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Les propositions « Delevoye »pour un système universel

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Le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye a dévoilé le 18 juillet ses recommandations pour un système universel de retraite qui devrait remplacer progressivement les 42 régimes spéciaux. Dix mois de discussions vont désormais être menées avant la présentation du projet de loi.

Fin des régimes spéciaux, âge d’équilibre à 64 ans, système par points… Si certains pouvaient encore en douter, la réforme des retraites aura bien lieu. Un big bang ? C’est en tout cas une véritable remise à plat du système actuel avec la volonté de présenter un projet plus juste et surtout plus lisible. « Dans ce système universel des retraites, c’est un projet de société qui permet à chacun de relever les défis face aux incertitudes », plaide d’ailleurs le haut-commissaire. Quid des problèmes de compréhension et d’équité entre les fonctionnaires d’un côté et les salariés du privé de l’autre ? Annoncée dès la campagne présidentielle, cette réforme ne se fera toutefois pas dans la précipitation. Prendre son temps pour justement se donner toutes les chances d’aboutir, d’éviter certains conflits et de limiter les risques sociaux. C’est le choix du président de la République et du Premier ministre. Jean-Paul Delevoye vient d’ailleurs de passer 18 mois à discuter et consulter avant de rendre publiques les grandes lignes de son projet qui était attendu, mais qui n’a pas tardé à diviser. Une seule chose semble acquise : l’heure n’est pas à la l’accélération. La réforme devrait être progressive et éclatée sur 15 ans, selon les catégories. Ainsi, le système universel de retraite s’appliquera au plus tôt aux personnes nées en 1963 et après, et dont l’âge légal de départ en retraite, soit 62 ans, sera atteint à compter de 2025.

Des points de crispation

Si la question de l’équité est défendue par le haut-commissaire, force est de constater que l’appréciation est forcément différente pour les organisations syndicales. Compte tenu justement de l’objectif d’équité porté par la réforme, « les situations dérogatoires ne trouveront plus de justification dans un système universel de retraite. Il est donc proposé qu’une transition progressive vers le barème de cotisations cible soit réalisée en maximum 15 ans », annonce le rapport. Le barème de cotisations des fonctionnaires et des salariés des régimes spéciaux sera donc identique à celui des salariés du privé (28,12 %). Leurs primes seront désormais prises en compte dans le calcul des droits à la retraite. Ce barème sera identique pour tous les travailleurs indépendants, qu’il s’agisse d’artisans, de commerçants, d’exploitants agricoles ou de professions libérales. C’est la fin annoncée et programmée des 42 systèmes spéciaux français. Un choix qui fait d’ores et déjà débat. Face aux réactions hostiles, le haut-commissaire est monté au créneau pour défendre son projet, expliquant qu’il faut « combattre l’égoïsme corporatiste ». Mais la crispation n° 1 qui réunit unanimement toutes les organisations syndicales, c’est la notion même d’« âge d’équilibre » fixé à 64 ans. Certains parlent de « ligne rouge ». Le rapport assure que l’âge légal ne changera pas et restera à 62 ans. Il sera théoriquement possible de s’arrêter à 62 ans, mais à quel prix ? Avec une décote puisqu’un système de bonus-malus va être mis en place. Les Français auront donc le choix, mais la menace sur leur portefeuille devrait les inciter à travailler plus longtemps. Dans la pratique, c’est déjà le cas. Hors dispositifs de départs anticipés, les assurés avaient en moyenne 63,4 ans pour ceux qui sont partis en retraite en 2018.

L’autre point de crispation est le changement de système puisque les anuitées vont disparaître au profit des points. Le haut-commissaire défend son choix, mettant en avant « un système plus avantageux pour les petites rémunérations et les carrières heurtées », prenant l’exemple des étudiants qui ont travaillé 100 heures rémunérées au Smic. Jusqu’à présent, il y avait une obligation de faire 150 heures pour valider un trimestre, ce qui ne sera plus le cas. Ainsi, chaque période travaillée et cotisée accordera des droits à la retraite sous forme de points. La comptabilisation en points permettra également de renforcer l’équité du système. Et pour cause, les règles de calcul fondées sur le salaire de référence, notamment la prise en compte des 25 meilleures années au régime général des salariés défavorisent les carrières courtes, heurtées et peu ascendantes. Reste évidemment des zones d’ombre. « Quelle valeur auront ces points ? Qui décidera ? Les valeurs changeront-elles en fonction de la situation économique du pays ? »

