Recevoir la newsletter

La plateforme de services, voie royale pour l’inclusion ?

Article réservé aux abonnés

Le congrès « Handicap : les leviers d’une inclusion professionnelle », organisé le 20 juin à Limoges, a tenté d’esquisser les contours d’une plateforme de services qui soutiendrait au mieux la transition vers le milieu ordinaire, en y interrogeant la place de l’Esat.

Si les fameuses plateformes de services, destinées à apporter une réponse souple et personnalisée, centrée sur les attentes et les besoins de la personne à un instant T, sont encore en phase d’expérimentation sur les territoires, un focus sur leurs possibilités en termes d’inclusion professionnelle était proposé lors de la journée « Handicap : les leviers d’une inclusion professionnelle », organisée par l’Espace Sentein, Sathe 87 et l’Erdesss, le 20 juin à Limoges. Au cœur des débats, la question de la place des établissements et services d’aide par le travail (Esat), sous le feu des critiques pour leur faible taux d’inclusion, dans ce dispositif ? « L’Esat est inclusif par nature. Il y a peu de structures en France qui peuvent mettre à l’emploi des personnes handicapées avec des niveaux parfois hétérogènes sur la chaîne de production et que chacun soit fier du produit fini. Nous prenons le temps de répéter, de compenser le handicap pour que la personne puisse apprendre un métier et avoir un rôle dans la société », s’insurge Denis Charrier, directeur général du réseau Gesat. « On a tendance à opposer secteurs protégé et ordinaire. Des parcours plus fluides peuvent exister, mais il n’y a pas un chemin unique, qui irait automatiquement de l’Esat vers le milieu ordinaire. On accueille aussi des gens qui ont été fragilisés par l’entreprise ordinaire et l’Esat sert de sas pour se réintégrer. »

« Historiquement, les Esat ont été conçus avec la loi de 1975 pour être des sas entre milieu protégé et milieu ordinaire. Est-ce que l’Esat est une transition, qui insère et continue le suivi en entreprise, ou une espèce de phalanstère conçu comme milieu alternatif à la société civile ? », pointe Jean-Pierre Hardy, directeur « stratégie et finances » à France Horizon. « Si l’Esat est un lieu alternatif, il ne nécessite pas les mêmes moyens qu’un lieu de transition. Il faut des moniteurs d’atelier, des accompagnateurs de travaux, pas des conseillers d’insertion. Si on veut en faire un lieu inclusif, l’Esat doit être un élément du parcours, qui puisse rassurer les bénéficiaires et garantir les allers-retours : si le contrat à durée déterminée [CDD] en milieu ordinaire échoue, la place en Esat est garantie. Il faut une continuité de la prise en charge. »

Un parcours sécurisé

Et c’est bien là une garantie que devront apporter les futures plateformes, en fluidifiant le parcours vers le milieu ordinaire, tout en offrant la possibilité d’un retour en entreprise adaptée ou en Esat, sans que cela soit considéré comme un recul dans la trajectoire de vie de la personne mais comme une étape.

Aujourd’hui, cette possibilité d’allers-retours se construit de bric et de broc. « La notification de la maison départementale des personnes handicapées [MDPH] est soit pour le milieu ordinaire, soit pour l’Esat. Nous devons jouer sur les failles du système avec des contrats de six mois pour continuer l’accompagnement par l’Esat pendant l’insertion en milieu ordinaire, et pour permettre le retour en milieu protégé si besoin, avant que la notification de travail en milieu ordinaire ne tombe », révèle Laurent Delolme, en cours de reconversion professionnelle pour devenir dirigeant de l’économie médico-sociale. Au-delà du réglementaire, il reconnaît un travail à faire sur l’accompagnement des personnes en milieu ordinaire. « Des personnes avec des spécificités sont capables d’amener des compétences importantes au sein d’une entreprise. Pourquoi ne le fait-on pas ? C’est lié à l’engagement individuel. Le champ de l’établissement enferme les choses, rassure les travailleurs et les professionnels. On se satisfait de cela. Pourtant, on a des personnes qui sont capables de faire des choses dans le milieu ordinaire. Il faut être capable de les rassurer dans un contexte différent de celui de l’Esat. » A ce sujet, Jean-Pierre Hardy plaide pour l’émergence de nouveaux métiers comme le « job coaching », pour accompagner le travailleur dans l’entreprise et rassurer cette dernière en parallèle. « Les entreprises sont prêtes à embaucher des personnes handicapées qui ne travaillent pas plus mal. Certains types de handicap acceptent d’ailleurs du travail très taylorisé, que les individus valides n’acceptent plus. Mais si une personne avec un handicap mental traverse une crise, commence à se rouler par terre, ils ne sauront pas comment réagir. »

De nouveaux modes d’accompagnement qui ne pourront pas être financés avec les moyens actuels des établissements, mais dans une logique… de plateforme.

Si les Esat paraissent avoir une place légitime dans cette nouvelle organisation des relations entre acteurs, il reste encore à définir la gouvernance du réseau. Deux formes paraissent a priori plausibles. D’une part, la plateforme territoriale intégrée, dirigée par un organisme gestionnaire de type associatif qui développe les structures et services nécessaires en les unifiant. « Il y a un risque de parcours captant car les gestionnaires risquent de faire correspondre les besoins des personnes avec les services contrôlés », prévient Jean-Pierre Hardy. Il défend, d’autre part, au titre de la seconde option – une plateforme collaborative multi-associations, avec plusieurs partenaires publics ou privés –, la création de sociétés coopératives d’intérêt collectif, liées de par leur statut à l’économie sociale et solidaire, mais conseille de « privilégier la réalité du terrain pour choisir ».

A l’heure actuelle, l’émergence de ces plateformes est un pari loin d’être gagné. Malgré les appels politiques appuyés en direction de cette transformation de l’offre, les obstacles réglementaires ne permettent pas de dépasser le stade de l’expérimentation. « Le seul objectif fixé par le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens, c’est un taux d’occupation de mon Esat à 90 % », soupire Laurent Delolme. « Cela incite à ne pas se séparer des éléments les plus productifs qui travaillent sur les contrats les plus compliqués pour équilibrer le budget. »

Vers une plateforme territoriale du handicap ?

Daniel Chasseing, sénateur de la Corrèze, est venu au colloque plaider la création d’une « plateforme territoriale du handicap, qui aurait trois missions : recensement des besoins qualitatifs à l’écoute du terrain, démarche prospective d’aide à l’évolution de l’offre, contrôle pour mieux coordonner les besoins du territoire et la planification. Elle serait l’interlocutrice des personnes dans leur parcours avec un financement individualisé, et la garantie d’une évolution du territoire inclusif en faveur des personnes handicapées. »

L’événement

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur