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Pour sortir de l’hôtel

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En Auvergne, l’association ALS permet à des familles déboutées du droit d’asile et qui ont souvent erré de rues en hôtels, de retrouver une sérénité grâce à un appartement fixe et un soutien renforcé. Tout en observant que les démarches administratives se résolvent d’autant mieux quand la question de l’hébergement ne se pose plus.

Il a fallu du temps… Du temps pour que l’Atelier logement solidaire (ALS) signe une convention en 2013 avec le conseil départemental du Puy-de-Dôme. Mais selon Audrey Vigignol, directrice de l’association, cela valait le coup. « L’accompagnement des familles se heurtait à la question de l’hébergement, qui conditionne tout le reste. Impossible de s’occuper de quelconque démarche quand on ne sait pas où on va dormir le soir même. » Alors, à Clermont-Ferrand, dès 2010, la Cimade, le Secours populaire et le Secours catholique imaginent une alternative à l’hébergement d’urgence en hôtel, solution onéreuse et précaire. « C’est la synergie du social et du caritatif qui a permis cela. L’objet de l’ALS est le développement de projets en innovation sociale dans le domaine du logement », précise Audrey Vigignol, qui dénonce par ailleurs « une forme d’hypocrisie de l’Etat, qui exclut volontairement de ces plans d’action les personnes dont le droit au séjour est incomplet ». Un problème de taille se pose pour ces familles déboutées du droit d’asile. Elles ne peuvent accéder ni aux logements sociaux, ni aux structures de type CHRS (centre d’hébergement et de réinsertion sociale). Bien souvent, elles se retrouvent à l’hôtel faute de réponses appropriées. « Or un hôtel n’est pas un espace de stabilisation pour une vie de famille, et une telle situation n’est pas non plus adaptée pour un suivi social. De plus, les nuitées d’hôtel coûtent cher et certains hôteliers en ont fait leur marché. »

En 2013, le 115 traverse une crise et arrête les prises en charge pendant une période à cause d’arriérés de paiement de la part de l’Etat. « A ce moment-là, sur la ville, nous avions une centaine de personnes sans aucune solution. » Le conseil départemental, dans sa politique de lutte contre l’exclusion et sa mission de protection de l’enfance, adopte l’idée de l’ALS. Une idée qui prend le nom d’Alternativ’hôtel. Soit, au démarrage, dix logements dispatchés dans la ville, issus du parc HLM ou du privé, avec un loyer à bas coût et une sécurité locative pour les propriétaires. Aujourd’hui, l’association dispose de 24 logements pour 25 familles (un appartement est une colocation solidaire). Du T2 au T5, les appartements sont meublés et entretenus. Le seul critère pour y avoir accès est d’être une famille déboutée du droit d’asile avec enfant(s) mineur(s), et donc d’avoir écopé d’un refus de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). L’accueil se fait pour une durée de six mois, renouvelable tant qu’aucune autre solution ne se profile. « Nous observons deux ans et demi en moyenne de prise en charge, avec un taux de rotation de 25 %, soit environ cinq sorties par an », expose la directrice. Alternativ’hôtel compte à présent quatre salariés : une directrice, deux éducatrices spécialisées (formées au droit des étrangers) et un technicien, qui gère l’ensemble des logements, l’entretien et les emménagements-déménagements. Mais le toit n’est que la première étape. « Ce n’est pas juste un logement. Nous proposons un accompagnement social global. » Cet accompagnement renforcé fait que « les familles sont très actives dans leurs démarches », note Karine Boyer, l’une des deux éducatrices, en poste depuis deux ans et demi.

Se remettre en mouvement

La professionnelle, qui a travaillé quinze ans en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada), observe une diminution des protections pour ces publics. « L’Etat va à l’encontre de l’hospitalité bienveillante. Il y avait donc une partie douloureuse dans mon travail précédent. Que fait-on avec ces personnes qui sortent du droit commun ? Alternativ’hôtel répond ainsi à une inquiétude majeure. » Pour mieux aider ces familles, le département et l’association ALS ont créé une structure ad hoc et une commission. Les Cada, les assistantes sociales, les associations locales peuvent ainsi solliciter l’ALS pour un logement. Le département reçoit les dossiers de demande et les confie à l’équipe d’Alternativ’hôtel pour une première analyse. Il aura ensuite le dernier mot sur les familles prioritaires. Mais l’attente est parfois longue. « Dernièrement, pour une sortie, nous avions 70 dossiers en attente », explique la travailleuse sociale.

