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« Les Ehpad sont en sous-effectif chronique »

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Des députés La République en marche, dont Monique Iborra, ont constitué un groupe de travail sur le grand âge et l’autonomie. Celui-ci rendra ses réflexions courant septembre à la ministre des Solidarités et de la Santé, en vue de la future loi sur la dépendance.
Dans quel contexte ce groupe de travail est-il né ?

Nous rentrons dans l’acte II de la mandature. Dès lors, nous voulons changer les méthodes de travail, les améliorer. Nous voulons aussi améliorer notre manière de participer à la confection de la loi. Jusqu’à présent, nous attendions d’avoir le projet de loi du gouvernement pour nous organiser, convoquer des auditions, amender si nécessaire le texte… Tout en étant évidemment, et peut-être même plus que sous le mandat précédent, en lien avec le gouvernement. Désormais, nous travaillons en amont. Cette méthode nous semble être la bonne. D’autant qu’il y a urgence sur le sujet car les gouvernements précédents ne sont jamais allés jusqu’au bout. Cela a toujours été par petits morceaux. Par exemple, la loi « ASV » [relative à l’adaptation de la société au vieillissement de 2015, Ndlr] n’a traité que le domicile. Jusqu’à présent, quand on traitait le problème du vieillissement, on définissait une enveloppe et l’on faisait entrer les besoins dans cette enveloppe. Nous, nous essayons de faire autrement. Nous déterminons ce que veulent les personnes âgées, ce qu’elles attendent, parce qu’elles sont les premières concernées. C’est pour cela qu’il y a eu la concertation « grand âge et autonomie ». D’autant que, au-delà d’une loi sur le vieillissement, nous voulons une vraie loi sociétale. Il est donc normal de s’adresser directement aux personnes concernées. D’autre part, nous avons voulu traiter la loi d’une manière très large, et non pas cloisonnée. D’où le rapport « Libault » et ses 175 propositions qui traitent l’ensemble du grand âge. Aujourd’hui, le gouvernement prévoit un projet de loi pour la fin de l’année. C’est là que nous intervenons. Indépendamment du travail fourni par le gouvernement sur le sujet, le groupe LREM à l’Assemblée a décidé de commencer à réfléchir sur ce que nous voudrions voir apparaître dans la loi. Nous avons donc mis en place ce groupe de travail sur le grand âge et l’autonomie il y a près de deux mois désormais.

Etes-vous totalement indépendants ?

Oui. Même si nous avons déjà rencontré deux fois le cabinet de la ministre pour savoir sur quelles thématiques partir. Pour autant, nous ne savons pas ce que le gouvernement prépare. Nous ne savons pas réellement quel va être le contenu de la loi. Nous avons également demandé à auditionner Myriam El Khomri [fraîchement missionnée par Edouard Philippe pour réfléchir à une revalorisation des métiers du grand âge et de l’autonomie, Ndlr](1). Pour autant, nous n’avons pas la volonté de mettre en place un rapport de force avec le gouvernement. Nous n’allons pas imposer nos propositions.

Comment fonctionnez-vous ?

Nous avons mis en place quatre groupes de travail dans lesquels sont associés tous les députés LREM qui le veulent. Le premier groupe, dirigé par Audrey Dufeu Schubert (Loire-Atlantique), réfléchit à l’aspect sociologique : quelle place pour les personnes âgées aujourd’hui dans notre société ? Le deuxième, que je pilote, se concentre sur l’organisation, la prévention de demain, et étudie aussi l’Ehpad du futur. Le troisième groupe, présidé par Annie Vidal (Seine-Maritime), concerne le droit des personnes âgées et des aidants. Enfin, le dernier groupe, et non des moindres, géré par Marie Tamarelle-Verhaeghe (Eure), réfléchit au financement. Nous couvrons donc à peu près tous les champs. Et, à l’intérieur de chaque groupe, il y a un député responsable qui organise des auditions, réfléchit à ce que l’on aimerait voir dans la loi à partir de ces éléments-là. Avec quelle opérationnalité, quelle gouvernance… Nous allons terminer les auditions à la fin juillet et les reprendre en septembre. Une fois celles-ci terminées, nous allons nous retrouver pour faire une synthèse de ce que chacun a conclu de son groupe de travail. Cette synthèse sera ensuite remise à la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn.

Dans quelle mesure vous appuyez-vous sur le rapport « Libault » ?

Nous sommes d’accord sur un certain nombre de propositions issues de celui-ci. Mais si l’objectif était de simplement reproduire ce rapport, cela n’aurait aucun intérêt. Concrètement, nous allons faire des propositions en accord ou en désaccord avec ce texte. Mais ce ne sera pas un énième rapport sur la situation d’urgence. Notre objectif est d’aller plus loin, d’approfondir pour faire des propositions en vue de la future loi.

