Si le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur l’inclusion des élèves handicapés de la maternelle à l’université, rendu le 18 juillet, concentre ses 57 propositions sur la scolarisation, il s’est également penché sur la problématique de l’accueil en crèche. Selon la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), seuls 23 400 enfants en situation de handicap sont accueillis dans des crèches, ces dernières comptant, au niveau national, 409 500 places. « Une place pour le petit enfant en situation de handicap dans les modes d’accueil individuels et collectifs est un droit fondamental bien qu’il ne soit pas assorti, à ce jour, d’une législation contraignante », rappelait le rapport du conseil de l’enfance du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) de juillet 2018(1). Alors que les établissements d’accueil du jeune enfant (Eaje) sont des lieux propices à la détection précoce du handicap et à l’accompagnement des familles, les moins de 3 ans en situation de handicap sont gardés majoritairement par leurs parents : 54 % contre 32 % pour les autres enfants, selon la dernière enquête de la Drees(2). En effet, l’accueil en crèche d’enfants en situation de handicap requiert plus de temps et plus de personnel. Afin de compenser les surcoûts observés pour les gestionnaires de structures, « et d’impulser une véritable politique d’inclusion des enfants en situation de handicap dans les Eaje », la Cnaf, dans sa convention d’objectifs et de gestion (COG) 2018-2022, prévoit la mise en place d’un bonus « inclusion handicap ». Entré en vigueur le 1er janvier 2019, ce bonus bénéficie d’un financement à hauteur de 8,3 millions d’euros. « A l’horizon 2022, cette mesure représentera un financement de 33 millions d’euros pour environ 110 000 places », précise une circulaire Cnaf(3).
« Ce bonus est versé dès le premier enfant accueilli mais son taux varie de façon progressive (15 %, 30 %, 45 %…) en fonction du pourcentage d’enfants porteurs de handicap dans l’établissement (moins de 5 %, entre 5 % et 7,5 %, plus de 7,5 %) – le tout dans la limite de 1 300 € par place et par an », rappelle le rapport parlementaire. « Selon les élus, [il] sera très difficile à percevoir, ce qui les incitera à concentrer ces enfants dans un seul établissement. C’est un des effets pervers qui explique que ce bonus se révèle en fin de compte […] ne pas répondre aux attentes car il est calculé de façon trop stricte », a fait entendre Nelly Jacquemot, responsable du département « action sociale, éducation, culture, sport » de l’Association des maires de France, lors de son audition, en mai dernier, devant la commission parlementaire. S’appuyant sur ces arguments, Sébastien Jumel, le rapporteur et député communiste de la 6e circonscription de Seine-Maritime, juge nécessaire, dans sa proposition n° 19, de revoir les modalités des financements proposés par les Caf pour favoriser l’accueil en crèches d’enfants en situation de handicap.
Selon Sébastien Jumel, l’abaissement de 6 ans à 3 ans de l’âge de l’instruction obligatoire, opéré par la loi « Blanquer », crée « des défis » pour les enfants en situation de handicap passant de la crèche à l’école. Lors de son audition devant la commission parlementaire, Virginie Lanlo, membre de l’Association des maires de France, avait souligné que certaines familles souhaitent que leur enfant ne soit pas scolarisé en petite section et reste à la crèche, à cause de difficultés pressenties liées à son handicap. Et d’ajouter : « Avec la scolarisation obligatoire à 3 ans, il faut absolument créer ce lien entre la crèche et l’école pour accueillir l’enfant et rassurer les familles. »
(1) « Accueillir et scolariser les enfants en situation de handicap, de la naissance à 6 ans et accompagner leur famille ».
(2) « Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants en 2013 »
(3) Circulaire CNAF n° 2018-002 du 28 novembre 2018.