Cependant, la stabilisation dans un logement privé et l’accompagnement par des professionnelles portent leurs fruits. De l’accès aux soins (souvent par l’aide médicale de l’Etat) à l’accès aux droits (les démarches juridiques liées à la régularisation), en passant par l’insertion professionnelle et la scolarité des enfants, les éducatrices sont sur tous les fronts. Pour les démarches juridiques et l’apprentissage du français, la Cimade se révèle une aide précieuse. L’ALS travaille également avec des associations d’éducation populaire et encourage les familles à faire du bénévolat. « Le paradoxe pour ces familles-là est qu’on leur demande de prouver qu’elles veulent s’intégrer tout en leur refusant le droit de travailler ! », s’étonne Karine Boyer.

Pendant les six premiers mois dans leur nouveau logement, les familles se posent et essaient de retrouver des habitudes. « Ce n’est pas rien, constate l’éducatrice. Ne serait-ce qu’avoir une cuisine à soi est un changement par rapport à une chambre d’hôtel. Ne plus faire constamment ses valises aussi. » Puis vient le temps de se projeter à nouveau, d’envisager la suite. Le but d’Alternativ’hôtel étant de permettre à ces familles d’accéder à un logement pérenne et à l’autonomie. « Nous sommes dans une démarche de coopération, relate Audrey Vigignol. Les familles sont pleinement associées à la vie de l’association. Nous avons une équipe de foot, des ateliers cuisine, et allons lancer un cercle de contes pour les enfants. » L’association dispose également d’une caisse d’entraide : « Les personnes qui ont des revenus participent à hauteur de 10 % de leur salaire. Cela permet par exemple de financer des titres de séjour. C’est un outil participatif. » Cette dynamique remet d’aplomb des familles aux parcours très chaotiques. « Chacune va à son rythme, observe Karine Boyer. Certaines sont arrivées épuisées, accablées. Les plus fragiles peuvent enfin décompresser un peu. Un logement fixe permet une reconstruction, une remise en mouvement dans une société qui a cherché à les invisibiliser. » Les professionnelles vont jusqu’à remarquer des changements physiques, mais aussi une appropriation sereine des logements. « Il y a un lien de confiance à rétablir. Avec les institutions, mais aussi avec eux-mêmes. On se base sur les ressources qu’ont les personnes pour mieux rebondir. »

Ce qu’apprécie la travailleuse sociale est avant tout d’« avoir le temps ». Le temps d’accompagner, de bien faire son métier. Pour les familles, ces démarches semblent très longues, mais le fait d’avoir un logement stable les plonge dans une bonne dynamique. « Je me dis souvent que je les trouve très patientes », note Karine Boyer. Une fois la régularisation établie, le plus souvent dans la catégorie des « admissions exceptionnelles », les familles ont trois à six mois pour sortir du dispositif de l’ALS. « Mais on constate que, dès qu’il y a des papiers, très vite il y a du travail et un logement. » Pour une réponse au final moins coûteuse que les nuitées précaires en hôtel, Alternativ’hôtel propose donc à des familles en grande difficulté d’insertion une stabilité reconstructrice. De quoi pousser à la réflexion d’autres départements dans le besoin.

Repères

FINANCEMENTS.

Alternativ’hôtel fonctionne comme les hôtels avec lesquels travaille le département. Le dispositif lui facture une prestation. Cette source de revenus permet de payer le technicien, mais également les loyers des appartements, les charges et les assurances. Cela revient au département à 5,50 € par jour et par personne, contre environ 25 € pour un hôtel. Le conseil départemental verse par ailleurs des subventions qui viennent compléter le budget : salaires des professionnelles et charges de fonctionnement.

LA SUITE.

L’association monte un projet pour les mineurs non accompagnés (MNA). En septembre, l’ALS coordonnera ainsi un réseau de familles d’accueil solidaires. Les familles seront sélectionnées par l’association, validées par l’aide sociale à l’enfance et formées à la protection de l’enfance. L’accompagnement global sera fait par l’ALS et un poste d’éducateur sera créé.

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