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« La bureaucratie a miné les valeurs du travail social »

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Directeur général du European Social Network, le réseau des services sociaux en Europe
De nombreux acteurs de la protection de l’enfance parlent d’un système à bout de souffle, est-ce une particularité française ?

Le travail de la protection de l’enfance – et d’une manière plus générale le travail social – est en crise. Les services de protection de l’enfance en Europe sont devenues des organisations peu enclines à prendre des risques. L’effet général de cette culture bureaucratique a été de miner les valeurs du travail social et de réduire la confiance de l’opinion publique dans ces services. Le système de protection de l’enfance doit faire face à des pressions qui s’expliquent par la charge de travail, par les exigences de la société pour être efficace et les conflits entre parents lésés et travailleurs sociaux, qui doivent être résolus par un processus judiciaire.

Le besoin de repères, thème de ces 12es Assises de la protection de l’enfance, sous-entend qu’il y a une perte de sens pour les professionnels (éducateurs, juges des enfants…). Peut-il s’expliquer notamment par des changements de paradigmes ?

Nous avons assisté à des changements profonds dans le système de protection de l’enfance partout en Europe. Comme en France, pendant longtemps, la maltraitance des enfants était considérée comme une préoccupation privée plutôt que sociétale. Cependant depuis les 50 dernières années, la protection de l’enfance a changé considérablement. Au fil des ans, la construction sociale de ce secteur s’est fondé sur un paradoxe entre l’objectif de protéger les enfants et celui de soutenir leurs familles à être de meilleurs parents, ce qui a conduit à des attentes irréalistes quant à ce que les travailleurs sociaux en protection de l’enfance peuvent réellement faire pour la société. L’intégration de ces fonctions implique de former les professionnels afin qu’ils puissent assurer le bien-être des enfants et travailler avec les familles, qui souvent perçoivent le travail des acteurs sociaux avec suspicion du fait de leur intrusion dans la vie familiale.

Vous affirmez que même si les systèmes de protection de l’enfance sont différents d’un pays à l’autre, les problèmes sont les mêmes.

La nécessité, par exemple, de renforcer les capacités en psychiatrie et en services de santé mentale pour les enfants et les adolescents est un point crucial dans la plupart des pays alors que la problématique psychiatrique des familles et des enfants est de plus en plus prégnante. Par ailleurs, les estimations élevées des taux de maltraitance montrent que toutes les sociétés devraient faire du renforcement des systèmes de protection de l’enfance une priorité nationale. En Allemagne, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, à la suite de scandales liés à des abus sexuels sur des enfants, les gouvernements ont chargé des examinateurs indépendants de recueillir des données sur ce problème et de formuler des recommandations spécifiques pour réformer les services de protection de l’enfance.

Quelles sont, selon vous, les pratiques qu’il faudrait privilégier en France ?

La nature et l’intensité de l’accompagnement à mettre en œuvre ainsi que les compétences et les ressources à mobiliser pour répondre aux enjeux de l’action à domicile méritent d’être approfondies. Il convient aussi d’explorer la diversité des outils, des modes d’intervention et des pratiques innovantes qui ont émergé dans d’autres pays et en France. Il s’agit de répondre plus finement à la diversité des situations familiales et à l’articulation entre des décisions judiciaires et des services de protection locaux pour accompagner l’enfant et sa famille. Il faut également clarifier la répartition des responsabilités entre les parents, le service de protection de l’enfant, professionnels de proximité…

Selon vous, la protection de l’enfance n’est pas de la seule responsabilité de l’aide sociale à l’enfance. Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?

Tous les pays de l’Union européenne sont liés par la Convention des Nations unies sur les droits de l’enfant et se sont engagés à respecter l’intérêt supérieur de l’enfant dans toutes les décisions qui les concernent. Par conséquent, tous les pays de l’Union devraient continuer à mettre l’accent sur la promotion du bien-être des enfants et soutenir les services de la petite enfance, la prévention de la négligence, des abus et de la violence, ainsi que l’égalité des chances pour les enfants défavorisés. La protection de l’enfance devrait être une responsabilité de tous et pas seulement des professionnels de ce secteur.

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