En proposant une organisation et une gestion axées sur le relationnel, la philosophie Tubbe (du nom de la maison de retraite suédoise Tubberödshus qui applique ce modèle, ndlr) peut contribuer à relever les défis auxquels sont confrontées les maisons de repos et de soins. Dans ce modèle, les décisions se prennent en commun et la participation de tous (résidents, personnels, familles…) est encouragée. Les résidents s’impliquent pleinement dans la vie de l’institution, par exemple en choisissant ou en préparant des animations, en participant à la préparation des repas, ou en distribuant le courrier. Les membres du personnel ont donc la possibilité de sortir de leur rôle de soignants et d’explorer d’autres compétences dans le cadre d’activités sociales. Ils sont encouragés à passer plus de temps avec les résidents et à être à l’écoute de leurs besoins et souhaits, ce qui leur permet de retrouver le sentiment d’exercer une profession stimulante et gratifiante.
A la résidence Régina, nous travaillons par unités de vie. Chaque étage est une unité de vie centrée sur le résident. Celui-ci décide lui-même de ce qu’il va faire de sa journée. Nous organisons régulièrement des conseils de résidence où les résidents peuvent s’exprimer sur la vie dans la maison et proposer des activités. Alors, en équipe, nous tâchons de réaliser tous leurs projets, toutes leurs envies : se rendre au cimetière, aller dans un parc d’attractions…
De plus, nous avons engagé quatre équivalents temps plein de maîtresses de maison. Elles passent leur journée dans l’unité de vie et s’occupent des résidents comme s’ils étaient chez eux. Elles les aident à déjeuner, cuisinent, font des sorties, des activités, des bricolages, discutent.
Désormais, nous sommes beaucoup plus dans l’accompagnement. Un accompagnement renforcé qui a permis une réduction impressionnante des soins. Ainsi, le nombre moyen d’appels a diminué de près de 25 %. Un résident occupé est un résident qui n’a pas besoin d’appeler pour une présence. De même, nous avons constaté une baisse de la prise d’anxiolytiques, d’antidépresseurs et de somnifères. Un résident occupé, un résident fatigué, qui s’est amusé toute la journée, s’endort plus facilement.
De son côté, le personnel est enthousiaste et, à mon niveau, je m’engage dans toutes les activités et partage le plus de temps possible avec les résidents. La pyramide est inversée en réalité. Auparavant le modèle était le suivant : la direction donne des ordres au personnel qui s’occupe des personnes âgées. Désormais, avec le modèle Tubbe, les résidents disent ce qu’ils ont envie de faire et fonctionnent en collaboration étroite avec le personnel et la direction.
Toutefois, il ne faut pas se leurrer. En deux ans, les personnes âgées ne passent pas de complètement dépendantes à indépendantes. Cependant, nous constatons que les résidents ne perdent pas d’autonomie, ils la conservent plus longtemps. Ce qui est déjà très positif.
Pas seulement aux établissements français mais à tous les établissements. En effet, cette approche permet de redonner au résident une vie privée, familiale comme à la maison. Il ne se sent plus dans un établissement mais bel et bien chez lui. C’est quand même pas mal, non ?
Gabrielle Tribels est la directrice de la résidence Régina, située à Moresnet en Belgique. Cet établissement propose 90 places d’hébergement de long séjour et 13 résidences services pour seniors.