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Santé et sécurité au travail : le suivi médical des salariés

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L’employeur a l’obligation d’assurer un suivi médical régulier de ses salariés. Depuis le 1er janvier 2017, ce suivi médical a été réformé. Ainsi le principe de la visite médicale d’embauche systématique est supprimé. Quelles sont les visites médicales obligatoires ? Quels salariés doivent en bénéficier ? Présentation.

Le suivi médical individuel de l’état de santé des travailleurs a fait l’objet au fil des différentes réformes de modifications et connu d’importantes évolutions. Ce sont la loi du 8 août 2016 – dite loi « travail » – et le décret du 27 décembre 2016 qui ont procédé à une modernisation de la médecine du travail et du suivi de l’état de santé des salariés(1).

Cette réforme est entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2017.

L’ensemble des entreprises, comme les établissements publics à caractère industriel et commercial (Epic) et à caractère administratifs (EPA) employant du personnel de droit privé sont soumis aux obligations fixées par le code du travail en matière de suivi médical des salariés.

Les associations exerçant habituellement leur activité dans les conditions du droit privé sont ainsi elles aussi concernées par les règles citées ci-dessus.

I. De la visite médicale d’embauche à la visite d’information et de prévention

L’une des principales mesures de la loi « travail » et du décret afférent est celle de la gestion de l’embauche des salariés et de leur suivi médical à ce titre. Jusqu’au 1er janvier 2017, tous les salariés embauchés avaient l’obligation de se soumettre à une visite médicale d’embauche. Cette visite devait intervenir en principe avant l’embauche du salarié et au plus tard avant le terme de la période d’essai (code du travail [C. trav.] art. R. 4624-10 ancien, applicable depuis le décret du 30 janvier 2012 et jusqu’au 31 décembre 2016). En pratique, le délai donné à l’employeur était très court et la visite ne pouvait être effectuée que par le médecin du travail. La difficulté résidait également dans l’organisation des visites par les services de santé au travail qui ne bénéficiaient pas nécessairement des moyens suffisants pour prévoir la visite dans les délais et dans des conditions satisfaisantes.

Depuis le 1er janvier 2017, la visite d’embauche a été remplacée par une visite d’information et de prévention réservée aux salariés n’occupant pas de postes à risques.

L’une des particularités principales de la réforme du suivi médical des salariés est le fait que la visite d’information et de prévention est réalisée dorénavant par l’un des membres de l’équipe pluridisciplinaire du service de santé au travail. Ainsi, cette dernière pourra être effectuée par le médecin du travail mais également par un collaborateur médecin, un interne en médecine du travail ou un infirmier en santé au travail.

De surcroît, la visite d’information et de prévention initiale a maintenant lieu dans les 3 mois à compter de la prise effective du poste par principe (C. trav., art. R. 4624-10). Ces nouvelles modalités doivent permettre aux services de santé au travail de parvenir à effectuer réellement le suivi médical des salariés. On peut noter également que le fait que la visite puisse avoir lieu avec un autre professionnel de santé que le médecin du travail facilite certes la tenue de l’obligation mais également le recrutement du personnel affecté au suivi médical des salariés.

On relèvera également que le nom de la visite est passé de « visite médicale d’embauche » à « visite d’information et de prévention », qui exclut le caractère « médical » et permet la réalisation par un professionnel autre que le médecin du travail. Afin de permettre ou tout du moins de garantir un suivi minimal des salariés, l’article L. 4624-1 du code du travail prévoit que le professionnel de santé peut orienter le travailleur vers un médecin du travail s’il l’estime nécessaire.

L’objet de la visite a également été modifié et il s’agit dorénavant d’interroger le salarié quant à son état de santé, de l’informer sur les risques éventuels auxquels l’expose son poste de travail, de le sensibiliser à la prévention et d’identifier si l’état de santé ou les risques évoqués nécessitent une orientation vers le médecin du travail. Au-delà, le salarié doit être informé de la possibilité de bénéficier d’une visite à sa demande avec le médecin du travail et des modalités de suivi de son état de santé.