Des avancées… aussi

Un élément semble toutefois emporter une adhésion puisque le système prendra en compte, par des éléments de solidarité, les aléas de la carrière ou de la vie qui conduisent à des périodes d’interruption d’activité involontaires, que ce soit les arrêts maladie, le chômage, la maternité, l’invalidité, qui donneront des points de solidarité. Une décision qui devrait être accueillie favorablement. D’ailleurs, 75 % des citoyens qui se sont exprimés sur la plateforme de participation citoyenne estiment qu’il « faut prévoir des dispositifs de solidarité pour les carrières comportant des périodes de fragilité ». Le haut-commissaire propose également de garantir une pension minimale de l’ordre de 85 % du Smic net contre 81 % actuellement pour les salariés et 75 % pour les agriculteurs. Autre proposition : une majoration de 5 % dès le premier enfant et pour chaque enfant (contre 10 % actuellement pour trois enfants) pour la mère (ou répartie pour le couple, selon les situations) tenant compte de la réalité du montant des retraites plus faible des femmes qui ont moins d’enfants aujourd’hui.

Des discussions à venir

Après des mois de rumeurs, le rapport est connu de tous. Des interrogations demeurent et des arbitrages devront être pris. Face aux sujets qui préoccupent et aux désaccords… l’heure est aux concertations qui vont s’étaler pendant neuf à dix mois. Pas de projet de loi avant les élections municipales. Le texte porté par Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, ne devrait donc être présenté qu’à l’été, voire à la rentrée 2020. Puis viendra le temps des discussions parlementaires. Partenaire privilégié, Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT (première organisation syndicale, tous secteurs confondus depuis décembre 2018), a d’ores et déjà annoncé la couleur : « Nous ne voulons pas de cet âge d’équilibre à 64 ans ! » Du côté du Medef, autre son de cloche : « Il faut dire la vérité aux Français… l’intérêt du système sera de travailler plus longtemps. » C’est la conviction de son président, Geoffroy Roux de Bézieux, qui défend le projet de Jean-Paul Delevoye, précisant que le patronat devra relever « le défi de l’employabilité des seniors » (voir encadré). Pour la Fédération française des praticiens de santé, c’est l’état d’alerte qui est lancée, avec une crainte d’être pénalisés par le système de réforme universelle. « Autrement dit, et même si ces mesures rentrent en application de façon très progressive sur plusieurs années, cela signifie que le niveau de cotisation des praticiens de santé va très significativement augmenter sans pour autant s’accompagner d’un accroissement des droits. » Quant à la Fnath, l’association des accidentés de la vie, celle-ci exprime de « fortes inquiétudes sur le sort qui sera réellement réservé aux plus précaires, aux invalides, aux travailleurs qui présentent, du fait de la maladie, d’un accident ou d’un handicap, des carrières en dents de scie. Si on note globalement que des points seront accumulés en cas d’interruption d’activité, la proposition mérite de plus amples précisions et, a minima, que les associations de malades et de victimes du travail soient pleinement associées à la construction du projet de loi. » L’association déplore également que « le dispositif “pénibilité”, même s’il serait étendu aux aides-soignants, demeure sans modification, dans ses fondamentaux, alors que des centaines de milliers de travailleurs devraient pouvoir bénéficier d’une retraite anticipée sans attendre qu’ils deviennent malades pour y avoir accès ».

Le texte de Jean-Paul Delevoye propose que le départ anticipé (dès 60 ans) pour les assurés avec des carrières longues soit maintenu dans le système universel. Le dispositif de carrières longues spécifiquement applicable aux travailleurs handicapés devrait être amélioré avec un âge de départ en retraite anticipé fixé entre 55 et 59 ans en fonction de la durée d’activité accomplie en situation de handicap, sur la base d’un taux d’incapacité de 50 %. Place aux discussions… car rien n’est gravé dans le marbre.

Seniors et chômage : quelle solution ?

Le projet de Jean-Paul Delevoye s’appuie sur un âge pivot de départ en retraite à 64 ans. Mais face à cette question de travailler plus longtemps, se pose une autre problématique, celle du chômage des seniors à une période où 1 chômeur sur 3 a plus de 50 ans. Selon une étude du ministère du Travail publiée en mars, la proportion de chômeurs de longue durée reste nettement supérieure chez les plus âgés par rapport au reste de la population active. Ainsi, 60,2 % des plus de 55 ans étaient au chômage depuis plus d’un an en 2018 contre 41,8 % pour l’ensemble des chômeurs de 15 à 64 ans. Sur le front du chômage, la situation des personnes les plus âgées se dégrade à nouveau. Le taux de chômage pour les plus de 55 ans a atteint 6,5 % en 2018. Au cours de cette année, le taux de cette catégorie a bondi de 0,5 point alors qu’il a légèrement fléchi pour les autres actifs (– 0,2 point).

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