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PCH : vers un grand toilettage ?

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Le diagnostic a été posé à plusieurs reprises : la prestation de compensation du handicap (PCH) doit être simplifiée, rénovée, renforcée pour répondre aux besoins des personnes.Les travaux de la 5e Conférence nationale du handicap remettent ce dossier sous le feu des projecteurs.

« L’accompagnement des parcours [des personnes en situation de handicap] s’appuie aussi sur la prestation de compensation du handicap. Pour renforcer le pouvoir d’agir des personnes, nous devons avancer vers une PCH simplifiée et couvrant mieux les besoins », a déclaré, le 10 juillet, Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat auprès des personnes handicapées lors de la restitution des travaux de la 5e Conférence nationale du handicap (CNH).

Créée par la loi du 11 février 2005, la PCH bénéficie aujourd’hui à plus de 280 000 personnes et a représenté en 2017 une dépense de 1,9 milliard d’euros, dont 91,5 % pour l’aide humaine. Selon les chiffres de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), 316 000 demandes de PCH ont été examinées en 2018 (soit 3 % d’augmentation). Mais, depuis de nombreuses années, cette prestation cristallise un ensemble de critiques et de propositions d’évolutions de la part des associations représentant les personnes handicapées. « La PCH concentre en effet aujourd’hui un certain nombre d’insatisfactions de la part des personnes : outre la perception d’un traitement différencié entre les territoires pour une situation analogue, la PCH est perçue comme un dispositif complexe marqué par l’hypercontrôle, rigide dans sa mise en œuvre, et ne permettant pas de couvrir l’ensemble des besoins de la personne », soulignait le rapport « Plus simple la vie, 113 propositions pour améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap », remis le 28 mai 2018 au gouvernement. Un constat qui rejoint celui du rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) datant de novembre 2016 sur l’évolution de la PCH. La mission Igas reconnaissait alors que cette prestation était « innovante » avec des principes « originaux et ambitieux : universalité (l’ensemble des surcoûts liés au handicap est visé), évaluation individualisée, attribution individuelle, absence quasi totale de condition de ressources » mais « relativement complexe » et soulevant « de nombreuses questions dans sa mise en œuvre ».

Extension des aides humaines

Parmi les cinq chantiers de la 5e Conférence nationale du handicap 2018-2019, qui sera clôturée en octobre par le président de la République, un groupe de travail composé de personnes en situation de handicap, de représentants des associations, de membres du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) et d’administrations centrales a examiné, entre décembre 2018 et mai 2019, les mesures visant à « rénover la PCH afin d’améliorer l’accès à cette prestation, renforcer sa juste attribution et mieux prendre en compte les besoins des personnes ». Ce groupe de travail était placé sous la houlette de deux corapporteures, Marie-Pierre Martin, première vice-présidente du conseil départemental de Maine-et-Loire, et Cécile Tagliana, adjointe au directeur général de la cohésion sociale (DGCS). « Nous avons reçu de nombreuses contributions écrites [des principales associations concernées] extrêmement détaillées avec beaucoup d’exemples très concrets, a expliqué Cécile Tagliana. Le groupe de travail avait pour objectif de formuler des propositions d’amélioration de la PCH pour les personnes et en même temps pour les MDPH [maisons départementales des personnes handicapées], pour améliorer à la fois le travail des personnels des MDPH et le traitement de la PCH par les MDPH. Il y a eu des réunions de travail avec le groupe de travail de la CNH sur les MPDH pour croiser les propositions et voir si elles étaient bien en cohérence. »

Au nombre des propositions présentées le 10 juillet devant le CNCPH et la secrétaire d’Etat, on retrouve, sans surprise, celles réclamées de longue date par les associations et, pour certaines, déjà formulées par le rapport de l’Igas de 2016.Première d’entre elles : intégrer dans la PCH le temps de préparation des repas et de la vaisselle, et assurer une aide-ménagère aux personnes qui vivent seules. « L’élargissement de la PCH “aide humaine” aux activités ménagères est une demande et une attente très forte des personnes en situation de handicap, qui ne comprennent pas que l’on puisse répondre à leurs besoins d’aide dans les actes essentiels de la vie et que l’on ne puisse pas, de la même manière, les aider à vivre dans un environnement propre et décent », soulignait Malika Boubekeur, conseillère nationale « compensation » de l’APF France handicap, dans sa contribution écrite au groupe de travail. Avant d’ajouter : « La situation est de plus en plus difficile pour les personnes en situation de handicap, en particulier les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) qui ont opté pour cette prestation, car les critères d’admission (plafond de ressources) à l’aide sociale et donc aux services d’aide ménagère proposés par le département ou la commune sont inférieurs de quelques euros au montant de l’AAH. » Afin d’alléger les démarches administratives, la mission propose une simplification de la demande d’aide ménagère départementale, qui prendrait la forme « d’un dossier unique de demande PCH-aide ménagère, sans forcément solliciter l’avis du centre communal d’action sociale (CCAS) », a suggéré la corapporteure Marie-Pierre Martin.

