Vous vous souvenez de ce que je disais en janvier ? Non ? Moi, j’ai beau être trisomique, je m’en souviens parfaitement. Je parlais de mariage et de droit de vote. Je parlais d’amour et de démocratie. Oui, je suis un peu poète parfois, j’avoue… Ça doit être les cheveux violets qui font ça.
Mais revenons à nos moutons. Cette année, il y a eu une loi importante. Une loi qui allait enfin me permettre de voter.
J’y ai cru. J’y ai tellement cru. L’inclusion, la citoyenneté, la démocratie… Naïf que je suis !
La première grande étape, c’était pas n’importe laquelle : les élections européennes, rien que ça !
L’enjeu était de taille. D’un coup d’un seul, je passais de sous-citoyen à citoyen européen. La classe ! Et surtout, la chance ! Parce que, j’ai mené ma petite enquête, et figurez-vous que je suis un privilégié. Je vous vois sourire. Et pourtant.
En France, en Espagne, en Croatie… je peux voter. En Belgique, en Slovénie, en Hongrie, ça dépend (ça dépasse). En Lituanie, au Luxembourg, en Roumanie, même pas en rêve !
Alors oui, malgré mon syndrome de Down et mon AAH au ras des pâquerettes, j’ai de la chance. Parce que moi, Florian, adulte porteur du syndrome de Down, je suis français et j’ai maintenant le droit de voter. Et cette chance, je comptais bien en profiter !
Je me suis préparé. Je suis allé à des rencontres et à des débats. J’ai lu des journaux et regardé des émissions politiques.
J’ai été accompagné par mes parents et par l’équipe éducative de l’Esat, parce qu’il y avait des choses que je comprenais pas bien. Qu’est-ce que l’Europe ? A quoi ça sert ? Comment voter ?
J’ai tout bien suivi, et presque tout bien compris. Il ne me manquait que les professions de foi des candidats… Et là…
Plouf ! C’est exactement le bruit qu’a fait mon espoir quand il est tombé à l’eau.
Parce qu’en vrai, voter, c’est pas aussi simple que ça.
Il y a des candidats, des listes, des programmes. Il y a des idées et plein de phrases, plein de mots. Trop de phrases, trop de mots. On leur avait dit, pourtant aux candidats, d’utiliser le « Falc » (facile à lire et à comprendre).
On leur avait même expliqué comment faire : écrire en police 14. Choisir des mots que les gens connaissent bien. Expliquer les mots difficiles. Utiliser des exemples. Faire des phrases courtes. Une phrase par ligne. Une idée par phrase.
Mais faut croire que c’était trop compliqué pour eux. Trop compliqué de faire simple.
Sur trente-quatre candidats aux élections européennes, neuf ont traduit leur profession de foi en version FALC, et sept d’entre eux en ont fait une version audio.
Et les autres ? Les autres, je sais pas. Peut-être ont-ils manqué de temps ? Peut-être ont-ils mal compris les consignes ? Peut-être ont-ils cru que c’était superflu ? Peut-être…
En tout cas, neuf sur trente-quatre, franchement, ça réduit le choix. Du coup, le droit de vote, c’est bien joli, mais y a encore du boulot hein ! Un peu comme le reste en fait…
Allez, pour 2020, je fais un rêve : je ne veux plus être « acteur de mon projet de vie », je veux en être l’auteur. Je veux que votre devoir soit de respecter mes droits. Je veux être un citoyen à part entière et non plus un citoyen à part. C’est pourtant Facile à Lire et à Comprendre, non ?