Recevoir la newsletter

« Les travailleurs sociaux sont isolés »

Article réservé aux abonnés

Georges Jovelet, psychiatre, revient sur les difficultés rencontrées par les travailleurs sociaux dans la prise en charge des personnes atteintes du syndrome de Diogène.
Quelles précautions prendre dans l’intervention auprès des « Diogène » ?

Les travailleurs sociaux confrontés à l’accompagnement de ces personnes savent combien il faut savoir négocier, apprivoiser l’autre, être souple, prendre du temps car les solutions sont longues à mettre en place. Ce type de prise en charge soulève des questions éthiques, c’est-à-dire de conscience, autant que pratiques. L’évaluation des actions est délicate entre en faire trop ou trop peu, entre le risque d’interventions intrusives au domicile et la non-assistance à personne en danger. Le travailleur social doit éviter d’intervenir seul et doit chercher à recourir à d’autres professionnels. La prise en charge est longue, compliquée et il n’y a pas de solutions immédiates, d’où l’intérêt d’avis et de regards autres et du partage d’expériences. S’il y a une parenté dans les différentes formes prises par l’incurie, on observe toutefois une variété des âges chez le sujet, allant du jeune (syndrome d’hikikomori) à la femme d’âge mûr, une variété des lieux de vie (domicile, résidence-autonomie, Ehpad, prison), des milieux sociaux et des modalités de réponses aux intervenants.

Comment nouer une relation de confiance ?

Le travailleur social peut rétablir les droits sociaux, des droits à la retraite, régler la situation de contentieux avec les impôts, les impayés de loyer pour établir la confiance. Il peut proposer un lieu de rencontre neutre si la personne ne le laisse pas entrer chez elle. Il est possible de procéder à une politique des petits pas amenant progressivement à l’acceptation de soins, au nettoyage du logement grâce à la présence d’un professionnel de l’aide à domicile. Mais ce sont des situations difficiles à gérer car si au départ la personne affirme tout accepter, elle peut refuser à nouveau de coopérer. Les acquis sont fragiles.

Le désencombrement de l’habitat est un point délicat…

L’entassement peut avoir duré des dizaines d’années sans alerter un voisinage tolérant ou indifférent. Il représente une sorte de protection, une solution toujours singulière pour le sujet. Ce choix inconscient est coûteux si l’on considère la mortification, l’isolement, la mise en risque physique et mentale que ce mode de survie comporte. Une intervention brutale telle une hospitalisation d’autorité couplée au vidage du logement peut entraîner un sentiment de menace et d’anéantissement. Le sujet se retrouve « vide », démuni, dépouillé. Cette conjoncture peut induire un risque de bascule dépressive grave, des pulsions suicidaires et disqualifier durablement les intervenants.

La prise en charge pluridisciplinaire est-elle toujours possible ?

Les travailleurs sociaux sont en pratique isolés face à ces situations. Les médecins traitants se déplacent de moins en moins. Certains services psychiatriques refusent d’intervenir s’il n’y a pas une demande de la part de la personne elle-même ou si cette dernière n’est pas dans leur file active. Les travailleurs sociaux témoignent de situations où les patients acceptent différentes formes d’aide à l’exception de la psychiatrie dont ils gardent une mauvaise expérience. Comment les amener à accepter l’avis de l’infirmière psychiatrique de l’équipe mobile quand ces personnes relèvent d’une telle évaluation et de tels soins avec ou sans hospitalisation ? Au domicile, aucune contrainte ne peut s’exercer à l’égard d’une personne aux seules fins de recevoir un infirmier psychiatrique ou aller au centre médico-psychologique afin d’établir une première rencontre. Les travailleurs sociaux sont alors les seuls intervenants à être acceptés par la personne et ils se retrouvent à porter des cas lourds.

Repères

Georges Jovelet est psychiatre des hôpitaux, diplômé de droit, d’anthropologie et d’éthique, ancien chef de pôle à l’établissement public de santé mentale départemental (EPSMD) de Prémontré (Aisne). Il a occupé les fonctions de vice-président de la Société de l’information psychiatrique et de membre du bureau national du Syndicat des psychiatres des hôpitaux.

Management

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur