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« J’ai peur d’un éclatement au sein de la profession »

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Formateur en travail social et juriste spécialiste en secret professionnel, ce membre du Gisti pointe les nombreux problèmes éthiques que soulève cette instruction.
Qu’est-ce qui pose réellement problème avec cette instruction ?

L’objectif principal de la circulaire est de dissuader les étrangers de venir dans les dispositifs d’hébergement. C’était déjà le cas avec la circulaire « Collomb » de décembre 2017 : l’idée étant qu’ils ne puissent pas être accueillis dans un espace sans être contrôlables. Plus que des contrôles effectifs, il s’agit de créer une pression sur les migrants. Il n’est question de lister les sans-papiers ni dans la loi, ni dans la circulaire, mais quand il faut faire remonter tous les mois la liste des demandeurs d’asile et celle des réfugiés, il suffit de faire le différentiel et vous aurez ceux qui ont été recalés.

Quelles sont les conséquences pour les travailleurs sociaux ?

Cela va créer des tensions dans les structures entre ceux qui vont jouer le jeu et remonter mensuellement les informations et ceux qui vont refuser. Je l’ai vu récemment dans un service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO). On a aussi reçu des messages de professionnels qui demandaient s’ils pouvaient s’opposer à la loi. Il faudra voir les marges de liberté dont ils disposent malgré les textes, et celles que leurs institutions veulent bien leur accorder. C’est tout le problème des logiques concurrentielles : j’ai eu le cas d’un SIAO qui s’était opposé, il y a quelque temps, à un partage d’informations. La préfète avait répondu : « Si vous ne voulez pas donner les informations que je demande, sachez que notre convention s’arrête l’année prochaine et qu’il y a d’autres candidats pour reprendre le dispositif. » Si les conseils d’administration se montrent plus dociles par peur de perdre leurs contrats, les marges de manœuvre risqueront d’être faibles.

Quels sont les points contestables au niveau éthique ?

Quand on dit dans la circulaire que les exilés doivent être informés des transmissions d’informations, je suis convaincu que cela sera fait au rabais. Qu’est-ce qu’on va dire aux personnes ? Que tous les mois on transmet leurs informations à l’Ofii ? Certains professionnels seront dans la pédagogie, ce qui risque de dissuader les gens. D’autres n’en parleront pas. Cela va créer de vrais problèmes éthiques sur notre transparence. Et est-ce que les professionnels, qui sont invités à orienter les personnes vers les dispositifs d’aide au retour, vont le faire ? Certains vont dire qu’ils ne sont pas là pour organiser l’aide au retour, d’autres vont estimer qu’il y a des migrants qui sont disposés à rentrer et qui pourront au moins avoir droit à une aide financière. Il y a ainsi plusieurs points éthiques complexes que les professionnels vont avoir à discuter collectivement. Le problème, c’est que je pense qu’il ne va pas y avoir d’espace collectif de discussion et que tout se réglera par des positions individuelles. Le travail social et la lutte contre l’immigration clandestine ne peuvent pas cohabiter. Chaque fois qu’on a essayé de demander aux travailleurs sociaux d’y participer, cela a créé des vraies tensions et j’ai peur d’un éclatement au sein de la profession.

Quelles sont les voies de recours à envisager ?

Nous allons voir ce que la circulaire ajoute à la loi. Quand la circulaire « Collomb » a été prise, elle ne s’appuyait pas sur un texte de loi. Le boulevard était plus grand pour la contester. Là, nous avons une loi qui a précédé la circulaire de juillet, ce qui rend le recours contentieux un peu plus aléatoire. Il faut qu’on réfléchisse : un recours perdu est plus risqué politiquement que le combat mené sur le terrain politique et éthique. Au-delà des recours juridiques, il y a des actions à mener. La lettre adressée aux ministres (voir ci-contre) a été signée par un grand nombre d’organisations. C’est à mon sens une erreur politique et stratégique de la part du gouvernement que de s’être attiré les foudres des grands réseaux d’associations dont il a terriblement besoin pour l’hébergement d’urgence. S’il avait été plus conciliant sur certains points, il n’y aurait pas eu un tel consensus contre lui. J’espère que cela va interroger l’exécutif.

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