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Inclusion scolaire : un chantier sans fin ?

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L’heure de la rentrée a sonné pour le « service public de l’école inclusive ». Le gouvernement promet « une transformation en profondeur » de l’accompagnement des élèves en situation de handicap. Un chantier de taille alors qu’un rapport parlementaire, rendu public en juillet, juge que l’inclusion scolaire et universitaire « avance à pas lents ».

Quatorze ans après la loi du 11 février 2005, la rentrée scolaire risque d’être encore un parcours du combattant pour de nombreux parents d’enfants et adolescents en situation de handicap. Afin de révéler les situations non prises en charge par le système scolaire, que ce soit par l’école ordinaire ou par un établissement spécialisé, l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei), accompagnée d’une vingtaine de partenaires associatifs, a lancé le 9 août une mobilisation citoyenne intitulée #jaipasecole, avec un site Internet dédié www.marentree.org pour recueillir les témoignages.

Alors que le gouvernement promet « un véritable changement de paradigme plutôt qu’une simple réorganisation de l’aide à l’accompagnement des élèves à besoins éducatifs particuliers », avec la mise en œuvre des mesures constitutives du « grand service public de l’école inclusive » dès septembre 2019, la Fédération Apajh (Association pour adultes et jeunes handicapés) estime, dans un communiqué en date du 22 août, que les mesures avancées par le ministère de l’Education nationale et le secrétariat d’Etat en charge des personnes handicapées ne sont « pas suffisantes pour permettre une rentrée dans les meilleures conditions à chaque élève ». Et juge que « l’école inclusive reste à bâtir ».

Selon les chiffres présentés dans la circulaire du 5 juin 2019 sur l’école inclusive(1), depuis la loi du 11 février 2005, les effectifs d’élèves en situation de handicap sont passés de 118 000 à 340 000, tandis que le nombre d’élèves accompagnés est passé de 26 000 en 2005 à 166 000 à la rentrée 2018. Un succès quantitatif que le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur l’inclusion des élèves handicapés dans l’école et l’université de la République, rendu le 18 juillet, vient modérer (voir page 8). « Si la scolarisation en milieu ordinaire s’est considérablement développée d’un point de vue quantitatif au cours des dix dernières années […], bien des progrès restent à accomplir d’un point de vue qualitatif, tant la scolarisation en classe ordinaire tend à s’émousser au fur et à mesure que les élèves en situation de handicap avancent dans leur cursus scolaire, tant les unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) se raréfient au fil de cette même avancée et tant, enfin, le nombre d’enseignants référents censés assurer le suivi et la mise en œuvre des parcours des élèves est insuffisant », note-t-il. Concernant la scolarisation en établissement spécialisé, la durée moyenne hebdomadaire semble « significativement inférieure à ce qu’elle est pour les élèves scolarisés en milieu ordinaire », en partie du fait du trop faible nombre d’enseignants mis à disposition par le ministère de l’Education nationale.

Déploiement des PIAL

Sur quoi repose « la transformation en profondeur » promise par le gouvernement ? Au niveau de l’organisation, pour l’année scolaire 2019-2020, les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) seront déployés au sein de 2 000 collèges dotés d’Ulis, 300 circonscriptions et 250 lycées professionnels, « répartis de façon équilibrée sur tout le territoire »(1).

Prévus par la loi pour une école de la confiance – promulguée le 28 juillet 2019 –, les Pial ont pour objet, « la coordination des moyens d’accompagnement humains au sein des écoles et établissements scolaires ». Après avoir identifié les besoins des élèves, ils assurent la mise en place des aménagements : aide humaine, pédagogique, éducative ou thérapeutique, dispositifs spéciaux… « Comme l’immense majorité des personnes entendues », Sébastien Jumel, député communiste de Dieppe (Seine-Maritime) et rapporteur de la commission parlementaire, a jugé « prématuré de généraliser les Pial » à la rentrée, « sans retour sur les expériences qui sont censées avoir été menées depuis septembre 2018 ». « Nos auditions ont montré que les Pial peuvent rencontrer de bons résultats, lorsque les moyens sont au rendez-vous, mais qu’ils présentent aussi des risques qui appellent à la vigilance : il ne faudrait pas que [leur] déploiement aboutisse à systématiser les moyens d’accompagnement mutualisés au détriment des moyens d’accompagnements individualisés », recommande-t-il.

L’expertise médico-sociale en appui

En appui des Pial, les agences régionales de santé (ARS) sont appelées à mettre en place, « à titre expérimental », des équipes médico-sociales mobiles d’appui à la scolarisation des enfants à besoins particuliers. Et ainsi apporter « de manière souple » aux établissements scolaires et à la communauté éducative, l’appui de l’expertise des professionnels et des ressources des établissements et services médico-sociaux (ESMS)(2). « La mise en place de ces équipes mobiles ne doit pas aboutir à une externalisation massive, voire à une scolarisation en milieu ordinaire des élèves scolarisés en unité d’enseignement sans prise en compte des projets personnels de chacun. La présence d’une équipe sur le terrain ne peut remplacer les prises en charge directes par le plateau thérapeutique et éducatif d’un ESMS », avertit le Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC, affilié à la FSU (SNUIPP-FSU). Une première évaluation du dispositif des équipes mobiles est prévue en décembre 2019 et février 2020. Par ailleurs, début 2020, des travaux de rédaction du cahier des charges définitif seront engagés à partir d’un premier bilan des retours d’expériences et en concertation avec les acteurs impliqués.

Le « manque criant » de formation pour les enseignants est identifié comme « la première limite à l’accessibilité de l’école comme communauté de vie », par le rapport « Jumel ». D’après les chiffres recueillis par la commission parlementaire, 23 % des enseignants intervenant auprès d’élèves à besoins éducatifs particuliers n’ont « aucune formation spécifique ». Si le gouvernement s’est engagé à proposer des modules de formation continue aux enseignants déjà en poste, rien n’est prévu au programme pour la formation initiale.

« Le verbe “réussir” dit mieux qu’aucun autre la finalité profonde de l’école : la réussite de tous les élèves », écrit le ministre de l’Education nationale dans son édito de rentrée. Cela sera-t-il le cas pour les élèves en situation de handicap ? Le Comité national de suivi de l’école inclusive se réunira à l’automne pour dresser le bilan de la rentrée 2019 et « partager les travaux à engager pour l’année scolaire prochaine ».

Notes

(1) Circulaire n° 2019-088 du 5 juin 2019, B.O.E.N. n° 23 du 6-06-19.

(2) Circulaire n° DGCS/SD3B/2019/138 du 14 juin 2019 relative à la création d’équipes mobiles d’appui médico-social pour la scolarisation des enfants en situation de handicap.

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