Il n’est donc plus question de déclarer le salarié apte à son poste de travail comme c’était le cas auparavant (sauf exceptions) et la visite donne lieu à la délivrance d’une simple attestation de suivi au travail. Cette attestation est fournie par le service de santé au travail au salarié et à son employeur.

II Le suivi médical tout au long de la relation de travail

Au-delà du suivi médical organisé par le code du travail et qui prévoit des visites obligatoires au moment de l’embauche des salariés et dans de strictes conditions – à titre d’exemple, après un arrêt de travail de plus de 30 jours –, des visites médicales peuvent être organisées tout au long du contrat de travail du salarié.

A. La visite médicale à la demande du salarié

Les salariés ont la faculté de solliciter une visite médicale auprès de la médecine du travail à n’importe quel moment pendant le contrat de travail. Il est important de noter que la sollicitation des visites par le salarié ne peut faire l’objet d’aucun contrôle préalable par l’employeur ni conduire ce dernier à prononcer une sanction disciplinaire s’il devait estimer la visite superflue.

En pratique, les salariés prennent contact avec la médecine du travail en majeure partie lorsqu’un arrêt de travail se prolonge et que le médecin traitant indique au travailleur que la reprise du poste dans les conditions antérieures risque de ne pas pouvoir être envisagée.

Dans cette hypothèse, la sollicitation du salarié pour une visite médicale aura pour objectif d’engager une démarche dite « de maintien dans l’emploi » et au salarié d’anticiper le risque d’inaptitude et d’organiser au mieux le retour en entreprise.

Au-delà, la demande du salarié peut également intervenir lorsque les relations de travail connaissent des difficultés ou que ce dernier estime connaître un risque pour sa santé ou pour sa sécurité dans son emploi ou dans les conditions d’exercice du poste de travail.

Rappelons qu’il n’appartient pas à l’employeur de juger s’il estime la visite médicale justifiée ou non et ne peut ni s’y opposer ni prononcer de sanction à ce titre (C. trav., art. R. 4624-34).

De plus, la prise en charge de la visite effectuée à la demande du salarié sera faite par l’employeur comme dans le cadre classique, de même que les temps de trajet et la durée de la visite. L’employeur n’aura également pas la faculté de connaître la raison médicale pour laquelle le salarié a sollicité la médecine du travail.

B. La visite médicale à la demande de l’employeur

Corollaire de la faculté du salarié à solliciter de manière unilatérale la médecine du travail, l’employeur dispose d’une possibilité identique. Ainsi, en dehors du suivi médical obligatoire, l’employeur peut imposer, s’il l’estime nécessaire, une visite auprès des services de santé au travail.

Dans la mesure où l’employeur est soumis à une obligation de sécurité en matière de santé au travail, l’utilisation de la visite médicale ne doit pas être négligée.

Elle doit permettre de vérifier l’aptitude médicale du salarié à son poste de travail en cas de doute et notamment lors d’un changement de poste de travail.

Le déclenchement par l’employeur d’une visite médicale en dehors du suivi médical obligatoire peut permettre à ce dernier d’apporter des éléments de preuve du respect de son obligation de sécurité et de protéger la santé des salariés au travail. A titre d’exemple, dans l’hypothèse d’un salarié déclarant à son employeur des difficultés à occuper son poste de travail ou à gérer la pression ou le stress afférents au poste, la mise en œuvre d’une visite médicale permettrait à l’employeur de rapporter la preuve, en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, qu’il n’a pas manqué à son obligation de sécurité si le médecin du travail ou un membre de l’équipe pluridisciplinaire avait déclaré le salarié apte à son poste de travail.

Le caractère indispensable du déclenchement de la visite médicale à l’initiative de l’employeur pourrait intervenir également lorsqu’un salarié se plaint de sa charge de travail ou des conditions d’exercice du poste.