Autre attente forte des personnes : inclure une aide à la parentalité pour les parents en situation de handicap et développer des services adaptés sur le territoire. L’aide à la parentalité des parents handicapés n’est, en effet, mentionnée ni dans la loi du 11 février 2005 ni dans ses textes d’application sur la PCH, notamment ceux qui traitent des aides humaines. « C’est un angle mort de la politique de compensation », reconnaissait le ministère il y a deux ans. La CNH 2016 et le comité interministériel du handicap (CIH) avaient déjà prévu le financement de l’aide à la parentalité pour les parents en situation de handicap, mais cette mesure n’a jamais vu le jour. Pour l’heure, seul le conseil départemental d’Ille-et-Vilaine finance une aide extralégale, dite « aide à la parentalité », pour soutenir les parents handicapés de jeune(s) enfant(s). Alors qu’une majorité des bénéficiaires de la PCH (52 %) payés au titre d’une aide humaine recourent à des aidants familiaux, la défiscalisation du dédommagement de l’aidant figure dans la liste des évolutions souhaitées, ainsi que l’automaticité de l’attribution de l’assurance vieillesse des parents au foyer.

Le cas du handicap psychique

A l’instar du rapport Igas de 2016, le groupe de travail de la CNH recommande la mise en place d’un groupe de travail spécifique pour mener une réflexion sur « une PCH adaptée aux personnes avec un handicap psychique, cognitif, mental ou neurodéveloppemental ». Ce public, souvent en état de réaliser sans difficulté grave ou absolue les actes essentiels de l’existence, se retrouve plus difficilement éligible aux aides humaines financées par la PCH. A la suite du comité interministériel du handicap du 2 décembre 2016, un décret en date du 2 mai 2017 modifiant l’annexe 2-5 du code de l’action sociale et des familles (référentiel d’accès à la prestation de compensation du handicap) avait affiné les critères d’éligibilité à la PCH des personnes en situation de handicap psychique. En guise de mode d’emploi, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) avait publié le 3 mai un guide d’appui pour l’élaboration de réponses aux besoins des personnes vivant avec des troubles psychiques, afin d’aider les équipes pluridisciplinaires des MDPH à appréhender les besoins de compensation de ces personnes. Mais, sur le terrain, c’est loin d’être encore le cas… « Le non-accès à la PCH est un frein à la prévention et au processus de rétablissement de certaines personnes, et a également des conséquences très lourdes pour les proches aidants. Il en résulte une absence d’amélioration de la qualité de vie et de l’état de santé de la personne, voire une dégradation. Pour certains publics, le risque est de multiplier les hospitalisations ou d’augmenter leur durée », déplorent l’Unafam, Santé mentale France et l’Unapei dans leur contribution écrite commune. « Pourtant, ajoutent les trois associations, des travaux commencent à montrer les gains économiques et l’impact social positif de penser la PCH dans un processus plus large de qualité de vie et de promotion de la santé des personnes : réduction des coûts, renforcement de l’autodétermination et de la possibilité de faire des choix, renforcement de la continuité de parcours et limitation des ruptures d’accompagnement… »

Simplifier l’instruction des demandes

Les délais moyens d’attribution de la PCH sont de plus de cinq mois. Les écarts de délais de traitement entre les MDPH peuvent aller de 1 à 4. « Il est inadmissible d’avoir à attendre jusqu’à douze, voire dix-huit mois pour obtenir une telle compensation », a souligné Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, dans son discours de clôture. Les corapporteures préconisent donc de poursuivre des travaux afin de simplifier l’instruction des demandes de PCH, notamment l’évaluation réalisée par la MDPH. Objectif : « instaurer une relation de confiance avec l’usager, les professionnels qui l’entourent et faciliter l’autoévaluation lorsque l’état de santé de la personne le permet. »

Au rang des simplifications proposées, on retrouve également : établir des référentiels de surcoûts indicatifs (puis des tarifs) pour les constructions neuves ou extensions indispensables et pour les véhicules aménagés d’occasion, aligner les durées d’attribution des droits des différents éléments de la PCH. Pour les handicaps non susceptibles d’évolution favorable (et sans aggravation), le groupe de travail propose que les formalités à l’appui du dossier de demande de renouvellement des droits à PCH soient simplifiées. Par exemple, ne pas demander un nouveau certificat médical quand la situation de handicap n’est pas susceptible d’évoluer. Interpellant les corapporteures, Malika Boubekeur a insisté sur la nécessité d’alléger les contrôles d’effectivité « trop intrusifs, trop stricts » et qui constituent selon elle un élément « très dissuasif » pour les demandes de PCH par les personnes en situation de handicap.

Pour faire évoluer la PCH, un chantier de taille s’annonce. Le 4 juillet, le conseil de la CNSA a formulé lui aussi des pistes d’évolution et d’extension de cette prestation, qui couvrirait « aides techniques, aides au vivre chez soi, aides à la parentalité et aides à la participation sociale ». L’Etat a pris acte de ces propositions. Reste à savoir quelles propositions seront retenues et quels financements seront débloqués pour les concrétiser.

Une mission nationale « aides techniques et numériques »

Les corapporteures de la mission sur la PCH ont proposé la mise en place d’un groupe de travail « interrogeant le parcours utilisateur afin d’accéder aux aides techniques et améliorer leur solvabilisation ». La secrétaire d’Etat auprès des personnes handicapées a annoncé, dans son discours de clôture, « la mise en place à la rentrée d’une mission nationale portant sur les aides techniques et numériques ». Et d’ajouter : « Ces travaux s’appuieront sur l’expertise des technicothèques comme celles d’Angers ou de Nantes, sur l’économie circulaire, pour faire la chasse au gaspillage. »

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