Pourquoi ce groupe de travail n’est-il pas transpartisan ?

Un groupe de travail transpartisan aurait eu comme conséquence, a priori, que la loi soit votée à l’unanimité, ou presque. Et ça, ça n’existe pas. De toute façon, comme d’habitude, chaque groupe politique pourra faire des propositions par le biais d’amendements. Ils font donc de leur côté exactement la même chose que nous. Il est tout à fait normal que la majorité travaille de son côté pour pouvoir faire ses propres propositions. D’ailleurs, je pense que, sur cette loi, on devrait pouvoir arriver à trouver des points de convergence entre les partis. En effet, il n’y a pas eu de critiques politiques après les derniers rapports publiés sur le sujet. Il y aura très certainement des discussions sur la question du financement, qui est l’un des sujets les plus clivants. Mais sur les autres grandes thématiques, il semble y avoir une certaine convergence des points de vue.

Les acteurs du terrain demandent des moyens immédiats (40 000 postes supplémentaires, notamment) et ne sont pas entendus…

Effectivement, il y a urgence. Mais l’urgence existe aussi bien pour le grand âge que pour les services d’urgence, les hôpitaux… Cependant, traiter le problème de l’urgence par le biais de l’augmentation des effectifs n’est pas suffisant. Il faut des réformes beaucoup plus importantes. Ce qui prend du temps. Pour autant, je pense comme eux : les Ehpad sont en sous-effectif chronique. Or, quand je le dis, on me répond que des postes sont libres, que des recrutements sont possibles, mais que personne ne veut y aller. C’est parce que nous avons attendu tellement longtemps avant de prendre les choses en main qu’aujourd’hui, même si l’on veut recruter, on ne peut pas. En effet, les métiers ne sont pas assez attractifs. C’est pour cela qu’Agnès Buzyn a nommé Myriam El Khomri. Attendons donc de voir ce qu’elle va proposer mais, je peux vous l’assurer, je ne lâcherai pas sur ce sujet. Je peux comprendre la colère des acteurs du terrain. On leur dit qu’il faut attendre parce qu’il faut faire des transformations en profondeur. C’est vrai. Mais ces transformations n’ont jamais été faites. Ce qui pose les problèmes actuels. Cependant, je pense qu’il y a aussi des solutions à trouver au niveau local. Il est possible de faire des choses en attendant. Même si, évidemment, ce n’est pas la solution. Cela permet toutefois de régler quelques problèmes. Par exemple, lors de la canicule, j’ai interpellé le Pôle emploi et l’agence régionale de santé d’Occitanie pour voir comment il était possible de recruter des personnes afin de venir en aide aux personnes âgées de la région. Aujourd’hui, nous n’avons pas la capacité d’augmenter les effectifs parce qu’il n’y a pas assez de monde pour venir travailler dans les structures. C’est quand même dramatique d’en être arrivé là. Ce sujet n’a pas été traité comme il le fallait. Il a toujours été mis sous le tapis. Le gouvernement considère qu’il s’agit d’une des lois les plus importantes de la mandature. Il faut la réussir. Cependant, on ne peut pas tout traiter en urgence. C’est impossible. Il faut aller en profondeur. Et dans le secteur des personnes âgées, le périmètre est énorme. C’est pour cela que nous avons mis en place ces quatre groupes de travail. Ce que nous ne faisions pas auparavant. Ce qui démontre bien que nous prenons le sujet très à cœur.

Une fois vos conclusions remises, que va-t-il se passer ?

Nous allons remettre la synthèse de notre travail à Mme Buzyn à la fin du mois de septembre. Mais ensuite nous continuerons à avoir des réunions avec le ministère et les acteurs de terrain. En effet, je suggère que l’on fasse valider nos propositions par les acteurs mais aussi par ceux qui vont en bénéficier. J’insiste : nous ne sommes pas là pour faire un rapport de force avec le ministère.

En marche vers la loi…

Depuis la publication en mars du rapport « Libault », les choses avancent pas à pas. En avril, Fabrice Perrin a été nommé conseiller spécial chargé auprès d’Agnès Buzyn du secteur médico-social et de la réforme du grand âge. En juin, Edouard Philippe a confié à Audrey Dufeu Schubert (LREM) une mission sur l’âgisme. Enfin, début juillet, Agnès Buzyn a missionné Myriam El Khomri en vue de réfléchir à une revalorisation des métiers du grand âge. Des initiatives qui, pour autant, ne calment pas les acteurs de terrain, lesquels réclament toujours la création de 40 000 postes supplémentaires d’ici à la fin de l’année.

Notes

(1) Voir ASH n° 3119 du 12-07-19, p. 14.

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