A noter : Le suivi médical des salariés et la protection de leur santé et sécurité sont étroitement liés à l’obligation de sécurité de l’employeur. Cette obligation, née d’une jurisprudence développée par la Cour de cassation, est passée au fil des ans d’une obligation de sécurité de résultat à une obligation que l’on pourrait qualifier actuellement de « sécurité de moyens renforcée ».

C’est le célèbre arrêt « Air France » qui, pour la première fois, avait décidé que l’employeur pouvait justifier l’absence de manquement à son obligation s’il était en mesure de prouver avoir pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Dans cet arrêt, un salarié employé au poste de chef de cabine 1re classe au sein de la société Air France sollicitait la condamnation de son employeur à lui payer des dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité après les attentats du 11 septembre 2001, estimant que la crise de panique dont il avait été victime le 24 avril 2006 était liée à un manquement par l’employeur concernant la protection de sa santé et de sa sécurité.

Pour la première fois, la Cour de cassation devait analyser l’ensemble des mesures prises par l’employeur qui intégraient des éléments médicaux et la déclaration d’aptitude lors de quatre visites médicales survenues entre 2002 et 2005. Au regard des éléments de fait et de preuve, la Haute Juridiction avait reconnu l’absence de manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat (Cass. soc,. 25 novembre 2015, n° 14-24444).

La nécessité de s’attacher à l’ensemble des mesures prises par l’employeur avant de décider de la violation de son obligation de sécurité a été confirmée très récemment par un arrêt rendu le 5 avril 2019 : « La violation de l’obligation de sécurité et donc ses conséquences ne peut dorénavant être déclarée par les juridictions qu’après analyse de l’ensemble des mesures prises par l’employeur pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » (Cass. ass. plén., 5 avril 2019, n° 18-17442).

Ainsi, le déclenchement de visites médicales en dehors du parcours de suivi médical obligatoire en cas de doute quant à l’aptitude du salarié à exécuter ses fonctions ou à occuper son poste constituera un mode de preuve indispensable en cas de litige avec le salarié.

C. La Visite médicale à l’initiative du médecin du travail

Au-delà du suivi classique effectué par les services de santé au travail, le code du travail fixe les possibilités pour le médecin du travail de réaliser ou prescrire des examens complémentaires dans trois hypothèses spécifiques.

On notera de nouveau que les examens sont à la charge de l’employeur mais que ce dernier ne sera pas informé du nom du salarié pour lequel les visites et examens supplémentaires ont été sollicités.

Les examens complémentaires interviendront afin de déterminer la compatibilité entre le poste de travail et l’état de santé du travailleur en intégrant notamment le dépistage d’infections comportant une contre-indication au poste de travail considéré, de dépistage de maladies dangereuses pour l’entourage ou encore le dépistage d’une maladie professionnelle ou à caractère professionnel susceptible de résulter de l’activité professionnelle.

Dans le cas spécifique des travailleurs de nuit, le médecin du travail peut également prévoir des examens spécialisés de manière complémentaire dès lors qu’il l’estime utile, toujours à la charge de l’employeur (C. trav., art. R. 4624-37).

Enfin, de manière plus générale, le code du travail précise : « Le médecin du travail peut également organiser une visite médicale pour tout travailleur le nécessitant » (C. trav., art. R. 4624-34).

Cette mention permet ainsi au médecin spécialiste, sans aucune autre justification que de préciser que l’état de santé du salarié le nécessite, de fixer des visites médicales sans information supplémentaire.

A noter : Lorsque la visite est demandée par le médecin du travail, ou est effectuée à la demande du salarié ou de l’employeur, ce dernier à l’obligation de délivrer au salarié après cette visite une attestation de suivi lorsqu’il n’y a pas eu de constatation d’inaptitude ni de mise en place d’un suivi médical renforcé. Ce n’est que lorsqu’il s’agit d’un salarié bénéficiant d’un suivi médical renforcé que la délivrance d’un avis médical d’aptitude est obligatoire.

III. La visite médicale à l’issue d’un arrêt de travail

Lorsque le salarié revient d’un arrêt de travail, il doit en principe réintégrer son poste de travail. Cependant, le code du travail fixe une obligation de visite médicale de reprise effectuée par le médecin du travail dans trois hypothèses spécifiques :

• après un congé maternité ;

• après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

• après une absence d’au moins 30 jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel.

