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C’est la mère Michel qui a perdu son chat…

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Moi, le ménage, c’est pas mon truc. A la maison, ma femme et moi avons réparti les rôles : je dérange, elle range, elle trie, jette, range, donne… le seul truc auquel elle a pas le droit de toucher, c’est mon bureau. Parce que mon bureau, c’est ma pièce, ma vie, mon œuvre. S’y entassent pêle-mêle les dessins du fiston, 10 ou 12 tasses de café plus ou moins vides, quelques centaines de livres, trois cactus morts, environ 67 post-it, mon ordi, ma collection de stylos vides mais trop jolis pour être jetés… plus quelques autres bricoles. Bref, mon bureau ferait passer celui de Gaston Lagaffe pour une pub de Marie Kondo, et ça me convient ainsi. Du moins c’est ce que je croyais… jusqu’à ce matin. Jusqu’à cette rencontre.

C’est une petite maison, au bout d’une impasse. Dans cette maison vit une femme d’une soixantaine d’années, élégamment surnommée « la mère Michel ». Les voisins ont appelé la mairie à plusieurs reprises pour se plaindre de l’odeur qui émane des lieux, et je suis missionnée pour aller à sa rencontre. La tâche s’annonce délicate, l’occupante des lieux m’ayant été décrite comme excessivement méfiante.

J’ai soigneusement préparé ma venue. J’ai téléphoné et envoyé plusieurs courriers. Le téléphone a longuement sonné dans le vide et mes courriers sont restés sans réponse.

Je suis venue une première fois, et seul un silence hostile a répondu à mon coup de sonnette.

La deuxième fois, j’ai entendu des pas.

La troisième fois, le rideau d’une fenêtre a bougé.

La quatrième fois, une voix m’a crié de déguerpir.

La cinquième fois, la fenêtre s’est ouverte et j’ai reçu une pomme pourrie en guise d’accueil.

La sixième fois, quand la fenêtre s’est ouverte de nouveau, j’ai reculé prudemment. Nous avons eu des mots. Des mots grossiers, certes, mais des mots.

La septième fois, madame Michel a entrouvert la porte, m’a détaillée de la tête aux pieds et m’a demandé qui j’étais, d’où je venais et qui m’envoyait. Elle semblait persuadée que je venais de la part de son neveu, ce vautour qui ne pensait qu’à son futur héritage ! Il n’aura rien, m’a-t-elle lancé hargneusement ! Pas un centime, rien ! Et elle a claqué rageusement la porte.

Inlassablement, semaine après semaine, j’ai grappillé quelques précieux centimètres au 24 impasse Diogène.

Aujourd’hui, c’est la douzième fois. Et aujourd’hui, moi, Florine, assistante sociale, j’entre enfin dans la maison de madame Michel.

La vue qui s’offre à moi est apocalyptique. Dans la maison s’entassent, pêle-mêle, des meubles sans tiroirs et des tiroirs sans meuble, des papiers, des magazines, des cartons, des vêtements, des poubelles… et un renard empaillé, coincé entre un fauteuil éventré et une collection de cassettes VHS. J’entends miauler quelque part, mais impossible de localiser l’animal.

Je marche prudemment derrière l’occupante des lieux. Si je la perds de vue, à coup sûr, je suis perdue. Çà et là, des petits tas de croquettes sont disséminés dans la maison.

– C’est pour le chat, comme ça il a toujours à manger quelque part, me dit-elle.

C’est la mère Michel qui a perdu son chat…

Demain, promis, je range mon bureau.

La minute de Flo

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