de paiement électronique.

Une réforme soudaine, annoncée le 23 juillet par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), à la surprise générale des acteurs de l’asile. « Sans aucune concertation préalable et sans aucune analyse des besoins du terrain », critique Florent Gueguen, directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS). « La carte ADA actuelle a un gros défaut. Elle ne permet aux demandeurs d’asile que seulement cinq retraits par mois, et ils ne peuvent consulter leur compte bancaire que quelques fois, sous peine d’avoir des frais. L’Ofii change le système pour permettre aux demandeurs d’asile de pouvoir effectuer 25 paiements mensuels par mois. Mais avec la future carte bancaire, ils ne peuvent plus effectuer de retrait d’argent liquide, ni faire de paiements ou de virements en ligne », explique Gérard Sadik, coordinateur national « asile » pour La Cimade.

« Une aberration »

Initialement prévue pour le 5 septembre, cette modification du fonctionnement de la carte ADA a été décalée de deux mois, « afin de donner un délai supplémentaire aux opérateurs les plus engagés dans l’hébergement des demandeurs d’asile pour qu’ils puissent équiper toutes leurs structures en terminaux de paiement », argue l’Ofii. Un délai supplémentaire, certes, mais aucune intention de renoncer à cette réforme, malgré la salve de critiques des associations. L’un des arguments avancés par la direction générale de l’Ofii aux sceptiques est que ce nouveau mode de versement de l’ADA a été « expérimenté avec succès à grande échelle en Guyane ». Florent Gueguen est loin d’être convaincu : « Ce n’est pas le retour des associations concernées. La Croix-Rouge française, notamment, considère que cette réforme a posé beaucoup de difficultés dans la vie quotidienne des personnes. » Et de poursuivre : « On ne peut pas vivre normalement sans monnaie ! Notre demande est que les personnes en procédure de demande d’asile puissent vivre dans des conditions matérielles d’accueil dignes. Cette réforme est une aberration, aucune association n’y croit. Elle va pourrir la vie des gens concernés, renforcer la précarité des familles. Elle pourrit aussi la vie des associations, qui vont devoir trouver des plans B, des solutions de type monétaire pour permettre aux personnes de faire leurs courses normalement. »

Pour Gérard Sadik, ce choix de l’Ofii pourrait se résumer par l’expression « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ». Pour les associations, l’option la plus sensée aurait été celle de transformer la carte actuelle en une carte « mixte », permettant à la fois les retraits en liquide et le paiement par carte. « L’Ofii nous répond que ça coûte trop cher », raconte Gérard Sadik. « La seule solution trouvée par l’Ofii pour permettre aux demandeurs d’asile d’avoir du liquide est le cash back, c’est-à-dire la possibilité pour un commerçant, pour un paiement à 1 €, de débiter 20 € et de rendre 19 € en liquide », ajoute-t-il.

Des raisons « très obscures »

Le coordinateur national « asile » de La Cimade reconnaît que les raisons de cette réforme lui paraissent encore « très obscures ». Une motivation strictement budgétaire ? « Quand on regarde les documents budgétaires, le coût de gestion de l’ADA est de 4, 2 millions d’euros en 2018 et les pouvoirs publics ont récupéré 6,7 millions d’euros de “sommes dormantes” sur les comptes des bénéficiaires qui n’ont pas dépensé tout leur argent. » Et d’émettre diverses suppositions : « Eviter l’exploitation par des réseaux qui ponctionneraient les personnes, éviter l’envoi d’argent à l’étranger. » Florent Gueguen voit derrière cette réforme soudaine la patte de Bercy. « L’Ofii n’a apporté aucune réponse aux remontées des associations sur les difficultés de cette réforme », déplore-t-il.

« Le délai obtenu va seulement permettre aux associations de s’équiper en terminaux de paiement, car un certain nombre de prestations sont payées par le demandeur d’asile via l’ADA au centre d’hébergement. » Un changement très coûteux… « A titre d’exemple, pour une association comme Coallia, cela représente un investissement à hauteur de 200 000 €, sans compensation des coûts par l’Etat », indique-t-il. « On ne voit aucun avantage à cette réforme, si ce ne sont des économies éventuelles pour l’Ofii, en faisant en sorte que la dépense de l’ADA soit maîtrisée et en reportant une partie des charges sur les associations d’accueil. »

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