Dans ces trois cas, le salarié ne peut reprendre son poste de travail sans avoir bénéficié de la visite de reprise au préalable.

Cela pose la question du moment de la visite de reprise car le code du travail indique que l’examen médical doit être organisé le jour de la reprise ou au plus tard dans un délai de 8 jours suivant celle-ci.

Dans la pratique, il appartient à l’employeur dès lors qu’il a connaissance de la date de fin d’arrêt de travail du salarié de prendre contact immédiatement avec le service de santé au travail afin qu’il organise la visite. C’est donc lors de la communication de l’arrêt de travail final par le salarié que pourra être connue la date fixée de la reprise.

Dès lors que les dispositions légales précisent la faculté de fixer la visite de reprise dans un délai de 8 jours suivant la date de la fin de l’arrêt de travail, se pose également la question de la possibilité que le salarié reprenne son poste de travail à l’issue de l’arrêt mais que la visite n’intervienne que quelques jours plus tard.

Il convient d’être extrêmement vigilant avec cette faculté car le salarié n’a pas encore été déclaré apte par le médecin du travail à reprendre son poste et il exercerait donc ses fonctions sans aucun avis médical. La conséquence pourrait être la survenance d’un accident entre la date de reprise et la date de la visite médicale : l’employeur verrait alors aisément sa responsabilité engagée.

En effet, conformément à l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur et comme vu précédemment, ce dernier pourrait difficilement s’exonérer de sa responsabilité. De plus, le licenciement qui pourrait intervenir suite à la déclaration d’une inaptitude par le médecin du travail au poste serait, selon la jurisprudence, dépourvu de fondement.

En conséquence, il est formellement conseillé à l’employeur de ne pas réintégrer le salarié sur son poste de travail tant que la visite médicale de reprise n’a pas été effectuée et que le médecin du travail a déclaré le salarié apte à reprendre son poste. Le salarié devra donc être maintenu en absence justifiée et rémunérée jusqu’à la date de la visite de reprise et la réception par l’employeur de l’avis médical justifiant la capacité du salarié à reprendre ses fonctions.

A. Le déclenchement de la visite de reprise

L’initiative de la visite de reprise appartient par principe à l’employeur qui a l’obligation de s’assurer de son effectivité. Il ne s’agit donc pas pour ce dernier de se contenter de solliciter le service de santé au travail dont il dépend et d’estimer ensuite que le dépassement du délai devrait être imputable au médecin du travail s’il n’obtient pas réponse avant le terme du délai de 8 jours à compter de la reprise du travail du salarié.

Ainsi, dans l’hypothèse où le service de santé au travail ne répondrait pas rapidement à la demande de l’employeur, une relance doit être immédiatement effectuée. Il est impératif que la visite ait lieu dans les délais et aucune excuse n’est prévue ou acceptée tant par les dispositions légales que par les juridictions.

En revanche, s’il apparaît que le service médical a été défaillant pour la fixation de la visite obligatoire alors que l’employeur a effectué l’information dans les délais, une action peut parfaitement être envisagée contre le service de santé au travail. Cette action sera cependant limitée car l’argument ne pourra pas être soulevé en cas de litige avec le salarié devant le conseil de prud’hommes : seul l’employeur demeure responsable dans la relation contractuelle.

B. Par exception : la visite de reprise à l’initiative du salarié

Dans l’hypothèse où l’employeur viendrait à ne pas déclencher la visite de reprise alors que le salarié l’a informé de la date de fin de son arrêt de travail, une faculté est ouverte afin d’éviter un blocage de la situation pour l’employé.

A ce titre, le code du travail octroie au salarié la possibilité de demander, lorsqu’il anticipe un risque d’inaptitude, un examen par le médecin du travail (C. trav., art L. 4624-1). Il bénéficie également d’un droit constant à solliciter une visite médicale auprès des services de santé compétents à n’importe quel moment.

