Réduction de la masse salariale et des activités d’insertion, tri des publics accueillis… Les conséquences ne se sont pas fait attendre dans les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) face au plan d’économies qui leur est imposé à hauteur de 57 millions d’euros d’ici la fin du quinquennat et de 20 millions d’euros pour la seule année 2018.
Selon une enquête menée entre janvier et mars 2019 auprès de 190 gestionnaires de CHRS, les restrictions budgétaires qui visent à faire converger les tarifs de ces centres autour d’un tarif moyen unique ont impacté plus de 9 CHRS sur 10 en 2018. Ces économies ont donc touché à la fois les établissements au-dessus des tarifs moyens (40 % des économies générées) mais également et surtout les dispositifs sous-dotés (60 % des économies générées). Ce qui a amené 41 % des gestionnaires interrogés à réduire en priorité le nombre d’intervenants sociaux de leurs structures, notamment éducatifs, et les prestations proposées. Ils ont également été amenés à recruter des profils moins diplômés et moins expérimentés, moins aptes à suivre les cas nécessitant un accompagnement plus complexe : « Nous remplaçons progressivement des éducateurs spécialisés par des moniteurs-éducateurs, des moniteurs-éducateurs par des non-diplômés… », témoigne un des gestionnaires questionnés dans le cadre de cette enquête.
Quant aux prestations, si certaines sont réduites dans certaines structures, comme l’accueil de jour, l’accompagnement juridique proposé aux femmes victimes de violences, d’autres sont tout simplement supprimées. Certaines associations citent l’abandon des temps éducatifs le week-end ou encore la suppression d’ateliers d’aide à l’insertion. Une baisse de qualité se fait aussi ressentir du côté des prestations liées à l’alimentation, avec la fermeture des restaurants, l’arrêt de repas chauds ou encore la réduction des tickets-services.
Pire, la réduction des crédits en CHRS fait craindre une sélection des publics pour 16 % des répondants, avec une priorisation des publics pouvant financer la participation au séjour et, a contrario, la réduction de l’accueil des familles sans ressources. Les associations alertent également sur la fragilisation des dispositifs et activités annexes que soutiennent les CHRS tels que les ateliers et chantiers d’insertion (ACI).
« Comment peut-on à la fois faire évoluer son offre d’accompagnement, ses modalités d’hébergement et les compétences de ses professionnels tout en menant une politique drastique d’économie budgétaire ? », interrogent les associations.
Face aux difficultés soulevées par les associations, la DGCS a dégagé une enveloppe de 5 millions d’euros en 2018 pour neutraliser les effets de ces coupes mais seules 11 % des structures en auraient bénéficié. Des crédits supplémentaires ont également été alloués dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté à hauteur de 10 millions d’euros. Un effort qui reste « insuffisant » pour les associations à l’origine de l’enquête. Un recours en annulation – toujours en instruction – a été engagé le 10 juillet 2018 par la Croix-Rouge française, la Fédération des acteurs de la solidarité, la Fehap, Nexem et l’Uniopss. Les mêmes organisations envisagent de réitérer leur démarche pour 2019. Dans le même temps, plusieurs CHRS ont choisi de manifester leur opposition au budget arrêté pour leurs dispositifs en 2018. Près d’un CHRS sur 10 a ainsi déposé un recours administratif et un CHRS sur 20 a souhaité poursuivre son action devant le juge de la tarification. « Le démarrage de la période de négociation des budgets des CHRS avec les services de l’Etat s’annonce délicat », estiment déjà les associations.