Il n’est cependant pas question de la qualification d’une visite médicale de reprise.

La jurisprudence a cependant considéré que le salarié peut solliciter une visite qui sera considérée comme une visite de reprise mais uniquement dans l’hypothèse où l’employeur aurait été préalablement averti (voir notamment Cass. soc., 7 janvier 2015, n° 13-20126).

Attention : Cette possibilité ouverte au salarié ne doit surtout pas conduire l’employeur à considérer qu’il n’est pas le seul débiteur de l’obligation relative à la visite médicale de reprise. Le salarié aurait alors la possibilité de solliciter d’éventuels dommages et intérêts pour le non-respect de son obligation par l’entreprise ou l’association.

C. La compétence du médecin du travail exclusive en matière d’aptitude ou d’inaptitude au travail

La question est régulièrement posée du type de médecin compétent pour déclarer l’aptitude ou l’inaptitude du salarié lors de la visite de reprise. En effet, le médecin traitant prescrit les arrêts de travail et décide de leur durée et de leur légitimité.

Cependant, il est totalement exclu pour ce dernier de rendre un avis opposable à l’employeur quant à l’aptitude du salarié à exercer son poste de travail (Cass. soc., 9 octobre 2001, n° 98-46144). Plus important, l’employeur ne doit surtout pas considérer l’avis comme valable car l’incompétence du médecin conduirait à reconnaître l’inexistence ou l’invalidité du document.

La faculté du médecin-conseil de la caisse compétente, et notamment de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), a également été soulevée car ce dernier a la faculté de contrôler l’arrêt de travail prescrit par le médecin traitant et sa durée. Cependant, il n’est également pas fondé à se prononcer sur la capacité du salarié à reprendre son poste de travail. Son avis ne pourra être utilisé que pour déclarer qu’il estime l’arrêt de travail du salarié injustifié et y mettre fin. De plus, le contenu de l’avis qui pourrait être rendu par le médecin-conseil quant à la santé du salarié et ses capacités ne s’imposera pas au médecin du travail.

D. La mise en pratique de la procédure de constatation de l’aptitude ou l’inaptitude

Dorénavant, la constatation de l’inaptitude du salarié à son poste de travail s’effectue via une unique visite par principe. Il n’est donc plus question de recourir à la procédure qui consistait à la tenue de deux visites espacées de 15 jours comme le prévoyait l’ancien système.

Cependant, il n’est pas question de considérer que la déclaration de l’inaptitude est facilitée car le code du travail qui précise une procédure complète qui va bien au-delà du simple examen médical. Ainsi, l’article R. 4624-42 du code du travail prévoit :

« Le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude médicale du travailleur à son poste de travail que :

1° S’il a réalisé au moins un examen médical de l’intéressé, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange sur les mesures d’aménagement, d’adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste ;

2° S’il a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste ;

3° S’il a réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l’établissement et indiqué la date à laquelle la fiche d’entreprise a été actualisée ;

4° S’il a procédé à un échange, par tout moyen, avec l’employeur.

Ces échanges avec l’employeur et le travailleur permettent à ceux-ci de faire valoir leurs observations sur les avis et les propositions que le médecin du travail entend adresser.

S’il estime un second examen nécessaire pour rassembler les éléments permettant de motiver sa décision, le médecin réalise ce second examen dans un délai qui n’excède pas 15 jours après le premier examen. La notification de l’avis médical d’inaptitude intervient au plus tard à cette date.

Le médecin du travail peut mentionner dans cet avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. »

Attention : L’article précité prévoit expressément un échange avec le salarié mais également un échange avec l’employeur. Ce dernier devra être particulièrement prudent lors de la réception de l’avis médical qui ne pourra mentionner cet échange que dans l’hypothèse où il a réellement eu lieu.

On invitera l’employeur à adresser systématiquement une contestation auprès du service médical compétent en l’absence d’échange afin de faire constater le non-respect de la procédure. En revanche, on relèvera que le code du travail ne précise pas les modalités de l’échange entre l’employeur et le médecin du travail et il pourra s’agir d’un simple appel téléphonique, d’email(s) ou de courrier(s).

A l’inverse, le salarié devra impérativement être reçu par le médecin du travail comme le prévoit l’article L. 4624-5 du Code du travail.

Par exception, l’inaptitude du salarié peut être déclarée à la suite de deux examens médicaux lorsque le médecin du travail l’estime nécessaire. Le délai de 15 jours fixé par les dispositions légales connaît alors un caractère impératif qui s’impose au médecin du travail. Toutefois, il n’est plus question de déclarer la procédure de l’inaptitude nulle en cas de non-respect du délai comme le prévoyait l’ancienne procédure.

E. L’avis d’aptitude ou d’inaptitude

L’avis médical rendu à l’issue de la visite de reprise ne peut conduire le médecin qu’à déclarer le salarié apte ou inapte. Il n’est donc pas question pour le professionnel de santé de sortir du cadre légal.

Si le salarié est déclaré apte au travail, il doit reprendre son poste de travail sans que l’employeur ait la faculté de le modifier. De surcroît, en matière d’accident du travail ou de maladie professionnelle, le code du travail prévoit que le salarié doit, d’une part, retrouver son emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération équivalente mais également, d’autre part, que les conséquences de l’accident ou de la maladie due au travail ne pourront entraîner aucun retard dans l’avancement professionnel ou en matière de promotion pour le salarié (C. trav. art. L. 1226-8).

Notons que la réintégration s’effectue en toute hypothèse sur le poste du salarié ou par défaut dans un emploi similaire. Ce n’est donc que si le poste du salarié n’est définitivement plus disponible ou a disparu que la réintégration pourrait s’envisager sur un poste de caractère équivalent.

F. Les particularités de l’aptitude avec réserves

Lors de la visite de reprise, le médecin du travail peut constater que le salarié, s’il n’est pas inapte à reprendre son poste de travail, doit bénéficier de mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation de poste. En principe, l’employeur a l’obligation de tenir compte des mesures proposées par le médecin qui aurait dû procéder ou faire procéder par un membre de l’équipe pluridisciplinaire à une étude de poste et échanger avec le salarié et l’employeur. Ce n’est que dans le cas d’une impossibilité de prendre en considération l’avis et les indications ou les propositions émises que l’employeur pourra les refuser. Il aura alors l’obligation de porter à la connaissance le refus par écrit au salarié et au médecin du travail mais également des motifs.

En pratique, la preuve pourra être rapportée, par exemple, si le médecin propose un aménagement de poste totalement impossible au sein de l’entreprise ou de l’association comme l’impossibilité de port de charges pour un salarié exerçant des fonctions d’aide à domicile.

G. Que faire en cas de contestation par le salarié de la compatibilité du poste avec les recommandations du médecin du travail ?

La Cour de cassation a tranché la problématique, et il est alors impératif pour l’employeur de solliciter à nouveau l’avis du professionnel de santé afin qu’il confirme l’adéquation du poste avec les préconisations (voir notamment Cass. soc. 6 février 2008, n° 06-44413).

A noter : Il est conseillé à l’employeur en toute hypothèse et à chaque fois qu’il envisage la proposition d’une adaptation suite aux préconisations du médecin du travail de consulter ce dernier afin de vérifier la compatibilité. Cette consultation permet à l’employeur d’éviter toute contestation future du salarié ou de placer le travailleur sur un poste qui ne correspondrait pas aux préconisations du médecin du travail. Il en ira de même quand l’employeur estime que l’avis rendu par le médecin est imprécis. Il n’est en effet pas question de se retrancher derrière les imprécisions du professionnel de santé pour justifier l’impossibilité de réintégrer le salarié sur un poste adapté.

Enfin, dès lors que les aménagements du poste correspondent aux préconisations, il sera exclu pour le salarié d’opposer un refus pour son employeur. En effet, il ne s’agit pas d’un changement total de poste qui relèverait d’une inaptitude mais bien d’une transformation du poste actuel du salarié qui s’impose.

H. Les possibilités de recours contre les avis médicaux

Notons en premier lieu que l’avis médical d’aptitude ou d’inaptitude doit mentionner les délais et les voies de recours.

Depuis la loi « travail » du 8 août 2016, la contestation de l’avis relève de la compétence de la juridiction prud’homale. L’employeur ou le salarié qui souhaite contester l’avis médical devra saisir le conseil de prud’hommes en la forme des référés dans un délai de 15 jours suivant sa notification. La saisine est effectuée sous forme d’une requête classique accompagnée d’un bordereau de communication de pièces.

En l’absence de compétence médicale spécifique du conseil de prud’hommes, le code du travail précise que la juridiction a la faculté de confier toute mesure d’instruction au médecin-inspecteur du travail territorialement compétent pour lui permettre d’être éclairé sur les questions relevant du domaine médical.

Le recours au médecin-inspecteur du travail nécessite de faire consigner auprès de la Caisse des dépôts et consignations une provision pour les frais d’expertise. En principe, ces frais sont consignés par le demandeur.

Cependant, il est intéressant de relever que le code du travail a prévu la possibilité pour le conseil de prud’hommes de décider que les frais d’expertise, qui doivent normalement être à la charge de la partie perdante soient mis à la charge des deux parties, voire de la partie gagnante, lorsqu’elle estime que l’action en justice ne connaît pas de caractère dilatoire ou abusive. Il est donc envisageable que l’employeur, défendeur à l’action menée par un salarié mécontent, doive régler l’ensemble des frais d’expertise même s’il « gagne » le procès et que l’avis d’aptitude ou d’inaptitude est confirmé.

En définitif, le conseil de prud’hommes pourra donc, sur les recommandations du médecin-inspecteur du travail, décider d’annuler un avis et de reconnaître l’inaptitude d’un salarié ou, à l’inverse, de décider de son aptitude. Dans l’attente de la décision de la juridiction, l’avis médical continuera à s’imposer aux parties dans la mesure où le recours devant le conseil de prud’hommes ne connaît pas de caractère suspensif.

Dispense de la visite d’information et de prévention à l’embauche

Afin d’éviter la multiplication des visites ayant le même objet, le code du travail prévoit dorénavant la faculté de dispenser le salarié de visite d’information et de prévention en principe lorsque ce dernier a bénéficié d’une visite dans les 5 ans précédant son embauche.

Trois conditions cumulatives sont nécessaires :

• le travailleur occupera un emploi identique présentant des risques d’expositions équivalents ;

• le professionnel de santé (médecin du travail ou, sous l’autorité de ce dernier, collaborateur médecin, interne en médecine du travail ou infirmier) a en sa possession la dernière attestation de suivi ou le dernier avis d’aptitude ;

• aucune mesure individuelle d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste ou d’aménagement du temps de travail justifiée par l’âge ou l’état de santé physique ou mental n’a été émise au cours des 5 dernières années ni aucun avis d’inaptitude.

Attention : Dans le cas du travailleur bénéficiant d’un suivi individuel adapté, la périodicité est fixée à une durée de 3 ans au maximum.

Maintien de la visite d’embauche pour les postes à risques : le suivi individuel renforcé

Le suivi individuel renforcé (SIR) est obligatoire pour l’ensemble des salariés soumis aux risques suivants :

• amiante ;

• plomb ;

• agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction ;

• rayonnements ionisants ;

• risques hyperbares ;

• chute de hauteur sous conditions.

Pour l’ensemble des travailleurs, le suivi médical sera effectué via un examen médical d’aptitude à l’embauche et des examens médicaux périodiques réguliers.

Le code du travail prévoit que la périodicité du SIR ne pourra être supérieure à 4 ans et qu’une visite intermédiaire devra impérativement être effectuée par un professionnel de santé et au plus tard 2 ans après la visite avec le médecin du travail (C. trav., art. R. 4624-28).

Orientation obligatoire des salariés vers le médecin du travail

Le code du travail réglemente de manière stricte les cas où les salariés doivent être orientés sans délai vers le médecin du travail lorsque la visite d’information et de prévention a été réalisée par un autre membre de l’équipe pluridisciplinaire, dans le respect du protocole établi par le médecin du travail. Sont concernés :

• les travailleurs handicapés sous la réserve que le salarié se soit déclaré comme travailleur handicapé lors de la visite d’information et de prévention et qu’il soit reconnu comme travailleur handicapé par la commission des droits de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) ;

• les femmes enceintes, allaitantes ou venant d’accoucher ;

• les salariés affectés à un poste exposé, au-delà des valeurs limites d’exposition à des champs électromagnétiques ;

• des salariés pour lesquels le professionnel de santé estime, lors de la visite d’information et de prévention, nécessaire de les orienter vers un examen du médecin du travail ;

• les salariés se déclarant titulaires d’une pension d’invalidité attribuée au titre du régime générale de la sécurité sociale ou tout autre régime de protection sociale obligatoire.

Reprise du travail du salarié en l’absence totale de visite médicale de reprise

Au regard de l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur et particulièrement du caractère impératif de la visite de reprise, la situation du salarié qui reprendrait son poste de travail de manière définitive après un arrêt de travail pour congé maternité, une maladie professionnelle ou une absence d’au moins 30 jours pour maladie ou accident professionnel ou non, doit être appréhendée avec la plus grande prudence. Tout accident qui surviendrait suite à la reprise du travail en l’absence de visite médicale, et donc en l’absence de déclaration d’aptitude du salarié au poste, pourrait conduire le salarié à solliciter la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur devant le pôle social du tribunal de grande instance, outre la contestation évidente d’un licenciement qui pourrait intervenir après un licenciement pour inaptitude du salarié.

Les juges pourraient valablement considérer que la déclaration d’une inaptitude suite à un accident survenu en l’absence de visite médicale de reprise est entièrement imputable à la faute de l’employeur qui n’a pas respecté son obligation de sécurité vis-à-vis du salarié. Il ressortirait ainsi que la dégradation de l’état de santé du salarié ayant conduit à son inaptitude et à son licenciement serait imputable à l’employeur.

Suivi spécifique des salariés du particulier employeur

Il est intéressant de relever que contrairement à ce qui est prévu par le code du travail pour l’ensemble des salariés embauchés dans les conditions classiques, les salariés du particulier employeur ont la faculté d’être suivis par des médecins qui ne sont pas des médecins du travail ou des membres de l’équipe pluridisciplinaire. Ainsi, l’article L. 4625-2 du code du travail prévoit en effet que ces salariés peuvent bénéficier d’une surveillance médicale effectuée par des médecins n’ayant pas la qualité de médecin du travail. Cependant, des conditions précises doivent être respectées intégrant notamment la signature d’un protocole avec un service de santé au travail inter­entreprises afin de remplacer le spécialiste du travail dans le suivi médical. On relèvera également que le médecin effectuant le suivi médical ne pourra pas, dans le même temps, exercer les fonctions de médecin traitant pour le salarié pour lequel il est en charge du suivi médical dans le cadre de l’emploi.

L’employeur comme le salarié disposeront de la faculté de contester les avis médicaux qui peuvent être rendus par le médecin non spécialiste et solliciter l’intervention du médecin du travail appartenant au service de santé au travail interentreprises ayant signé le protocole.

A noter : Ces dispositions sont fixées par un accord-cadre interbranches du 24 novembre 2016 étendu et conclu dans les branches du salarié du particulier employeur et des assistants maternels du particulier employeur relatif aux règles d’organisations et au choix du service de santé au travail, au suivi individuel et collectif et à la prévention de l’altération de la santé des travailleurs (pour plus de précisions, voir numéro juridique ASH « Le particulier employeur : décryptage d’une application spécifique du droit », décembre 2018, A. Dahan).

Notes

(1) Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels et décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016 relatif à la modernisation de la médecine du travail.

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